Dossier
ONE, services PSE, mêmes combats : ceux des droits de l'enfant.
"En 1920, 10 % des enfants mouraient avant l'âge de 1 an". Ce rappel utile et glaçant, glissé par le Dr Marie-Christine Mauroy, directrice honoraire de la Direction santé de l'ONE et actuelle administratrice générale du Fonds Houtman, donne l'ampleur du chemin parcouru en un siècle... Pour mesurer les changements survenus, et alors que l'ONE et la PSE fêtent cette année leurs 100 ans, c'est autour du thème des besoins, des droits et du bien-être de l'enfant que s'est tenue la Journée annuelle de formation PSE, le 5 septembre dernier.
Les recherches en neurosciences le confirment : sauf accidents, nos circuits cérébraux sont programmés pour rechercher à la fois la survie et le bien-être (1). Pourtant, cette notion de bien-être est encore relativement "nouvelle". Au cours de sa carrière, le Pr Isy Pelc, psychiatre et chef de service honoraire au CHU Brugmann (Bruxelles) s'est longuement battu pour promouvoir le bien-être des enfants et, en particulier, pour lui faire une place au sein des écoles (2). Dans son livre "A l'école du bien-être" (3), il rappelle : "(...) le bien-être m'a toujours semblé être la pierre angulaire sur laquelle repose une bonne part du bonheur personnel, la qualité des relations humaines et la vie sociale en général. Le bien-être n'est pas l'assouvissement des besoins, pulsions, désirs personnels. Il est affaire de vie avec les autres. Dès lors, je n'ai cessé de m'étonner qu'on n'accorde pas plus d'intérêt au bien-être pour apprendre la vie. C'est un investissement dont les retombées sont majeures.".
Vers un "développement humain durable"
Le psychiatre l'assure : face aux aléas de l'existence, une fois que la personne prend en compte ce qui lui fait du bien, qu'elle se tient à l'écart de ce qui ne lui convient pas, elle développe plus aisément de "bonnes stratégies" pour arriver à une "bonne vie". "Ultérieurement, écrit-il, face aux coups de butoir de l'existence, elle pourra mieux s'en sortir. Faire ainsi, c'est se mettre dans de bonnes conditions pour ce qu'on pourrait appeler 'un Développement Humain Durable'. "
"Pourquoi une pédagogie du bien-être n'est-elle pas inscrite au programme des écoles ?", interroge-t-il dans son livre. Cette question ne figurait pas directement parmi les thèmes proposés aux participants à la journée de formation. Mais rien n'empêche de la garder en tête après avoir entendu les orateurs évoquer le chemin déjà parcouru... et celui qu'il reste encore à parcourir en faveur des droits de l'enfant, de tous les enfants (4). La série d'articles qui suit propose de défricher ce sujet en partageant certaines des pistes de réflexion ou d'actions possibles évoquées lors de cette journée...
(1) Entretien avec Antonio R. Damasio, par Olivier Postel-Vinay. La Recherche, n°368, oct.2003, cité in "L'Ecole du bien-être. Eduquer pour vivre ensemble", Isy Pelc. (2) Par exemple à travers les Ateliers du bien-être. (3) A l'Ecole du bien-être. Eduquer pour vivre ensemble. Isy Pelc. Marque Belge/Psymédic, 2016 (4) Sur le sujet de l'inclusion et des enfants à besoins spécifiques, développé lors de cette journée par Pascale Camus, coordinatrice de la Cairn (l'ONE), voir l'e-Journal n°71, juin 2019.
Des droits de l'enfant pour tous, sauf pour les pauvres ?
Selon Bernard De Vos, délégué général aux droits de l'enfant, la pauvreté est le fossoyeur des droits de l'enfant. Y compris en Belgique.
Petit rappel historique (dû à Benoît Parmentier, Administrateur général de l'ONE) : il a fallu attendre la fin du XXe siècle et la Convention internationale sur les droits de l'enfant pour que ce dernier soit enfin légitimement reconnu comme un sujet de droit. L'introduction d'une nouvelle dimension, celle de la participation, a alors modifié la donne, tout en promouvant des droits émancipateurs, comme ceux à la parole ou à la culture, entre autres. Trente ans plus tard, on pourrait penser qu'en Belgique, tous ces droits ont trouvé leur place. Et pourtant...
"Depuis ma nomination, assure Bernard De Vos, délégué aux droits de l'enfant, l'une des questions que l'on me pose le plus concerne... les devoirs des enfants. En réalité, il s'agit d'un cercle vertueux : plus nous irons vers une société pacifiée, sans exclus, où les enfants seront tous respectés, et plus ils respecteront les devoirs de la société. Par ailleurs, une deuxième question émerge souvent : celle de mon appréciation de l'application des droits de l'enfant en Belgique." Au cours de ces dix dernières années, son avis a quelque peu changé à ce propos...
"Je viens de réaliser une tournée de rencontres sur une thématique douloureuse : celle de l'incidence et des conséquences de la pauvreté sur les enfants." Son bilan, qui figure dans un rapport remis en novembre, est sans appel : "Aucun article de la convention n'y résiste, dit-il. La pauvreté est le fossoyeur des droits de l'enfant. C'est un fantasme de penser qu'il y a des parents pauvres mais pas d'enfant dans ce cas : ils sont le réceptacle de cette pauvreté. Et face à cette problématique, certains Etats s'organisent mieux que le nôtre..."
Ainsi, il juge que l'"on n'est nulle part en matière d'accueil de la petite enfance, faute de proposer aux plus petits assez de lieux d'accueil et de découvertes (y compris de la langue, parfois). Deux enfants sur trois devraient pouvoir fréquenter de tels espaces. Or on est loin du compte, avec de très fortes inégalités entre les communes".
Autre source de sa colère : l'école. "Notre système scolaire est une 'cata', lance-t-il. On y trouve des élèves brillants. En revanche, nos cancres ont des résultats vraiment très faibles. Ce constat ne relève pas de la responsabilité des directions et des enseignants, mais de notre politique générale d'enseignement. Les enfants, les parents et les professionnels que j'ai rencontrés ne s'y trompent pas : majoritairement, c'est l'école, en tout premier lieu, qu'ils souhaiteraient changer."
Les messagers de la dèche
Parmi les problèmes liés à l'école, celui de sa gratuité est souvent évoqué. "Lorsque l'enfant ne peut apporter l'enveloppe exigée pour différents frais, il devient le messager de la dèche de ses parents, souligne Bernard De Vos. De plus, la ségrégation, l'exclusion des enfants pauvres, leur relégation dans des filières professionnelles restent une réalité."
Autre coup de gueule du délégué aux droits de l'enfant : "Beaucoup d'enfants n'ont rien à faire dans l'enseignement spécial. Ils n'ont ni handicap mental ni handicap physique mais, souvent, un retard lié à leur famille d'origine. Quant à l'idée selon laquelle ces enfants des milieux populaires seraient 'broyés' dans l'enseignement ordinaire, elle contribue à faire perdurer ce système ", estime-t-il.
En Belgique, "il y a encore un long chemin à parcourir pour faire avancer les droits de l'enfant", insiste Bernard De Vos. Outre des évolutions sur les points évoqués précédemment, deux premières mesures, dit-il, permettraient d'aller dans ce sens. L'une consiste à poser enfin clairement l'interdiction des châtiments corporels ou de la "violence dite éducative". Cet interdit pourrait être accompagné d'une campagne de promotion à l'éducation non violente. L'autre concerne le sort des enfants belges détenus en Syrie dans des conditions détestables, et toujours en attente d'un rapatriement...
Questions pour un autre avenir...
Dans notre monde en mutation, quelles images avons-nous des enfants ? Autour de cette question, et de beaucoup d'autres, Laurence Marchal (Directrice, Direction pédagogique de l'ONE) invite à de multiples réflexions.
Avec leur regard tiers de ce qui se joue dans les écoles, les services de la PSE sont des acteurs privilégiés pour questionner la manière de grandir dans nos sociétés, a rappelé Laurence Marchal, licenciée en science de l'éducation et directrice de la Direction psychopédagogique de l'ONE, lors de ka journée annuelle de formation PSE. Voici quelques-unes des pistes de réflexion qu'elle a amorcées.
"Il s'agit de s'interroger sur les images que nous avons de nos enfants, parce que notre vision oriente nos réflexions et nos actions, a-t-elle souligné. Voit-on les 0 à 18 ans comme des sujets de grandes potentialités, des explorateurs de passions, des personnalités curieuses de ce qui les entoure ? Ou bien comme des êtres fragiles, sensibles, émotifs, inquiets, remuants, difficiles, tout-puissants, violents... ?" De cette perception découle (entre autres) le processus d'apprentissage qui peut leur être proposé : va-t-on opter pour une transmission linéaire ou pour un système d'essais, d'erreurs, de répétitions ?
Autre questionnement : "Dans une société encore traumatisée par le drame survenu à Julie et Mélissa, quelle place laisse-t-on à l'apprentissage du risque ?", a-t-elle interrogé. Au Danemark, a-t-elle expliqué, des jardins d'enfants se trouvent en pleine forêt. Ils ne comportent pas de barrières afin de laisser les enfants "explorer et créer", tout en posant les conditions pour que cela fonctionne (par exemple, une interdiction de s'approcher de l'eau).
En fait, dans leurs différents lieux de vie, tous les enfants n'ont pas les mêmes besoins (ni les mêmes compétences) : mais c'est à l'école et aux lieux d'accueil extrascolaire de proposer un accès élargi à tous, a-t-elle souligné. Ainsi, le modèle anglo-saxon envisage les besoins des enfants non pas comme étant universels mais contextuels, en fonction de chaque enfant. Le but est donc de leur proposer des environnements et des contextes d'action bénéfiques individuellement et collectivement.
Pour les professionnels, des paramètres ont été identifiés pour répondre à quatre besoins essentiels des enfants :
- développer un lien de qualité avec chaque enfant (y compris les plus grands) est le fondement de sa sécurité psychique. Pour l'adulte, cela exige du temps et de l'attention. Il s'agit aussi de laisser au jeune l'opportunité de vivre ses propres envies (et non celles imposées par l'adulte) en lui donnant le temps de les découvrir. Ces exigences s'imposent aussi à l'école, où tout a tendance à devoir aller vite, trop vite, y compris en ce qui concerne les apprentissages, a glissé Laurence Marchal.
- avec le milieu familial, entretenir un dialogue fondé sur la différence de posture : l'objectif est la recherche du bien-être dans les conditions spécifiques où vit l'enfant. Cela passe par une ouverture plus grande des lieux d'accueil et de l'école aux parents. Actuellement, ces derniers n'y sont pas toujours les bienvenus...
- créer les conditions d'une activité alliant les registres collectifs et individuels, dans le respect des rythmes individuels. Pour le dire plus directement : l'école doit individualiser davantage ses apprentissages et ses pratiques.
- aménager les conditions d'une vie sociale émancipatrice adaptée à chacun, où chacun est respecté et apprend à respecter, au sein d'un cadre de sécurité qui comporte des règles de vie dont l'accueillant se montre garant.
La fin des territoires perdus?
Les cours de récréation. Mais aussi les toilettes. Ou tous ces lieux qui, au sein de l'école, sont loin d'être toujours "faciles" pour les enfants... Selon le Pr Bruno Humbeeck, il est plus que temps de penser et de réguler ces espaces.
"Dans nos rues, un bruit anormal jaillit des écoles : dans la cour de récréation, les enfants crient et ils le font de manière spécifique parce que ces espaces fermés - mais prétendus libres - sont transformés en territoires. Les élèves courent en y pénétrant, puis cessent très vite d'y courir, sauf les footballeurs qui en profitent pour occuper toute la place, alors que les filles longent le mur pour traverser la cour, un comportement acquis dès l'âge de 4 ans". C'est clair : le Pr Bruno Humbeeck, psychopédagogue et directeur de recherche au sein du service des Sciences de la famille de l'Université de Mons, est loin d'adhérer à la conception traditionnelle et au "laisser les enfants faire" de rigueur dans de nombreuses cours de récré. Et pour cause : il voit ces dernières comme des lieux où, sans régulation préalable, s'exercent des prises de territoires et où s'installent et s'assoient des pouvoirs... ensuite impossibles à contrôler par les adultes.
En pratique, voilà donc des espaces qui, il faut bien le reconnaître, génèrent souvent des conflits en pagaille (et "exportés" ensuite dans les salles de classe). De quoi épuiser les enseignant·e·s, bien démuni.e.s pour contrôler des lieux qui n'ont généralement pas été pensés en amont (1). Du coup, ces territoires augmentent l'agressivité ou contribuent au harcèlement, prévient le psychopédagogue... Outre la cour de récréation, les toilettes, les couloirs, les vestiaires des salles de sport peuvent aussi se transformer en des lieux de souffrance majeure de l'enfant.
En régulant les cours de récréation (ou tout autre espace potentiellement problématique) avec des règles précises, comprises par tous, comme dans un code de la route, on prend en compte cette réalité et on propose une solution pérenne. On permet à tous les élèves de se déplacer en toute sécurité dans la cour et d'y trouver le territoire où chacun se sent bien... On évite aussi qu'en cas de transgression de ces règles, la sanction qui doit s'appliquer suscite un sentiment d'injustice. "Dans certaines classes de maternelle, pour stopper les conflits - et sans que cela soit présenté comme une punition -, il existe des bancs de réflexion... et même un arbre à bisous, ajoute le Pr Humbeeck. En tout cas, dans les espaces régulés - et certains l'ont été sur demande des parents - les assureurs ont constaté jusqu'à 7 fois moins d'accidents."
Bref, assure le Pr Humbeeck, une régulation de l'espace enfin pensée... et appliquée, avec une intervention active des adultes, permet d'en faire des endroits pacifiés, propices au bien-être de tous. "Les écoles n'ont pas pour vocation d'être un lieu de bien-être permanent et il serait absurde de tenter de vendre l'image d'une 'école de la joie'. Autant ne pas se faire d'illusion, il est impossible d'y supprimer tout harcèlement, admet-il. En revanche, il est essentiel de reconnaître son existence, de la nommer et de s'en préoccuper : personne ne devrait aller terrorisé à l'école. " Or, en régulant les territoires problématiques, on ouvre une porte d'entrée vers une série de dispositifs contre le harcèlement.
Une place pour la parole
De manière générale, poursuit-il, la construction du vivre ensemble repose sur des règles pensées en amont. De fait, le respect de l'autre ou la fin des moqueries ne s'imposent pas parce qu'on dit qu'il le faut et/ou que "ce n'est pas bien". En revanche, ils peuvent se bâtir en offrant des espaces de paroles ouverts à tous, où l'on peut exprimer ses émotions dans un cadre protégé et sans être contredit. Pour parvenir à de tels résultats, encore faut-il posséder les outils adéquats. Ils existent et ils aident à permettre à vivre mieux au sein des écoles. Y'a plus ka...
(1) L'e-Journal PSE n°60 (avril 2017) a développé le thème des projets d'aménagement des cours d'école.
Pour en savoir plus...
- "Aménager la cour de récréation. Un espace où il fait bon vivre", Bruno Humbeeck, Willy Lahaye, Maxime Berger. Outils pour enseigner. Editions Van In/De Boeck. Avril 2019. - Le Fonds Houtman et l'ONE proposent un colloque : "Les espaces récrés sont repensés ! Place à la citoyenneté, l'épanouissement et l'empathie", le 4 février 2020, au Palais des Congrès de Liège. Rens.: https://colloque.be/FH/.
Les "vieilles dames" ont du ressort
Tout comme la PSE, cette année, l'ONE fête ses 100 ans. De quoi se remémorer les chemins parcourus, afin continuer à cultiver et à développer ensemble bien des points communs... au service de l'enfant.
Quand on a 100 ans, comme c'est le cas cette année pour l'ONE et la PSE, on a bien le droit de se pencher sur son passé et de considérer le poids que l'on a joué sur l'évolution de la société. Pour ces deux institutions, cet exercice ouvre autant de perspectives sur le travail accompli que sur les changements de regards que l'on porte à l'enfant et les modifications de son statut. Lors de la journée annuelle de formation PSE, Benoit Parmentier, administrateur général de l'Office de la Naissance et de l'Enfance, le Dr Marie-Christine Mauroy, directrice honoraire de la Direction santé de l'ONE et le Dr Fabienne Henry, présidente de la Commission PSE, ont retracé ce chemin.
"Lorsque les autorités ont donné naissance à ce qui était alors l'Œuvre Nationale de l'Enfance, elles lui avaient fixé pour mission de fédérer différentes initiatives existant déjà sur le terrain, comme des crèches et des organismes qui luttaient contre la mortalité infantile. L'ONE avait donc des préoccupations en lien avec la santé de la mère et de l'enfant", a rappelé Benoît Parmentier. Et ensuite ? Ensuite, au cours de sa longue vie, "cet esprit a toujours guidé l'ONE", a confirmé le Dr Marie-Christine Mauroy. Dès lors, cette institution "a suivi les besoins et les évolutions constantes de l'enfant et de sa famille, tout en restant au plus près des évolutions scientifiques les concernant", a complété Benoît Parmentier.
A la fin du 19e siècle, un enfant sur quatre ne survivait pas après l'âge de 5 ans. Sans surprise, la mortalité fœto-infantile a été le premier cheval de bataille de l'ONE. "Très vite, au sein de ses consultations, on a pesé les enfants (les problèmes de nutrition étaient loin d'être exceptionnels), donné des nutriments à ceux qui en avaient besoin et conseillé les mères", a rappelé le Dr Mauroy. Petit flash-back révélateur du chemin parcouru : en 1924, le congrès annuel de l'ONE a porté sur l'hygiène du lait. L'année suivante, l'éducation des mères était au centre des débats. En 1932, on a abordé la protection des enfants orphelins, en 1934, la syphilis du nourrisson... "Au cours de ces années-là, alors que la médecine préventive est encore balbutiante, l'ONE et la PSE l'ont installée au cœur des consultations", a précisé le Dr Mauroy.
En 1921, lorsqu'a vraiment commencé à s'appliquer la loi sur l'obligation scolaire (votée en 1914), elle a été doublée par une obligation de s'assurer de la santé de l'enfant. Cette préoccupation a alors été dévolue à l'inspection scolaire. Néanmoins, comme l'a souligné le Dr Fabienne Henry, ce service ne disposait d'aucun budget spécifique : "Principalement mise en œuvre dans les grandes villes et plutôt sporadique, l'inspection visait surtout à repérer tout ce qui pouvait entraver la scolarité de l'enfant", a-t-elle constaté.
Passage de cap
Une avancée sur la ligne du temps montre que quelques décennies ont suffi à réaliser de grands pas. "Lors du congrès organisé en 1958 sur les enfants de 1 à 6 ans, la mortalité n'était plus la préoccupation principale pour les enfants de cet âge. En revanche, on s'intéressait à la prophylaxie des maladies contagieuses, à la vaccination, au dépistage des troubles sensoriels, au développement mental du jeune. Le suivi des femmes enceintes, avec un accompagnement précoce et régulier destiné à lutter contre la mortalité périnatale des femmes, était également en place", a précisé le Dr Mauroy.
Par ailleurs, dès les années 60, l'enfance maltraitée est devenue l'une des préoccupations de l'ONE, ce qui a mené, plus tardivement, à la création des équipes multidisciplinaires de SOS Enfants. Ensuite, l'affaire Julie et Melissa a suscité de nombreuses demandes de professionnels, désireux d'être épaulés sur le terrain dans le repérage des signes d'alerte de la maltraitance. Comme l'a expliqué le Dr Mauroy, "les années 90 ont vu l'émergence des notions de résilience (fondée sur la volonté individuelle de s'en sortir) et de bientraitance (faisant appel à la responsabilité de l'entourage de l'enfant et remplaçant la précédente notion de bienfaisance). Le soutien à la parentalité a également été développé".
Du côté des services de la PSE, "les années 80 ont été celles de tous les changements avec une évolution importante des notions de santé et de prévention. A cette époque, on a quitté l'inspection pour adopter une médecine somatique où prédomine la notion de prévention. Les leçons moralistes des années 40 ont été oubliées, tout comme le modèle biomédical qui lui avait succédé. Avec la Charte d'Ottawa, le concept de participation a fait son entrée, avant d'être élargi à une vision qui intègre une notion de civisme et de citoyenneté. Signe des temps, actuellement, elle englobe une notion de consommation durable, bonne pour la planète", a résumé le Dr Henry.
En fait, depuis la fin des années 80, dans les services de la PSE, "l'élève est considéré comme un citoyen en devenir, un futur adulte responsable de demain. Et l'école est devenue un lieu d'apprentissage de tous les savoirs. Tout en promouvant la santé de l'enfant, la recherche de l'épanouissement et le bien-être de l'enfant sont donc au centre des préoccupations des services. La réduction des inégalités de santé contribue à cet objectif, qui s'ajoute à d'autres missions", a-t-elle ajouté.
Des préoccupations communes
De son côté, l'ONE a toujours su "rester proche des réalités de terrain, y compris des difficultés apparues lors des années de crises économiques. Elles ont poussé l'institution à réinvestir davantage encore dans des activités sociales, a également souligné Benoît Parmentier. Et le 21e siècle a vu l'ONE se structurer pour devenir un véritable organisme de santé publique."
Dans un tel contexte, il y avait une réelle logique à intégrer la promotion de la santé à l'école dans les missions de l'ONE, une mesure devenue effective en 2015. "Dans le chef de l'ONE, l'intégration des services PSE entrait parfaitement dans le champ des enjeux à mener vis à vis de l'enfant et de son milieu de vie." Conclusion : pour les enfants, on avance, et tous ensemble. Même (ou surtout ?) si on a 100 ans.
Des projets pour demain
Comme l'a rappelé Benoît Parmentier, "le décret de mars 2019 a confirmé les missions de veille de la santé de l'enfant des services de la PSE". A l'horizon 2020, la volonté de l'ONE reste de simplifier les procédures autour des missions préservées des services de la PSE, de moderniser des modalités d'application ou d'ancrer plus encore certaines d'entre elles. " En attendant, a-t-il ajouté, un budget avec 7% d'augmentation (1,4 million) a été acquis pour 2019 afin de soutenir la vaccination et d'autres activités". De fait, le (long) combat pour les enfants passe aussi par de telles avancées, tout comme il dépend également de la mise en forme des arrêtés destinés aux services PSE, qui devront être prêts en 2022...
SOMMEIL
Une nuit sans le Net...
Des jeunes avaient accepté d'être réunis "au vert" pour une expérience initiée par l'Ecole du Sommeil. Ils ignoraient qu'on leur demanderait d'éteindre leur portable... Le film "Nuit bleue" montre cette expérience éclairante et bien utile pour aborder l'hyper-connectivité.
L'Ecole du sommeil a eu une idée : pour travailler sur l'hyper-connectivité nocturne (et toutes ses conséquences, dont des difficultés scolaires pouvant aller jusqu'au décrochage), elle a regroupé et filmé une dizaine de jeunes pendant trois jours, loin de chez eux. Officiellement, leur séjour devait tourner autour de la gestion du temps, de la qualité de vie, du "comment mieux réussir à l'école". Une fois sur place, ils ont découvert qu'ils allaient le faire via un sujet principal : le sommeil et les conséquences sur ce dernier de l'utilisation des écrans. En pratique, après des discussions sur l'utilisation de leur smartphone et des informations sur le sommeil, il a été proposé aux participants d'éteindre leurs portables. Le film "Nuit bleue", réalisé par Bertrand Vandeloise, raconte cette aventure...
"Nous n'avons pas voulu être trop brutal : nous ne leur avons demandé que 12 heures de fermeture, pendant la nuit. Pour mesurer si une telle démarche représente un drame, il faut essayer et tester son hyper-connectivité, comme cela pourrait être le cas lors d'une 'Journée sans GSM'! Lors de ce séjour, tous les jeunes ont accepté de jouer le jeu. Un seul a rallumé son smartphone durant la nuit", détaille Najat Bouzalmad, directrice de l'Ecole du Sommeil.
A la fin de ce (court ?) "sevrage" volontaire, certains ont évoqué "des tics, des réflexes, un besoin d'appuyer". Ou le fait que "savoir son smartphone éteint, cela stressait". "Sans téléphone, j'étais perdue, comme si j'avais plus de vie", a déclaré une jeune fille. Une autre a ajouté : "J'avoue que ça m'a un peu embêté, mais ça fait du bien à notre corps".
Globalement, à l'issue du séjour, ils se disaient conscients de l'importance de réduire leur consommation de temps d'écran, de prendre soin d'eux, d'écouter leur corps et les moments où ce dernier lance des signaux d'endormissement. Quelques semaines plus tard, "certains continuent à tenir compte de cette expérience et ils accordent davantage de place au sommeil durant la nuit (et non plus en revenant de l'école, comme le faisait l'une des volontaires). Mais pour d'autres, l'écran occupe encore plus de place qu'auparavant", constate Najat Bouzalmad.
Ni jugement ni morale...
Le film ne porte aucun jugement et il ne fait pas la morale. Il donne "un accès à des paroles livrées sans filtre", poursuit-elle. Le 20 septembre dernier, lors d'une projection/débat organisés à Bruxelles par l'Ecole du sommeil et le Centre vidéo de Bruxelles, les adultes présents ont admis qu'ils se reconnaissaient aussi dans ce que vivent les jeunes. Pour eux, assurent-ils, l'écran sert surtout des objectifs professionnels... mais pendant des durées excessives. Bref, pour les jeunes, l'exemple ne vient pas du haut...
"Chez les adultes, le film suscite un questionnement. Ils se sentent responsables de la situation actuelle et ont conscience d'avoir laissé les jeunes sans balise avec des objets connectés entre les mains, constate la fondatrice de l’École du sommeil. Dès lors, on se trouve face à une génération abîmée, déformée, persuadée de pouvoir 'tout faire avec un smartphone'. Les jeunes ont besoin d'être informés, éduqués, accompagnés pour réaliser que dans la vie, il n'y a pas que les petites touches où on pianote. Comme l'a dit l'un d'entre eux lors du séjour 'on a passé de bons moments ici : je ne regrette rien.'"
Sans interdits stigmatisants, les jeunes ont néanmoins besoin de pistes concrètes pour savoir pourquoi et comment faire pour(mieux) dormir et/ou pour ne pas rester connecté. Il s'agit donc d'accompagner les questionnements et l'utilisation des smartphones (Que comble-t-il ? Est-il utile de regarder 4 ou 5 fois la même chose ?). Il s'agit aussi de les aider à apprendre à faire des choix, à gérer, à trouver un équilibre, à respecter une hygiène du sommeil, à s'écouter afin de pouvoir accéder à de bonnes journées et à davantage de bien-être.
Forcément, remettre l'objet à son juste usage et apprivoiser la gestion du temps ne se fait pas en un jour (et/ou une nuit), d'autant que la pression des autres utilisateurs est forte et encourage à rester (trop) connecté. Mais à travers ce film, comme dans les animations, l'objectif est de suggérer qu'un changement est possible. "L'écran apporte quelque chose : pour parvenir à modifier les comportements, il faut proposer d'autres choix et des alternatives agréables, par exemple en famille", assure Najat Bouzalmad.
Des leçons en commun
"Nous devons tous (ré)-apprendre à dormir, glisse-t-elle. Les statistiques et les études ne cessent de démontrer que notre dette de sommeil augmente. En ce qui concerne les jeunes, ils n'ont pas le même rythme et ne doivent pas tous aller dormir à la même heure. Dans nos animations, nous leur apprenons à faire de courtes siestes pour récupérer sans entamer leur nuit. Instaurer des siestes, c'est (encore) toute une mentalité à changer en cessant de nier une réalité : cette nouvelle génération digitale pourra faire beaucoup choses grâce et avec les écrans... surtout si elle ne se laisse pas dévorer par eux. Tout est donc une question de dosage." "Nuit bleue" est une belle porte d'entrée pour y réfléchir...
Pour en savoir plus : www.ecoledusommeil.be ou contact@ecoledusommeil.be. Pour le film : philippe.cotte@cvb.be et lien vers la bande-annonce : https://vimeo.com/345923707.
Petites leçons pour rester éveillé...
Il ressort des animations menées par l’Ecole du sommeil que 10 jeunes sur 10 gardent leur téléphone allumé dans leur chambre la nuit. Et que des notifications réveillent 6 d'entre eux... "Ce sommeil fragmenté explique la fatigue matinale des élèves et rejoint les constats de la dernière enquête HBSC (Health Behaviour in School-aged Children): ce sont les mêmes jeunes qui restent tard sur le smartphone et les applis à la mode qui n'ont pas envie d'aller à l'école" précise Najat Bouzalmad, fondatrice de l’École du sommeil.
EN BREF
Jeunes, santé mentale et participation : cherchez l'erreur
Dans un avis rendu en juillet dernier, le Conseil supérieur de la Santé (CSS) a défendu une participation active des jeunes aux soins de santé, y compris en santé mentale (avis n°9458). Comme le rappelle cet avis, les problèmes de santé mentale constituent une menace et une part importante de la morbidité chez les enfants et les adolescents. Ainsi, pour les 12 à 25 ans, les estimations parlent d'une prévalence d'au moins 20% de troubles psychiques (McGorry et al, 2014). Pourtant, écrit le CSS, "on constate que les soins ne leur sont pas suffisamment accessibles et que, souvent, ils ne correspondent pas à leurs besoins."
Alors qu'aucun groupe organisé ne représente leur voix, une meilleure participation des enfants et des jeunes (d'ailleurs légale...) pourrait contribuer à améliorer l’accessibilité, la qualité et l'efficacité des soins, assure cet avis. En effet, lit-on dans ce texte, "la participation (par exemple par le soutien par les pairs ou la prise de décision partagée) permet d'organiser l'offre d'aide dans les soins de santé mentale sur mesure pour le jeune et de briser le tabou relatif aux problèmes de santé mentale, ce qui améliore l’accès et augmente l’impact des stratégies de prévention (La Valle, 2012) ".
L’avis, avec ses pistes d'actions possibles, s'adresse principalement aux acteurs impliqués dans l'organisation et l'offre de soins de santé mentale (spécialisés) pour les enfants et les jeunes.
A lire sur : https://www.health.belgium.be › avis-9458-sante-mentale-et-jeunes
PIPSA
L’outil : une opportunité pour faire vivre la santé à l’école !
Le cadre de la promotion de la santé et la convention internationale des droits de l’Enfants (CIDE) fournissent un cadre pour penser globalement la santé et le bien-être de l’enfant. Au sein de l’école, le service PSE a sa carte à jouer pour contribuer à la construction du « vivre ensemble » au service de l’égalité et du respect de chacun·e.
Faux-to-langage
Un photolangage associant belles photos réalistes et récits authentiques.
L’outil tente d’éviter la dichotomie « nous » versus « les autres » et permet ainsi de défendre le principe d’égalité. Le public est amené à questionner ses propres représentations des discriminations. Les témoignages vécus interpellent, favorisant l’implication de chacun. Les mises en situation déconstruisent, sans jugement, les petits automatismes/préjugés du quotidien.
Public : adolescents
L'estime de soi en 3D
Un outil à monter soi-même en quelques coups de ciseaux et un peu de colle.
Les 3 dés (plus un quatrième qui représente le hasard) permettent aux enfants de révéler aux autres : - ce qu’ils connaissent d’eux-mêmes (ce que j’aime, ce que je sais faire, ce que j’aimerais changer, ce qui m’énerve……) - leurs compétences (ce dont je suis fièr.e, quelqu’un compte pour moi, un but que je me fixe…) - leur image de soi via le portrait chinois.
Téléchargeable
Public : à partir de 8 ans.
Action ou Vérité sur l’estime de soi
Un outil à monter soi-même avec des ciseaux et un peu de colle.
Le jeu stimule le renforcement des compétences psychosociales de manière coopérative et ludique. Il permet de manifester de manière individuelle ou collective des éléments liés à la sécurité et la confiance, la connaissance de soi, l’appartenance au groupe et la compétence/réussite, qui peuvent être consolidés par les renforcements positifs des enfants entre-eux.
Téléchargeable
Public : à partir de 8 ans
Totem
Ancienne guide ? Ancien scout ? Vous avez peut-être été totemisée !
Voilà un jeu qui va permettre, via des cartes-animal et des cartes-qualité, d’exprime aux personnes comment et en quoi on les apprécie, comment ces qualités ont un impact sur nous. Ce processus permet à chacun de prendre conscience de ses forces et ses qualités, de se les reconnaître et dès lors de renforcer l’estime de soi.
Public : à partir de 8 ans
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