OutilsPrévention
03.12.2024

Social-santé et promotion de la santé : conjuguer les réalités

Le 26 novembre dernier, le Parlement francophone bruxellois accueillait en ses murs une journée de réflexions et d’échanges organisée par Prospective Jeunesse, le CBPS, le Fares, la Fédération bruxelloise de la promotion de la santé, Question Santé, Cultures&Santé et Promo Santé et Médecine Générale asbl. Le but de cet événement : réfléchir à la réorganisation du social-santé, permettre un partage autour de récits de porteur·euses de projets issus de la première ligne ayant intégré l’approche en promotion de la santé et faire se rencontrer les points de vue.

20241127 Img Bs20 Journée promo sante

Au programme de la journée d’échanges du 26 novembre, intitulée « Social-santé et promotion de la santé : comment concilier les pratiques ? », c’est une exploration d’expériences  menées sur le terrain en promotion de la santé par la première ligne social-santé qui a mobilisé les énergies. Mais aussi une analyse des conditions et des freins pour permettre un croisement des pratiques. En guise d’introduction à cette journée, Bernard Guillemin, directeur de Question Santé, a resitué le Plan Social-santé Intégré (PSSI) comme une structuration des acteur·rice·s des secteurs du social, de la santé et celui de la promotion de la santé autour de complémentarités déjà à l’œuvre sur le terrain. Avec, en filigranes, la participation des publics, l’approche globale en santé et l’interdisciplinarité/intersectorialité.

Une réorganisation pas si aisée

Pour autant, cet horizon est loin d’être évident, comme l’a souligné Damien Favresse, coordinateur du Centre Bruxellois de Promotion de la Santé (CBPS) dans son intervention sur la réorganisation de la première ligne social-santé et de l’ambulatoire bruxellois. « Cette réorganisation est pavée de bonnes intentions. Les professionnel·les des différents secteurs n’ont plus qu’à se rencontrer, faire connaissance les un·es, les autres, s’inscrire dans des dynamiques de réseaux, articuler leurs pratiques respectives, développer des approches intersectorielles, mettre en place des démarches de santé communautaire, faire participer activement les citoyens-usagers au système socio-sanitaire, etc. Si de telles stratégies d’actions sont reconnues comme efficaces pour réduire les inégalités de santé et avoir des effets durables en terme d’équité sociale et de santé, leur opérationnalisation est loin d’être une sinécure. Le processus de réorganisation de la première ligne bruxelloise risque d’être parsemé d’embûches et de freins parce qu’il implique des changements structurels importants, vu la stratification entre les secteurs et leur développement segmentaire et différencié, avec des approches conceptuelles, des cultures professionnelles et des orientations idéologiques différentes. »

Damien Favresse a dès lors relevé plusieurs conditions importantes à ces changements, comme la nécessité d’avoir conscience que les inégalités sociales de santé résultent non seulement des caractéristiques socio-économiques des populations précarisés et de leurs conditions de vie mais aussi du fonctionnement même du système d’aide et de soins, de nature à accentuer ces inégalités.  D’où la nécessité d’investir dans ces deux pôles d’action (aide et soins) pour tenter de réduire ces inégalités et développer une approche inclusive de la santé. « La nécessité d’une approche et d’un travail intersectoriels s’impose dès lors, avec le développement de la capacité de travailler ensemble pour appréhender la complexité des situations et le développement de pratiques basées sur la coopération, la complémentarité et la réciprocité entre secteurs et disciplines. Une telle hybridation implique de reconnaitre l’expertise des autres secteurs et de se décentrer par rapport à sa propre expertise. Or cette hybridation est en partie entravée par l’organisation des pratiques, par les politiques publiques segmentées et stratifiées, le cloisonnement des formations disciplinaires… Le Covid a été un exemple notable de cette difficulté de s’inscrire dans une démarche intersectorielle et interdisciplinaire. » Autre défi indispensable, à côté de la réduction des inégalités sociales de santé et l’approche intersectorielle: la participation des bénéficiaires qui implique une reconnaissance de la capacité de ceux-ci à faire des choix et de les respecter. « Or nous sommes dans une culture d’interventions essentiellement descendantes, où les bénéficiaires n’ont pas « appris » à être acteur·rice·s. »

Pour Damien Favresse, un tel travail d’hybridation professionnelle et d’alliance avec les bénéficiaires ne s’improvise pas. Il demande à redéfinir les manières de travailler, l’organisation de l’articulation des professionnels et celle de la participation des bénéficiaires. « Afin que la démocratie, pour les populations précarisées, puisse se vivre dans les services qui leur sont destinés. »

Quatre projets sur le métier 

Ont suivi quatre présentations de projets inspirants, conjuguant social-santé et promotion de la santé :

  • une recherche-action de Prospective jeunesse,menée depuis 2023 en partenariat avec la Fédération des maisons médicales, à propos des pratiques de prévention des assuétudes dans une approche de promotion de la santé en maisons médicales, ce qui ne se faisait pas jusque-là dans les maisons médicales. Lors de la phase exploratoire, une guide d’auto-évaluation a été co-créé avec les participants. Ensuite trois maisons médicales bruxelloises ont développé des projets pluriels : une formation proposée à l’équipe médicale sur la façon d’entrer en dialogue autour des assuétudes avec les patients, une autre formation sur les usages problématiques des écrans, ainsi que l’élaboration d’une campagne de prévention alcool.
  • le projet Papillon de l’asbl Bras dessus Bras dessous (BdBd), qui se base sur la littératie en santé, avec la volonté de former le personnel, mais également de sensibiliser les voisineur·euse·s (qui visitent les aîné·e·s, soit les voisiné·e·s) et les partenaires locaux, afin qu’ils attirent l’attention des personnes âg·e·s sur les aspects santé. En est résulté « Mon Papillon, ma santé et mon bien-être », un outil conçu pour favoriser l’autonomie des seniors et qui les invite à identifier leurs besoins (transports, alimentation, soins de soi, activités qui font du bien, problèmes de santé, médicaments importants, soignants…). Le modèle d’intervention de BdBd a été décortiqué pour identifier les moments cruciaux pour introduire les éléments favorables à la santé des aîné·e·s.
  • le projet de Contrat local social-santé (CLSS) du Cerapss qui propose un accompagnement pour la mise en place du dispositif CLSS sur le plan des quartiers ainsi définis par le PSSI et dont le but est d’améliorer l’accès de la population aux services social-santé de première ligne. L’objet de cet accompagnement consiste à proposer une méthode de travail intersectorielle et basée sur la co-construction. Le Cerapss apporte un appui méthodologie pour les différentes étapes, comme la réalisation du diagnostic et la co-construction du plan d’action avec tous les acteurs du social et de la santé à l’échelle du quartier.
  • Enfin, accompagnée d’usagères ayant participé au processus, l’asbl Les Pissenlits a présenté la dynamique qui s’est mise en place et la démarche communautaire qui s’est installée dans le temps pour parvenir à la publication du « Journal intime d’un groupe de femmes ». Il est issu d’un travail de longue haleine au sein du groupe de paroles multiculturel et mixte sourdes/entendantes « Femme, hormones et société ». Il reprend d’une part des témoignages, préoccupations, réflexions autour de l’intimité (puberté, éducation, droits des femmes, vie intime, menstruations…) et d’autre part, il présente la démarche communautaire telle qu’elle est pratiquée aux Pissenlits, afin de diffuser cette approche. 

L’après-midi a été consacrée à des ateliers interactifs visant la réflexion et la co-construction autour de nouvelles approches sur le terrain. Ont entre autres été évoquées des questions autour des besoins des usagers, du changement de posture nécessaire dans le chef des acteurs de terrain, de la nécessité d’entendre les bénéficiaires, tout en étant attentif aux risques d’instrumentalisation de leurs paroles.

Cobbaut 

Des traces de cette journée seront proposées dans les semaines à venir
https://sites.google.com/view/journe-echanges-26112024/accueil