Promouvoir la santé à l'école est un e-Journal destiné aux professionnels·les de la promotion de la santé à l'école et, plus largement, aux personnes intéressées par les enjeux de santé en milieu scolaire.
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Sommaire
DOSSIER : À l’heure de l’intelligence artificielle, les écrans et le numérique entraînent de nombreux défis, à l’école et ailleurs.
MGF : 35 000 filles et femmes sont concernées par l’excision en Belgique. Le GAMS est un acteur de relai pour les services PSE confrontés à cette problématique.
EN BREF : Le salon « EnVIE d’amour » sur la vie amoureuse des personnes en situation de handicap – Retour sur la journée PSE 2023
OUTILS : « Ne laissons pas les écrans faire écran »
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Les jeunes, addicts aux écrans ?
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Si les écrans sont omniprésents dans nos vies, on s’inquiète particulièrement de leurs effets sur les jeunes. Entre les problèmes de cyberharcèlement, d’insomnies, de vue ou encore les troubles de l’attention, les conséquences directes ou indirectes sont très vastes. Quand peut-on parler d’addiction ? Comment intégrer les écrans à l’école ? À l’heure de l’intelligence artificielle, la thématique de l’usage du numérique pose de nombreux défis dans l’éducation aux médias et, de manière générale, dans la prise en charge de la santé globale des élèves.
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Les jeunes et les écrans : comprendre leurs usages plutôt que les condamner
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Des jeunes constamment scotchés à leurs téléphones, en permanence connectés sur les réseaux sociaux… Faut-il s’inquiéter de l’addiction des jeunes aux écrans ? Arnaud Zarbo, psychologue, psychothérapeute et formateur chez Nadja, un centre spécialisé dans les addictions et les enjeux numériques, invite à questionner la terminologie et à reformuler autrement la problématique.
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Addiction ou problème de régulation ?
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De la réunion en visio à la série en streaming en passant par la gestion de ses factures d’électricité en ligne, les réseaux sociaux ou les jeux vidéo, les « écrans » revêtent une multitude de réalités. Comment peut-on définir un trouble de l’addiction pour un objet aussi protéiforme ? Le concept d’ « addiction aux écrans », contesté, n’est en effet pas validé scientifiquement. L’OMS reconnaît les « troubles du jeu en ligne » mais pas ceux des écrans en général. Ces derniers ne figurent pas non plus dans le célèbre catalogue américain DSM classifiant les troubles mentaux.
Arnaud Zarbo, invité à parler de cette thématique lors de la journée de formation PSE le 28 novembre dernier, pointe d’ailleurs l’incohérence d’appliquer à des enfants des critères de contrôle et de santé mentale d’adulte. « Si un enfant ne parvient pas à se contrôler à la plaine de jeux, ne sort pas du bain à temps ou mange beaucoup de chocolat, ce n’est pas parce qu’il a une psychopathologie ou une addiction, c’est simplement parce que c’est un enfant. Psychiquement, cognitivement, neuropsychologiquement, les enfants et les ados ne sont pas capables de se réguler comme les adultes. Cela leur demande beaucoup plus d’efforts de se refréner à faire quelque chose qu’ils aiment bien. On peut parler d’usages problématiques dans certaines situations, mais cataloguer la consommation d’écrans comme une addiction ne résout rien. »
Pour le psychologue, il faut donc questionner cette terminologie, aussi parce qu’elle est stigmatisante. « Quand on dit de quelqu’un qu’il est ‘accro’ ou ‘addict’, même si ces expressions sont passées dans le langage courant, elles posent une étiquette lourde en termes de santé mentale. »
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D’après l’enquête HBSC réalisée par le service de promotion de la santé de l’ULB (Sipes-ULB), plus de 85 % des élèves en Belgique francophone n’ont pas un usage problématique des médias et des réseaux sociaux. Un résultat qui se base sur une évaluation de critères de bien-être comme la qualité de la vie relationnelle. « Tant qu’il n’y a pas de souffrance dans le quotidien, que les besoins essentiels du jeune sont remplis en termes de santé, de sécurité et d’affection, qu’il préfère lire Balzac ou jouer à World of Warcraft relève d’un choix culturel », estime Arnaud Zarbo.
Mais que penser de certaines conséquences néfastes qui semblent découler d’une consommation excessive des écrans, comme le cyberharcèlement, les problèmes de sommeil, les troubles de l’apprentissage…? « Le procès qu’on fait aux jeux vidéo par exemple en disant : ‘parce que le jeune y joue, il se couche tard, il a du mal à se réveiller le matin et donc il est en décrochage scolaire’ est erroné. Les études montrent plutôt, que lorsqu’à un moment donné, la scolarité, la vie familiale, la nature même des études ou la vie amicale deviennent des difficultés, ces adolescents trouvent dans les écrans un moyen de tenir le coup. Et c’est là que les problèmes surviennent. » Les écrans ne seraient ainsi qu’un moyen d’échapper à des problématiques déjà existantes.
Pour le psychologue, la fameuse question du temps d’écran est en réalité la dernière question intéressante à se poser pour un professionnel. « Il ne faut pas être paralysé par cette question des écrans. J’invite les acteurs scolaires et parascolaires à réfléchir à comment améliorer l’environnement général de l’enfant pour qu’il trouve davantage de réponses à ses besoins, à vérifier qu’il dispose d’alternatives fonctionnelles aux écrans. »
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S’intéresser aux usages et à leurs sens
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Amnesty International épinglait en novembre dernier dans un rapport le fonctionnement vicieux de l’algorithme de TikTok. Le réseau social très populaire chez les ados alimenterait le fil de ses jeunes utilisateurs intéressés par les questions de santé mentale avec des contenus valorisant les pensées suicidaires et les mutilations, pour les maintenir le plus longtemps possible sur l’application et récolter un maximum de données.
Arnaud Zarbo détourne la critique du réseau social et pose le problème autrement. « On peut critiquer le modèle économique de TikTok, mais ce qui me pose davantage question en tant qu’acteur psychosocial, c’est qu’est-ce qui fait que TikTok soit la seule ressource de ces jeunes en matière de santé mentale dans leur milieu de vie ? Comment se fait-il que cela soit leur seul levier, leur seul référent, perçu comme seul soutien efficace disponible ? »
Le psychologue et formateur du centre Nadja à Liège tient à décloisonner la réflexion obnubilée par les risques, pour la recentrer sur ce qui compte vraiment, à savoir non pas les écrans, mais la santé mentale des jeunes. « Il faut être curieux des usages et prudents en matière de diagnostic. C’est important de comprendre ce qui motive les jeunes, quel sens cet usage des écrans a pour eux. Cet axe de réflexion nous permet de dégager beaucoup plus de pistes en termes de promotion de la santé et de bien-être que de simplement pointer les risques qui ne font que culpabiliser tout le monde. Ce n’est pas parce qu’on annonce un risque que les gens changent leurs usages. »
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Les écrans, un objectif dans les projets de service
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On l’a vu en lisant les propos d’Arnaud Zabro dans l’article ci-dessus, la problématique qui nous intéresse ne doit pas se limiter à la question du temps d’écran. Il est en effet important de s’attacher à comprendre pourquoi les jeunes se tournent vers les écrans. Le temps passé devant les écrans constitue toutefois un indicateur qu’il est intéressant de relever. A travers leurs projets de service, plusieurs PSE ont décidé de se saisir de cette problématique des écrans et de s’intéresser aux facteurs d’environnement généraux qui l’influencent. C’est le cas du PSE de Visé, en province de Liège.
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Augmentation de la myopie
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Isabelle Masquelier et Camille Thibout, infirmières au service PSE de Visé, sont interpellées par certaines conséquences de l’utilisation des écrans chez les jeunes, notamment via l’observation d’un premier phénomène : les problèmes de vue. « On a observé beaucoup de problèmes de myopie en 4e primaire lors des tests de vue. Il leur arrive parfois à l’école de travailler sur des écrans avec les tentures fermées, dans des classes obscures… Cela influence la vue. »
L’Observatoire de la Santé du Hainaut coordonne le réseau de promotion de la santé à l’école pour la zone de la province du Hainaut, et forme et soutient les services PSE dans des projets en classe et des activités avec les enfants. L’institution provinciale a défini des axes thématiques bien précis (manger, bouger, respirer). Et via des actions contre la sédentarité, la promotion de la lecture et des activités en extérieur, il contribue à lutter contre l’omniprésence des écrans dans la vie des enfants. « Suite aux bilans de santé, les services PSE nous ont parlé de l’augmentation de la myopie. Elle peut être liée à la consommation des écrans, mais ce qui est flagrant c’est surtout le manque d’activités en extérieur », nuance Anne Soyez.
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À chaque âge, sa problématique
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Autre constat, les cauchemars liés au visionnage de contenus non adaptés, que les infirmières du service PSE de Visé relèvent déjà chez des enfants de 5 ans. Camille Thibout rappelle les recommandations de l’OMS et de l’ONE. « Normalement, il ne faut pas du tout d’écran avant l’âge de 3 ans. Entre 3 et 6 ans, les écrans peuvent être utilisés mais sur de courtes périodes, pas plus de 30 minutes par jour, avec du contenu sélectionné et toujours de manière accompagnée. »
Entre les enfants qui voient des contenus non adaptés à la télévision et les adolescents qui traînent sur les réseaux sociaux ou passent des heures à jouer à des jeux, la problématique des écrans est très large. À chaque âge, ses enjeux spécifiques. « Même si des actions seraient nécessaires à toutes les tranches d’âges, on aimerait commencer avec les 5e primaires, parce que c’est le moment où ils commencent tous à avoir un GSM », estime Isabelle Masquelier. « Les problématiques sont différentes en fonction des âges. Chez les plus grands, en secondaire elles seront certainement davantage liées à la quantité, mais aussi au harcèlement via les réseaux sociaux, à la violence et aux comportements inadaptés influencés par les jeux vidéo », ajoute Camille Thibout.
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Si les infirmières du service PSE de Visé ont relayé la campagne « Ne laissons pas les écrans faire écran » de Yapaka, pour l’instant l’équipe est au stade de la réflexion quant aux actions à mener concrètement avec les élèves par rapport aux écrans. Le service aimerait s’informer, se former et souhaiterait aussi mener une enquête de terrain. « On aimerait d’abord mener une enquête de terrain car, d’une école à l’autre, on a des publics très différents. En fonction du niveau social ou de la localisation de l’école, on ne rencontre pas du tout les mêmes problématiques dans les familles. »
Un élément qui est souligné dans les conclusions de l’enquête Alimentation menée par l’Observatoire de la Santé du Hainaut pour les années 2018-2020. « Plusieurs facteurs d’environnement généraux (comme le contexte socio-économique du jeune, le contexte familial ou culturel...) influencent concomitamment l’alimentation, l’activité physique et le temps d’écran. Par exemple, l’affiliation à un club sportif et le régime alimentaire sont tous les deux liés au contexte socio-économique de la famille du jeune. »
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Lien entre temps d’écran et comportements de santé
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Cela étant dit, les statistiques de l’Observatoire de la Santé du Hainaut montrent que le temps d’écran influence clairement le grignotage entre les repas chez les jeunes Hennuyers. Parmi les jeunes qui passent quotidiennement moins de 2 heures devant un ordinateur, une console, une tablette ou un smartphone les jours d’école, 45 % ne grignotent pas en dehors des principaux repas. Cette proportion est de 32 % lorsque les jeunes passent 2 heures ou plus devant ces écrans. Lorsque les adolescents passent quotidiennement moins de 2 heures devant un ordinateur, une console, une tablette ou un smartphone les jours d’école, 21 % ont un régime équilibré contre 15 % lorsqu’ils y passent plus de temps. Dans l’enquête sur le bien-être à l’école menée entre 2015 et 2017, les chiffres montrent que les jeunes Hennuyers qui ont un usage important de leur ordinateur (4 heures et plus) ont un niveau d'appréciation moins élevé de la vie actuelle et de la vie à l’école.
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Les infirmières du service PSE de Visé constatent que de nombreuses recommandations les invitent à déconstruire les préjugés autour de la thématique des écrans. « Il faut certes mettre des limites à l’usage des écrans mais il faut aussi expliquer aux enfants pourquoi, leur apprendre à s’en servir de la bonne façon et aussi à traiter les informations qu’ils absorbent via les écrans. Dans tous les cas, il ne faut pas diaboliser. »
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Education aux médias : le défi posé par les intelligences artificielles
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Le secteur de l’éducation aux médias se penche de plus en plus sur les intelligences artificielles (IA) qui se développent de façon exponentielle ces derniers mois. Avec l’agent conversationnel Chat GPT disponible depuis le 30 novembre 2022, cette technologie est désormais accessible à tous, y compris les jeunes. L’intelligence artificielle est capable de produire des textes, des images, des sons ou des vidéos de qualité quasi humaine. Face aux risques de désinformation et de manipulation d’image, quel doit être le rôle de l’éducation aux médias ?
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L’intelligence artificielle, déjà une réalité dans le quotidien des jeunes
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Pour Isabelle Féroc Dumez, directrice scientifique et pédagogique du centre français pour l’éducation aux médias et à l’information (CLEMI), les intelligences artificielles - doivent à la fois être un objet d’étude à l’école et un outil à intégrer dans la pédagogie. Elle était présente lors des rencontres professionnelles de l’éducation aux médias organisées à Liège le 30 novembre dernier par le Conseil Supérieur de l’Éducation aux Médias pour présenter les enjeux des IA dans l’éducation.
D’après la directrice scientifique, il faut absolument s’emparer de cette technologie dans les écoles, car elle est déjà une réalité dans le quotidien des enfants. « Même si on parle de majorité numérique, d’autorisation de créer un compte personnel sur les réseaux sociaux à partir de 13 ans, la réalité c’est que les enfants utilisent déjà des smartphones – les leurs ou ceux de leurs parents – et sont sur les réseaux bien avant 13 ans. Ils sont déjà confrontés aux intelligences artificielles, à travers les algorithmes de ces réseaux sociaux. Certains utilisent déjà des agents conversationnels comme Chat GPT, qui peuvent apparaître comme des amis virtuels forts sympathiques, sans comprendre que c’est une IA qui se cache derrière et qu’elle a évidemment ses limites et ses biais. Il est urgent d’intégrer les IA dans l’enseignement. »
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L’IA sera probablement au centre des préoccupations des médias numériques ces prochaines années et de plus en plus de voix s'élèvent pour que son utilisation soit encadrée et réglementée. En effet, il s’agit d’une technologie qui se base sur la probabilité d’occurrences, sur de la statistique et non pas sur le critère de vérité. Pour fournir une réponse, l’IA se base sur les réponses déjà existantes. Si parmi elles figurent des contenus erronés, elle prendra en compte ces erreurs. Elle présente ainsi de nombreux risques de mésinformation et de désinformation.
Isabelle Féroc Dumez, rappelle que cette intelligence artificielle n’est pas éthique et a besoin d’une régulation humaine qui pose des limites par rapport à ce qu’elle peut faire et ce qu’elle ne devrait pas. Une réflexion à laquelle les jeunes doivent être initiés. « Face au flux informationnel rendu possible par l’IA, les éducateurs vont devoir s’atteler à développer l’esprit critique, à apprendre aux jeunes à détecter la présence de l’IA, exercer leur œil pour déceler les images non réalistes, comprendre le fonctionnement de cette technologie, les modes de régulation des données. Il faudra apprendre aux jeunes à voir qui sont les producteurs, les diffuseurs de contenus, quelles sont leurs motivations, leurs intentions. »
Si les IA comportent des risques cognitifs, psychologiques et socio-culturels, la directrice scientifique a aussi donné des exemples d’utilisation des IA dans l’enseignement et l’apprentissage : aide à la rédaction, à la recherche d’information, à la synthèse et l’analyse des données, tutorat intelligent pour permettre une pédagogie différenciée, mais aussi curation intelligente de ressources (le fait de sélectionner des contenus pertinents sur internet) pour aider les professeurs à préparer leurs cours, planification des cours, surveillance des classes, etc.
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Des initiatives existantes
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Travailler la recherche d’informations, comparer des réponses entre un moteur de recherche et une IA, développer l’art du « prompt » – c’est-à-dire l’instruction que l’on donne à l’IA pour qu’elle génère le contenu que l’on souhaite – créer des images et utiliser l’IA comme aide rédactionnelle pour rédiger un article … Il existe une multitude d’activités pour sensibiliser les jeunes aux IA en les faisant réfléchir aux enjeux de ces nouvelles technologies.
Depuis la mise en place du pacte d’excellence en 2017, Alyson Hernalesteen, assistante de recherche à l’université de Namur travaille sur des pratiques et des outils innovants pour développer l’éducation par le numérique chez les jeunes de 10 à 14 ans. Elle a notamment participé à la création de jeux de rôles à utiliser en classe pour comprendre le fonctionnement des IA et la récolte des données, et sensibiliser à la cybersécurité. « L’idée est de faire émerger des représentations de l’IA, mais aussi d’apprendre aux enfants à développer leur propre outil d’intelligence artificielle, pour se rendre compte que l’IA est une construction. Elle a besoin des êtres humains pour fonctionner. »
La plupart des intervenants dans l’éducation aux médias s’accordent à dire qu’il faut se saisir de l’intelligence artificielle dans l’éducation et non pas l’interdire. Elle peut être une aide, une assistance mais il reste primordial que l’humain garde le pouvoir de décision. Il faudrait donc éduquer les jeunes aux intelligences artificielles pour qu’ils cultivent une posture critique face à ces outils, qu’ils puissent anticiper les évolutions et comprendre la nécessité de les réguler et de les contrôler.
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Le GAMS, organisme de référence en matière de lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF)
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D’après une estimation réalisée en 2022 par l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes et le SPF Santé Publique, environ 12 000 filles ou femmes sont à risque d’excision en Belgique. Dans l’hypothèse moyenne, 23 395 filles et femmes déjà excisées vivent en Belgique. Au total ce sont donc 35 000 filles et femmes qui sont concernées par l’excision dans le pays. Les zones géographiques qui concentrent le plus de cas et de risques sont Bruxelles-Capitale, la province d’Anvers et la province de Liège. Des chiffres qui restent des statistiques de prévalence, mais qui permettent d’identifier un groupe cible pour des actions de prévention pour les professionnels de la petite enfance et de l’école. Interview avec Fabienne Richard, directrice du GAMS Belgique (Groupe pour l’Abolition des Mutilation Sexuelles).
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Question Santé (Q.S.) : Quels sont les principaux facteurs de risque d’excision à avoir en tête ?
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Fabienne Richard (F.R.) : Globalement le niveau de risque est déterminé par plusieurs éléments : si la mère de la fille est elle-même excisée, et si un voyage est prévu dans le pays d’origine et que ce pays présente une haute prévalence d’excision. L’excision en Europe est peu fréquente.
Le niveau 1[1] correspond donc aux filles nées en Belgique d’une maman excisée, qui se positionne clairement contre l’excision ou qui n’a pas prévu de voyage dans son pays d’origine.
On passe au niveau 2 s’il y a un changement dans la composition familiale, comme un mariage avec un homme pro-excision. Le niveau 2 concerne les situations où les parents se renseignent sur la possibilité de faire une excision dans un hôpital en Belgique. Car dans certains pays comme l’Egypte et le Soudan, l’excision est médicalisée. Le professionnel est alors invité à discuter avec les parents, à expliquer que la législation en Belgique interdit l’excision, à miser sur la sensibilisation.
Tant qu’il n’y a pas de voyage prévu, il n’y a toujours pas de risque imminent. Si c’est le cas, on passe au niveau 3. À ce niveau, si les parents restent sur leur position malgré la discussion, le professionnel peut faire appel à l’Aide à la Jeunesse. Celle-ci organise une rencontre avec les parents et éventuellement une animatrice communautaire du GAMS pour assurer la médiation interculturelle. Si à l’issue de cette étape, l’Aide à la Jeunesse n’est pas rassurée que l’enfant sera en sécurité et si le risque d’excision est trop grand, le parquet peut être contacté pour émettre une interdiction de sortir du territoire de l’espace Schengen. L’enfant reste avec sa famille, mais il n’a plus la possibilité de voyager.
On passe au niveau 4 quand on suspecte une excision lors d’un examen global de l’enfant par exemple. Il faut s’assurer du bon diagnostic et consulter un collègue expérimenté qui examinera l’enfant, car certaines pathologies vulvaires peuvent faire penser à une excision.
Quand le diagnostic est confirmé, on atteint le niveau 5, l’excision est avérée. Il s’agit alors de vérifier l’état de santé de la fille, si elle a besoin de soins médicaux ou de soutien psychologique, mais aussi si elle a des sœurs qui peuvent encore être protégées.
[1] L’outil du « détectomètre » lancé en 2021 est destiné aux professionnels de la santé et du social pour évaluer en consultation le niveau de risque d’excision chez les filles mineures. Le détectomètre compte 5 niveaux de risque.
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Q.S. : Même si une fille a déjà été excisée, il y a encore des actions à mener ?
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F.R. : Certains médecins hésitent à faire des signalements lorsqu’ils sont face à une fille qui est déjà excisée, car ils estiment que c’est trop tard. Or, cela permettrait de protéger les suivantes, les sœurs ou d’autres membres de la famille. J’ai rencontré en consultation une jeune femme de 21 ans née en Belgique qui a été excisée lors d’un voyage en Guinée quand elle avait 8 ans. Elle m’a raconté que sa sœur a été excisée deux ans après elle. Si on avait dépisté le fait qu’elle avait été excisée dès son retour de vacances, on aurait pu protéger sa sœur. C’est une opportunité manquée, un échec de la prévention.
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Q.S. : Quels âges sont les plus à risque d’excision ?
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F.R. : C’est généralement entre 4 et 12 ans. Mais il y a une tendance à abaisser l’âge de l’excision pour que les filles ne s’en souviennent pas, pour qu’elles ne puissent pas porter plainte, ou s’enfuir au moment où elles comprennent ce qu’on va leur faire, comme c’était parfois le cas au Kenya où on excisait des filles de 14 ans. Au Yémen, on excise les bébés. Au Sénégal, dans certaines régions, les filles sont excisées à 6 mois. Au Mali, cela se fait à partir de 2 ans. Il n’y a plus vraiment d’âge. Ce qui met à mal l’argument initiatique, le passage à la vie de femme, pour être réduit au côté identitaire. On le fait pour appartenir au groupe. C’est devenu une norme sociale.
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Q.S. : Quel message souhaitez-vous passer aux services PSE ?
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F.R. : Ils peuvent nous appeler dès qu’ils ont des questions, des craintes ou des suspicions d’excision. On conseille aussi de se former sur la question et d’avoir sous la main pendant les consultations la carte du monde avec la prévalence de l’excision selon le pays. Car il peut y avoir des stéréotypes, selon lesquels toutes les petites filles noires sont concernées. Mais la prévalence de l’excision dans le pays d’origine est un premier élément objectif du risque d’être excisée. L’excision est pratiquée en Guinée Conakry mais pas en République Démocratique du Congo par exemple. Et a contrario, certaines petites filles blanches, ou venant d’autres régions peuvent être concernées, comme des filles kurdes, indonésiennes ou pakistanaises.
Le GAMS organise des formations gratuites, dans lesquelles on partage des outils plus spécifiques comme la communication directe avec les enfants. On sait que le dépistage de l’excision est moins évident pour les services PSE car ils sont en consultation uniquement avec les enfants, sans les parents, contrairement à celles de l’ONE.
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Le rôle des PSE dans la prévention des mutilations génitales
Anne Naudin du pôle PSE de l’ONE rappelle que le GAMS est un acteur de relai pour les services PSE lorsqu’ils sont confrontés aux problématiques de mutilations génitales. La conseillère en santé publique estime que l’outil du détectomètre mérite d’être davantage connu dans les services PSE ou centres CPMS-WBE qui ont des élèves entrant dans la catégorie d’élèves « à risque ». Tout en rappelant que cet outil est avant tout pertinent pour les acteurs de proximité qui peuvent, et ont le temps, de rencontrer les parents et la famille. « Les données qui permettent d’évaluer le niveau de risque avec le détectomètre sont inconnues des professionnels PSE qui, la plupart du temps, ne rencontrent pas les parents. Lors des bilans de santé, ils ne disposent pas des informations familiales ou concernant le pays de naissance qui permettent de faire une analyse de risque. (qui devrait se faire au préalable du bilan de santé). Et ce sont des questions qu’ils ne peuvent pas poser aux parents via le questionnaire médical confidentiel. En revanche, si un PSE repère une petite fille qui a déjà été excisée, c’est important de le consigner dans le dossier et de le suivre dans le cas où il y aurait une fratrie. »
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Dans le cadre de la campagne « Nous avons tous droit à l’amour », le salon « EnVIE d’amour » organisé par l’AVIQ vise à parler de la vie amoureuse et de la sexualité chez les personnes dont les capacités d’autonomie et d’indépendance sont entravées. Durant l’édition de 2024, l’ONE tiendra un espace « Parentalité », en collaboration avec de nombreux partenaire. Objectif : informer et outiller les participants en matière de sexualité et de relations amoureuses, afin de légitimiser davantage cet aspect de la vie de tout individu en situation de handicap. Au programme du salon : conférences, stands, activités, débats. L’événement est gratuit et s’adresse aux personnes en situation de handicap, à leurs proches et aux professionnels qui les accompagnent et tous ceux qui sont intéressés par ces sujets.
Le salon se tiendra du 20 au 22 mars au CEME à Charleroi.
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Retour sur la journée PSE 2023
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L’ONE a organisé la 4ème édition de la journée PSE à destination des professionnels PSE le 28 novembre 2023 dans les salles du CEME (Charleroi Espace Meeting Européen). Cette journée a rassemblé plus de 150 personnes en présentiel !
Le programme était orienté sur quatre thématiques distinctes avec l’aide d’un facilitateur, Mr Simon DE VOGHEL. Mme Katia CASTETBON, Directrice du SIPES (Service d’Information Promotion Éducation Santé), a débuté la journée avec un partage des tendances qui ressortent des résultats de l’enquête HBSC (Health Behaviour in School-aged Children) de 2022.
Mr Arnaud Zarbo, Psychologue, thérapeute, formateur et superviseur à l’ASBL NADJA, a présenté une thématique forte de notre temps : l’addiction aux écrans.
Ensuite, les démarches participatives avec des enfants et des jeunes et l'importance de les utiliser en PSE ont été abordées par la Coordinatrice a.i. de l’OEJAJ-FWB (L'Observatoire de l'Enfance, de la Jeunesse et de l'Aide à la Jeunesse), Mme Anne-Marie DIEU.
Enfin, la journée s’est clôturée par la participation de Mme Christine MAHY, Secrétaire Générale du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, sur la PSE-Parents : Comment converger vers des premiers rendez-vous réussis?
L’évaluation de cette journée par une large partie des personnes présentes est positive tant sur la forme que sur le fond ! Les objectifs qui étaient le partage entre professionnels du secteur PSE ainsi que l’échange sur des thématiques actuelles ont été largement rencontrés.
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Pour plus d’informations : polepse@one.be
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Campagne « Ne laissons pas les écrans faire écran »
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La cellule de coordination de la Fédération Wallonie-Bruxelles Yapaka, active dans la prévention de la maltraitance, a lancé il y a un an la campagne de sensibilisation « Ne laissons pas les écrans faire écran ». Cette campagne ouvre le débat sur nos habitudes numériques en famille, avec un point d’attention particulier pour la sauvegarde des relations et des interactions humaines, notamment entre les enfants et les parents.
Le site rassemble une multitude de ressources utiles sur la thématique des écrans, à destination des parents et des professionnels. Retrouvez-y des capsules vidéo, un webinaire, une bibliographie, une ligne du temps qui reprend les repères d'utilisation des écrans en fonction du développement de l'enfant, ou encore la possibilité de télécharger le livre « Temps d’arrêt », les spots TV, les affiches et les cartes postales…
www.yapaka.be/campagne/campagne-ne-laissons-pas-les-ecrans-faire-ecran
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