Au programme de la journée d’échanges du 26 novembre, intitulée « Social-santé et promotion de la santé : comment concilier les pratiques ? », c’est une exploration d’expériences menées sur le terrain en promotion de la santé par la première ligne social-santé qui a mobilisé les énergies. Mais aussi une analyse des conditions et des freins pour permettre un croisement des pratiques. En guise d’introduction à cette journée, Bernard Guillemin, directeur de Question Santé, a resitué le Plan Social-santé Intégré (PSSI) comme une structuration des acteur·rice·s des secteurs du social, de la santé et celui de la promotion de la santé autour de complémentarités déjà à l’œuvre sur le terrain. Avec, en filigranes, la participation des publics, l’approche globale en santé et l’interdisciplinarité/intersectorialité.
Une réorganisation pas si aisée
Pour autant, cet horizon est loin d’être évident, comme l’a souligné Damien Favresse, coordinateur du Centre Bruxellois de Promotion de la Santé (CBPS) dans son intervention sur la réorganisation de la première ligne social-santé et de l’ambulatoire bruxellois. « Cette réorganisation est pavée de bonnes intentions. Les professionnel·les des différents secteurs n’ont plus qu’à se rencontrer, faire connaissance les un·es, les autres, s’inscrire dans des dynamiques de réseaux, articuler leurs pratiques respectives, développer des approches intersectorielles, mettre en place des démarches de santé communautaire, faire participer activement les citoyens-usagers au système socio-sanitaire, etc. Si de telles stratégies d’actions sont reconnues comme efficaces pour réduire les inégalités de santé et avoir des effets durables en terme d’équité sociale et de santé, leur opérationnalisation est loin d’être une sinécure. Le processus de réorganisation de la première ligne bruxelloise risque d’être parsemé d’embûches et de freins parce qu’il implique des changements structurels importants, vu la stratification entre les secteurs et leur développement segmentaire et différencié, avec des approches conceptuelles, des cultures professionnelles et des orientations idéologiques différentes. »
Damien Favresse a dès lors relevé plusieurs conditions importantes à ces changements, comme la nécessité d’avoir conscience que les inégalités sociales de santé résultent non seulement des caractéristiques socio-économiques des populations précarisés et de leurs conditions de vie mais aussi du fonctionnement même du système d’aide et de soins, de nature à accentuer ces inégalités. D’où la nécessité d’investir dans ces deux pôles d’action (aide et soins) pour tenter de réduire ces inégalités et développer une approche inclusive de la santé. « La nécessité d’une approche et d’un travail intersectoriels s’impose dès lors, avec le développement de la capacité de travailler ensemble pour appréhender la complexité des situations et le développement de pratiques basées sur la coopération, la complémentarité et la réciprocité entre secteurs et disciplines. Une telle hybridation implique de reconnaitre l’expertise des autres secteurs et de se décentrer par rapport à sa propre expertise. Or cette hybridation est en partie entravée par l’organisation des pratiques, par les politiques publiques segmentées et stratifiées, le cloisonnement des formations disciplinaires… Le Covid a été un exemple notable de cette difficulté de s’inscrire dans une démarche intersectorielle et interdisciplinaire. » Autre défi indispensable, à côté de la réduction des inégalités sociales de santé et l’approche intersectorielle: la participation des bénéficiaires qui implique une reconnaissance de la capacité de ceux-ci à faire des choix et de les respecter. « Or nous sommes dans une culture d’interventions essentiellement descendantes, où les bénéficiaires n’ont pas « appris » à être acteur·rice·s. »
Pour Damien Favresse, un tel travail d’hybridation professionnelle et d’alliance avec les bénéficiaires ne s’improvise pas. Il demande à redéfinir les manières de travailler, l’organisation de l’articulation des professionnels et celle de la participation des bénéficiaires. « Afin que la démocratie, pour les populations précarisées, puisse se vivre dans les services qui leur sont destinés. »