Vers une instrumentalisation du secteur
Dans ce documentaire-chorale, ainsi qu’au cours de la journée de synthèse, la parole a été donnée à des chercheurs, des politologues, des responsables d’asbl et de mouvements citoyens, pour resituer l’avènement de la loi sur les asbl en 1921, le momentum qui a permis son adoption, il y a 100 ans, et le développement d’un monde associatif, historiquement basé sur les piliers de la société belge. Pour Jacques Moriau, chercheur à l’ULB et chargé des projets au CBCS, interrogé dans le cadre de ce documentaire, « deux éléments caractérisent les fondements du fait associatif : l’autonomie, avec le pouvoir et la puissance d’agir qui y sont liées, et l’action, dont la visée est de porter les communautés, d’émanciper des citoyens en améliorant leur existence. » Les pouvoirs publics déléguaient certaines missions à des acteurs connaissant bien le terrain, dans une relation d’égal à égal.
Or, pour de nombreux acteurs de terrain interrogés, on voit aujourd’hui se développer une relation d’allégeance et de sous-traitance de missions confiées aux asbl, par des entités publiques qui définissent les règles et identifient des cahiers des charges de plus en plus précis. Il s’agit de se conformer au cadre, en répondant à des objectifs chiffrés, même si la dimension d’accompagnement social s’accommode mal de ces desiderata et alors même que les situations à traiter sont de plus en plus complexes. Le financement par appels à projets est la figure de cette relation d’allégeance, avec une définition des objectifs, la mesure de ceux-ci, les pratiques à mettre en place pour atteindre des objectifs définis ailleurs et par d’autres. La professionnalisation du monde associatif et sa mise en concurrence sont, pour beaucoup, de nature à nuire aux capacités réflexives et de suggestions de ce secteur, avec un risque d’une perte d’identité évident.
Pour de nombreux acteurs de terrain, on voit aujourd’hui se développer une relation d’allégeance et de sous-traitance de missions confiées aux asbl par des entités publiques.
D’où la question essentielle du sens, la nécessité de rendre vie à ce vieux concept de « commun », comme l’a soulevé Luc Carton, philosophe, et le besoin exprimé par Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la FDSS, de croire en les capacités du monde associatif d’être une force de propositions et d’actions dans des domaines difficiles, voire désertés, mais aussi de dire non. Autres aspects effleurés et débattus : l’émergence d’associations qui se (re)pensent selon des rapports d’égalité entre les citoyens et d’organisation plus horizontale que verticale.