DossierPolitiques de santé
12.10.2022
Numero: 12

La promotion de la santé, à l’aube d’un nouveau mandat de cinq ans

Le 13 septembre dernier, la ministre Barbara Trachte présentait le nouveau Plan de promotion de la santé 2023-2027, adopté cet été par les gouvernements bruxellois. Celui-ci fait désormais partie d’un plan plus vaste, le Plan Social Santé intégré (qui sera abordé dans le second article de ce dossier). Ce Plan promo santé reste pour autant géré par le Collège et l’administration de la COCOF. Priorités politiques, stratégies prioritaires, axes de promotion de la santé et éléments présents dans chaque projet : les pièces d’un nouveau puzzle à assembler d’ici le 3 novembre prochain pour les opérateurs du secteur.

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Difficile d’aborder le nouveau Plan de promotion de la santé (PS) 2023-2027, sans évoquer le Plan Social Santé Intégré (PSSI). En effet ce dernier, comme cela a été annoncé depuis des mois maintenant, devrait être désormais le seul document de référence en matière de social-santé en Région bruxelloise. Il intègre le Plan Santé bruxellois, le Programme d’actions bruxellois de lutte contre la pauvreté (encore à venir, sans doute d’ici la fin de l’année) et le Plan stratégique de promotion de la santé. C’était une volonté des ministres écolo, Barbara Trachte et Alain Maron, en charge des affaires social-santé, et énoncé dans les programmes des gouvernements respectifs (COCOF et COCOM), de mettre en œuvre un tel plan.

Comme l’a souligné Barbara Trachte, lors d’une interview qu’elle nous a accordée dans le cadre de ce dossier, « Nous avons beaucoup travaillé pour que les barrière institutionnelles, techniques, administratives tombent. Des logiques et des référentiels communs en social-santé et en promotion de la santé sont désormais inscrits dans les textes. Maintenant c’est aux acteurs de s’approprier les possibilités offertes par cette nouvelle donne. »  

Et de citer l’exemple d’un appel à candidatures d’un nouveau service support en démarche communautaire en santé, « qui pourrait ainsi s’adresser à l’ensemble des services social-santé et apporter cette méthodologie de la santé communautaire auprès d’acteurs du social ou de services de première ligne. Cela permettrait de faire percoler cette méthodologie au-delà de la promotion de la santé, comme ça a été le cas pendant la crise Covid. Idem pour la question du genre qui fait également l’objet d’un appel à candidature spécifique ».

Un cadre qui reste COCOF

Pour autant, comme le Plan PS 2023-2027 l’indique, le décret bruxellois du 18 février 2016 continue de constituer le cadre réglementaire de cette politique, avec un dispositif qui n’a pas changé (instance de pilotage, section PS du Conseil consultatif bruxellois francophone de l’Aide aux personnes et de la Santé, organismes piliers, associations et réseaux désignés et subventionnés, relais), et un budget de la COCOF. Et ce sera le cas tant qu’il n’y aura pas de 7e réforme de l’État.

Le premier Plan stratégique datait de 2018-2022. Comment le second du genre a-t-il évolué ? Comme le souligne Barbara Trachte , « Bien plus qu’une obligation de remise à jour d’un plan, on a travaillé à partir des évaluations du plan précédent, des recommandations du terrain, des enseignements tirés de la crise Covid. On s’est calqué sur les cinq principes d’intervention de la Charte d’Ottawa – Promouvoir la santé et les stratégies de PS dans toutes les politiques, Renforcer la participation des publics et l’action communautaire, Promouvoir et soutenir des actions visant des environnements et des milieux de vie favorables à la santé, Promouvoir et favoriser des aptitudes favorables à la santé et Réorienter les services – comme architecture des axes du nouveau Plan 2023-2027, mais également celle du PSSI, ce qui permettra d’utiliser un langage et des concepts communs. Evidemment, étant donné le budget de la COCOF, il y aura des choix à faire : c’est pourquoi le Gouvernement a émis dix priorités politiques, qui ont préalablement été concertées. Donc il n’y aura pas de surprise. C’est important d’être transparent. »

Dix priorités politiques ciblées
  1. Améliorer le bien-être et la santé en agissant sur les environnements favorables à la santé (alimentation, travail, qualité de l’air, bruit, perturbateurs endocriniens, espaces verts, logement)
  2. Promouvoir la santé sexuelle et le bien-être affectif, émotionnel des adultes et des jeunes
  3. Combatte les inégalités liées au genre
  4. Lutter contre les discriminations et en particulier la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH, des usagers de drogues légales ou illégales et des LGBTQIA
  5. Améliorer le bien-être et la santé des personnes âgées ou des personnes vivant en situation de handicap
  6. Mener des actions en promotion de la santé mentale
  7. Mener des actions en PS en matière d’assuétudes et en particulier en matière de mésusages de drogues, légales ou illégales
  8. Participer à la mise en place d’une politique plus intégrée de prévention et de médecine préventive
  9. S’inscrire dans une approche territoriale de l’offre d’aide, d’accompagnement et de soins (groupement de quartiers, communes, bassins, Région)
  10. Intégrer la PS dans la formation, l’accompagnement et le support des secteurs socio-sanitaires (échange de pratiques, soutien méthodologique) pour renforcer les compétences de ceux-ci et la qualité de leur intervention

Combattre les inégalités sociales de santé

Les déterminants de santé comme leviers d’action sont évidemment énoncés dans le Plan Promo Santé, tout comme les inégalités sociales de santé orientent les actions à mener. Ces éléments relèvent bien sûr des concepts propres à la promotion de la santé. Mais le fait qu’ils soient désormais également inscrits dans le PSSI a pour but de faire percoler ces préoccupations en social-santé. Le but est d’avoir des politiques cohérentes à l’égard de ces éléments.

Par ailleurs des ponts sont faits avec les politiques régionales et des inter-cabinets ont eu lieu avec les cabinets ministériels en charge du logement, de l’emploi, de l’environnement, de la propreté… de manière à travailler sur ces déterminants et inégalités sociales de santé avec des leviers régionaux. Il y a bien sûr des leviers fédéraux, mais pour l’instant le travail est surtout concentré au niveau régional.

Si l’intégration des matières social-santé et de la promotion de la santé prend forme, l’intégration régionale des compétences progresse également. Il y a des grands plans comme Good Move ou les zones de basse émission, où le lien avec les déterminants de santé est très clair. Mais comme le souligne Barbara Trachte, « il y a aussi un tas de projets concrets de terrain qui établissent de tels liens : c’est le cas par exemple du supermarché coopératif BeesCoop, qui s’inscrit dans des politiques comme Good Food et d’accessibilité à de la nourriture de qualité, avec des préoccupations de prix justes pour les producteurs et les consommateurs. La question de la participation des publics est également très présente. Un travail de recherche est également mené avec des personnes âgées isolées, suivies par le CPAS de Schaerbeek et la BeesCoop, à propos de leurs habitudes de consommation et leur santé. Il s’agit d’un projet exemplaire où un déterminant de santé comme l’alimentation est pris en compte à travers une multiplicité de prismes et de leviers.»

Dans l’attente des projets

D’ici le 3 novembre prochain, les dossiers sont attendus pour les appels à projets, les appels à réseaux, ainsi que pour les appels à candidatures pour les services de support et d’accompagnement, a priori pour les deux nouvelles missions (Soutien aux acteurs en matière de genre et Soutien aux acteurs en matière de démarche communautaire). En effet, étant donné que les sept services support et le CBPS ont eu une évaluation positive, ceux-ci ont vu leur candidature reconduite de manière automatique. Mais ils devront rendre leur programme d’activités pour début décembre.

Étant donné les 70 pages du Plan PS, un guide pratique sous forme d’un tableau récapitulatif a été élaboré par l’administration, reprenant les cinq axes (ou objectifs généraux), les objectifs spécifiques et opérationnels, avec l’indication de cibles privilégiées spécifiant les priorités politiques, et le rappel des stratégies prioritaires1. Autre nouveauté dont les associations de terrain devront tenir compte : les sept éléments à intégrer dans chaque projet, à savoir documenter le terrain pour fournir des données analysées et contextualisées (ce qui inquiète les associations face à la charge de travail), inclure une réflexion sur le genre, participer à la réduction des inégalités sociales de santé, inclure la littératie en santé, prévoir des modalités d’évaluation, identifier comment la participation des publics sera intégrée au projet et développer ou s’associer à un plaidoyer à l’échelle locale, régionale, nationale ou internationale.

Pour Pascale Anceaux, chargée de gérer les dossiers pour les appels à projets au sein de l’administration COCOF, « La structure du nouveau Plan PS est assez différente du précédent, qui visait des projets déjà presque ficelés. Ici il y a une possibilité de créativité beaucoup plus grande dans le chef des acteurs. Il y a moyen de jouer davantage en s’inscrivant dans un ou plusieurs axes, avec des objectifs spécifiques et opérationnels pluriels et une attention spécifique aux priorités politiques. Le budget « Initiatives » permet pour sa part de soutenir des projets innovants en lien avec le Plan PS, mais moins institutionnalisés. Une fois les projets rentrés, le Collège opèrera la sélection, avec un avis du Conseil consultatif pour les projets de plus de 50.000 euros, le tout constituant ainsi le plan opérationnel pour cinq ans. Ce Plan, c’est ce vers quoi on tend : personne n’imagine que tous les objectifs vont être rencontrés. Mais en fonction de la sélection, il y aura sans doute l’un ou l’autre appel à projets complémentaire. »

Et sur le plan budgétaire ?

Actuellement, un budget de 5 millions d’euros est consacré à la mise en œuvre du plan 2018-2022, ce qui reste une manne assez réduite au regard des ambitions embrassées par la Promotion de la Santé, surtout si des acteurs d’autres secteurs sont amenés à monter dans le train. A l’heure de boucler ce dossier, le budget dévolu au plan 2023-2027 a été arrêté : il sera augmenté de 10%, soit quelque 5,5 millions d’euros.

Si le soutien aux associations dont les projets seront retenus dans le cadre de ce nouveau plan est encore prévu pour cinq ans, la réflexion se porte sur la possibilité de modifier le décret PS afin de rallonger le cycle de projets pour une période de six ou sept ans, afin de laisser plus de temps pour permettre l’implémentation des projets. Comme le souligne Barbara Trachte, « on préfère la politique de projets à celle des agréments, cela nous semble une méthode de travail plus intéressante, à condition de laisser du temps aux opérateurs pour inscrire leurs projets dans une certaine durée. »

Quant au volume budgétaire, les opérateurs ont reçu des subventions pour exécuter leurs projets pour une période de cinq ans, ce qui constitue un socle auquel on ne peut pas toucher. Par contre, durant cette législature, le budget en subventions facultatives pour les projets d’initiatives a quasi été doublé. Lors du conclave budgétaire, Barbara Trachte a tenté la consolidation des budgets facultatifs à hauteur de ce qui a été débloqué, ces mois derniers.

Nathalie Cobbaut

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