Posture délicate entre soins et expertise
Au cours de la matinée d’étude organisée en décembre 2019, les psychothérapeutes n’avaient pas manqué de souligner la position délicate dans laquelle les mettent les attestations psychologiques. Souvent, ces documents ne sont même pas sollicités par les demandeurs d’asile eux-mêmes. Ils sont généralement réclamés par des tiers : les officiers de l’administration, les avocats, etc. Ainsi les médecins et les psychologues voient-ils régulièrement arriver à leurs consultations des patients demandant une attestation psychologique. Les demandeurs d’asile leur sont envoyés parce qu’ils ont du mal à raconter leur histoire au CGRA. Or, le récit de leur vie est la « pièce à conviction essentielle de la demande d’asile »7. Les difficultés à produire ce récit est à rechercher dans les traumatismes psychiques généralement graves qu’ils ont subis.
Comment relater les horreurs, les violences, toute l’étendue des comportements inhumains dans des situations de conflits, de guerre, d’absence de l’Etat… ? Comment dire l’indicible et comment l’énoncer dans les langues nationales que beaucoup de demandeurs ne maîtrisent pas ? Comment raconter « ça » à des étrangers qu’ils rencontrent pour la première fois ? Devant des blouses blanches qui, parfois, rappellent le rôle joué par d’autres blouses blanches dans le pays qu’ils ont fui ?… Il n’est pas facile de parler de ces choses-là, les soignants le savent bien. Le récit ne peut prendre place que dans un espace où la relation de confiance entre le thérapeute et le patient a pu être créée. Celle-ci demande du temps, or il n’y en a pas beaucoup dans la procédure d’asile.
… demandeurs d’asile, réfugiés, sans-papiers…, exclus parmi les exclus
Il est attendu des attestations qu’elles fassent le lien entre les traumatismes et les événements subis8. Cette demande place les thérapeutes en position d’experts, une posture qui les questionne énormément. Peut-être, plus encore ceux qui travaillent dans les institutions du Réseau. Ces services sont là pour offrir des soins médico-psychologiques aux demandeurs d’asile, réfugiés, sans-papiers…, exclus parmi les exclus de notre société. Finalement quelle place est accordée aux soins quand, de plus en plus souvent, il est demandé aux médecins, psychologues et psychiatres d’intervenir comme experts ? Dans la pratique, les services et les soignants aident et accompagnent les demandeurs d’asile autant qu’ils peuvent le faire.