DiversInitiatives
03.06.2022
Numero: 11

Collectif 21 : comment faire association aujourd’hui et demain ?

Il y a deux ans, à la veille des 100 ans de la loi sur les asbl, les inquiétudes du Collectif 21 étaient déjà patentes quant au changement de paradigme pour le monde associatif, avec le nouveau Code des sociétés et des associations (CSA)1. Toujours inquiet, le Collectif 21 continue d’interroger le devenir des asbl à travers un film, un ouvrage et des moments de rencontre.

 

20220609 Img Bs11collectif21 Site

Le 10 mars dernier, lors d’une journée de synthèse2, le Collectif 21 souhaitait faire le point après deux années de travaux autour du fait associatif, son histoire, son présent et son évolution proche et plus lointaine.

Projeté en début de journée, le documentaire de Michel Steyart, réalisé en collaboration avec le Collectif 213, nous a directement transporté en 2121 pour mettre en perspective la possible évolution des asbl, si nous n’y prenons pas garde. On y évoque comme une hypothèse noire une intelligence artificielle associative, posant les limites des agréments, des programmes, des subsides. Assimilées à des entreprises, on y parle d’hybridation avec les services publics, d’un développement des asbl dans le cadre d’une marchandisation s’imposant à tous et avec pour seule alternative, des initiatives se développant dans un monde collatéral, refusant les arcanes du siècle prochain (et déjà actuel ?).

Le documentaire se penche surtout sur un présent plutôt gris, où ce qui continue à faire bloc dans l’associatif se situe aux niveaux de la solidarité et du partage, mais dont la raison sociale est en danger d’être passée à la moulinette de grilles et de statistiques, de contrats-types, selon des réalités standardisées. Avec un monde associatif, le nez dans le guidon, qui n’aurait pas pris la mesure du nouveau Code des sociétés et des associations, assimilant désormais les asbl à des entreprises.

Vers une instrumentalisation du secteur

Dans ce documentaire-chorale, ainsi qu’au cours de la journée de synthèse, la parole a été donnée à des chercheurs, des politologues, des responsables d’asbl et de mouvements citoyens, pour resituer l’avènement de la loi sur les asbl en 1921, le momentum qui a permis son adoption, il y a 100 ans, et le développement d’un monde associatif, historiquement basé sur les piliers de la société belge. Pour Jacques Moriau, chercheur à l’ULB et chargé des projets au CBCS, interrogé dans le cadre de ce documentaire, « deux éléments caractérisent les fondements du fait associatif : l’autonomie, avec le pouvoir et la puissance d’agir qui y sont liées, et l’action, dont la visée est de porter les communautés, d’émanciper des citoyens en améliorant leur existence. » Les pouvoirs publics déléguaient certaines missions à des acteurs connaissant bien le terrain, dans une relation d’égal à égal.

Or, pour de nombreux acteurs de terrain interrogés, on voit aujourd’hui se développer une relation d’allégeance et de sous-traitance de missions confiées aux asbl, par des entités publiques qui définissent les règles et identifient des cahiers des charges de plus en plus précis. Il s’agit de se conformer au cadre, en répondant à des objectifs chiffrés, même si la dimension d’accompagnement social s’accommode mal de ces desiderata et alors même que les situations à traiter sont de plus en plus complexes. Le financement par appels à projets est la figure de cette relation d’allégeance, avec une définition des objectifs, la mesure de ceux-ci, les pratiques à mettre en place pour atteindre des objectifs définis ailleurs et par d’autres. La professionnalisation du monde associatif et sa mise en concurrence sont, pour beaucoup, de nature à nuire aux capacités réflexives et de suggestions de ce secteur, avec un risque d’une perte d’identité évident.

Pour de nombreux acteurs de terrain, on voit aujourd’hui se développer une relation d’allégeance et de sous-traitance de missions confiées aux asbl par des entités publiques.

D’où la question essentielle du sens, la nécessité de rendre vie à ce vieux concept de « commun », comme l’a soulevé Luc Carton, philosophe, et le besoin exprimé par Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la FDSS, de croire en les capacités du monde associatif d’être une force de propositions et d’actions dans des domaines difficiles, voire désertés, mais aussi de dire non. Autres aspects effleurés et débattus : l’émergence d’associations qui se (re)pensent selon des rapports d’égalité entre les citoyens et d’organisation plus horizontale que verticale.

Penser ce qui nous arrive et faire société demain

Revenir sur la fonction sociale, émancipatrice et démocratique du fait associatif, c’est aussi l’enjeu de l’ouvrage « Cent ans d’associatif en Belgique… Et demain ? Les réflexions du Collectif 21 »4, coordonné par Mathieu Bietlot (La Maison du Livre), Manon Legrand (Alter Echos) et Pierre Smet (le SAS). Dans quatre chapitres, une multitude d’auteurs retracent le vaste paysage des associations en Belgique, leur histoire, les relations entre associations et pouvoirs publics, ainsi que la professionnalisation, la militance et les publics de l’associatif.

Dans leurs conclusions, Mathieu Bietlot et Manon Legrand évoquent des pistes pour réaffirmer tout l’intérêt du fait associatif, en prenant le temps de la remise en question, mais aussi en cultivant la culture associative pour ne pas se laisser coloniser par des logiques managériales, marchandes et déshumanisantes, en étant moins frileux, en faisant place à des dynamiques émergentes, comme les Jeunes pour le climat, les Zad, le mouvement « MeToo »…, en faisant association entre associations, en revendiquant le conflit, en travaillant les complémentarités et en déployant la force de proposition et de production du monde associatif. Vaste programme mobilisateur…

Quelques repères chiffrés

En 2021, 110.000 asbl étaient actives dans tous les secteurs de la vie associative.
Le secteur associatif représente 5,4% du PIB national.
Les subventions publiques représentent 47% des revenus des associations.
En 2017, 19.000 des 110.000 associations employaient 497.000 salariés, soit 12,6% de l’emploi salarié en Belgique.
Entre 2009 et 2017, 81.700 emplois ont été créés dans le secteur.

Nathalie Cobbaut


1. Voir l’article publié dans l’e-Mag Bxl Santé n°2 – https://bit.ly/3kWJLnh
2. Dont les principaux moments ont été filmés et se trouvent sur le site web du Collectif 21 : http://www.collectif21.be/2022/04/30/save-the-date-journee-de-synthese-des-travaux/
3. Pour visionner le film, organiser une projection ou un débat sur le fait associatif, prendre contact avec le CVB : philippe.cotte@cvb.be ou alice.riou@cvb.be
4. Pour commander l’ouvrage : http://www.collectif21.be/2022/03/10/cent-ans-dassociatif-en-belgique-et-demain/

Sur la même thématique