Et à Bruxelles ?
Nous avons rencontré deux directrices de MRS, engagées dans ce processus. Pascale De Coster, de la MRS Notre-Dame de Stockel (secteur privé associatif), explique que « contrairement à ce que l’on aurait pu croire, nous avons vraiment pu expérimenter la philosophie Tubbe dans le contexte de huit-clos qu’a généré la crise sanitaire. Une solidarité s’est créée entre les résidents, le personnel, la direction. Par exemple, l’accueil a été vite débordé avec la gestion des familles, désireuses d’entrer en contact avec leur proche et déposant des colis à amener aux résidents, devant d’abord rester en quarantaine avant d’être distribués. Une résidente a proposé la candidature de la fille d’un ami pour prêter main forte au personnel de l’accueil ; après un entretien, elle a été engagée. Cette résidente s’est sentie impliquée dans la gestion de son lieu de vie et est venue avec une solution. »
Autre sujet de négociation avec les résidents : les nouvelles entrées dans ce contexte délétère. Ils ont suggéré de créer un groupe d’accueillants pour les nouveaux venus, tout en respectant les quarantaines. Dans le même temps, ils ont proposé d’amender le livret d’accueil, avec des infos qui manquaient, selon eux. « On a aussi réfléchi aux aménagements des repas : puisque le restaurant était fermé, les résidents devaient a priori manger en chambre. Dans le cadre du confinement par étage, on a organisé des petits coins-repas. Les résidents se sont dits satisfaits, préférant cette solution à la grande salle à manger trop bruyante. » Avec les décès, les résidents ont également souhaité être associés aux hommages faits habituellement aux disparus qui étaient leur voisin.e, leur ami.e, parfois depuis des années.
Les familles se sont également impliquées dans l’entretien du jardin, dans des activités destinées à rééduquer à l’odorat des résidents ayant contracté le Covid ou encore dans la recherche de mobilier pour aménager un coin confort pour lequel les résidents ont reçu un petit budget. Le monde extérieur s’est même invité dans la maison de repos, par le biais d’une école qui a proposé aux résidents de la maison de repos de participer au Jerusalema Dance Challenge, une vidéo virale sur YouTube reprise par de nombreux internautes. Les kinés ont appris la danse aux résidents. Tout le personnel s’est pris au jeu et tout s’est passé par vidéo. Désormais, une activité danse a été lancée dans la maison. Pour Pascale De Coster, « le Covid a vraiment été l’occasion d’avancer sur cette co-gestion. Et avec les équipes, on a pu créer une dynamique très porteuse et une atmosphère différente. On a même été jusqu’à soumettre le choix d’un engagement de personnel aux résidents, parmi les candidats à une augmentation d’heures de prestation. »
A la Cerisaie, MRS du CPAS de Schaerbeek (secteur public), la crise Covid a été assez vive lors des deux vagues, avec pas mal de malades parmi les résidents, malgré des mesures de protection très strictes. Le personnel a eu peur d’être infecté et a été difficile à rassurer, au point de devoir faire appel à MSF pour suppléer les manques de personnel et d’équipements et organiser la gestion de la pandémie. Mais comme l’explique la directrice Emmanuelle Ghiste, « depuis trois ans, nous travaillons à la mise en place d’un management participatif, dans le cadre du programme de la commune de Schaerbeek « Culture 30 ». En 2019, nous avions travaillé sur le projet de vie institutionnel de la maison et grâce au coaching proposé dans le cadre du programme Tubbe, nous nous sommes réunis avec les résidents autour de six thématiques : l’accueil, le séjour, l’alimentation, les animations, la disponibilité du personnel et les soins. Le projet de vie est finalement quelque chose d’assez théorique, les ateliers de réflexion organisés sur ces six thématiques ont permis de mettre tout cela en pratique. Par exemple, l’accueil des nouveaux arrivants a été abordé, pour le séjour, une idée est venue de concevoir des affichettes à placer sur les portes pour respecter l’intimité, des lieux cocooning ont été créés. »
Réelle révolution ou aménagements cosmétiques : l’avenir dira s’il s’agit d’un réel changement de paradigme pour ces institutions, à l’instar du management de certaines entreprises fonctionnant selon des modalités plus horizontales, ou d’un ethical washing de l’image de ces institutions, sans réelles motivations profondes de transformation. Tout est une question d’intention.