Promouvoir la santé à l'école est un e-Journal destiné aux professionnels·les de la promotion de la santé à l'école et, plus largement, aux personnes intéressées par les enjeux de santé en milieu scolaire.
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Sommaire
DOSSIER Prendre en compte la parole de l’enfant et la rendre « agissante », c’est un droit inscrit dans la constitution. Mais comment cela peut-il s’appliquer sur le terrain ?
POIDS DU CARTABLE Le mal de dos est une affection fréquente en Belgique, en constante augmentation chez les 15-24 ans. Pourrait-on agir dès l’école pour remédier à ce fléau ? Une recherche-action s’est penchée sur le sujet à Bruxelles.
COMPETENCES PSYCHOSOCIALES Des compétences primordiales à développer chez les enfants en milieu scolaire, car elles joueraient un rôle essentiel dans la prévention de comportements à risques.
BREVES Les Ambassadeurs d’expression citoyenne.
PIPSA Des outils pour soutenir le développement des compétences psychosociales des enfants, des jeunes… et des adultes qui les entourent ?
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« Participation et prise en compte de la parole des enfants »
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Récolter la parole des enfants, la rendre agissante et faire participer les jeunes aux prises de décisions les concernant. Le projet peut paraître à la fois idéaliste et plein de bons sentiments. C’est pourtant un droit reconnu par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant et inscrit dans la constitution belge. Le nouveau Délégué général aux droits de l’enfant, Solayman Laqdim, compte bien poursuivre cette mission qui fut l’une des priorités de son prédécesseur Bernard De Vos. D’ailleurs, le champ universitaire s’intéresse déjà à cette parole, comme dans l’étude sociologique Mobile Kids, l’une des premières qui abordent la garde alternée du point de vue de l’enfant et non pas de l’adulte. Certains PSE aussi mettent déjà en place des actions pour faire participer les enfants au sein de leur école.
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« Les enfants sont les principaux acteurs et experts de leurs vécus »
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Solayman Laqdim est le nouveau Délégué général aux droits de l’enfant depuis le 1er février. Ce Bruxellois d’origine et Liégeois d’adoption s’est forgé une expérience de terrain dans l’aide à la jeunesse et plus particulièrement au sein de milieux précarisés. C’est pourquoi il fait de la lutte contre la pauvreté son cheval de bataille, sans oublier de poursuivre la mission de son prédécesseur : rendre efficiente la parole des enfants.
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Question Santé : Quel est votre parcours professionnel ?
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Solayman Laqdim (44 ans) : J’ai travaillé près de 20 ans dans le secteur de l’aide et de la protection de la jeunesse. J’ai fait mes armes à Bruxelles, en tant qu’éducateur dans les quartiers, où je m’adressais à un public vulnérable. J’ai ensuite travaillé dans l’hébergement avec des jeunes qui avaient subi des situations de négligence ou de maltraitance grave, mais aussi avec des mineurs délinquants dans un centre fermé. J’ai par la suite été criminologue à la section jeunesse du parquet de Huy et de Liège pendant sept ans, ainsi que directeur adjoint au SPJ de Liège. Je suivais alors près de 400 jeunes dans des situations très compliquées. Sous la précédente législature, j’ai fait un passage en tant que conseiller au cabinet de la ministre d’aide à la jeunesse. Enfin, en tant que chargé de prévention, j’ai impulsé toutes les politiques de prévention en matière d’aide à la jeunesse en province de Liège.
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Q.S. : Quelles difficultés des enfants vous ont le plus marqué au cours de votre carrière ?
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S.L. : Il y a trois variables qui sont revenues de manière récurrente dans mon expérience. La première est que les problèmes concernent majoritairement des enfants aux profils socio-économiques très faibles. Et quand on parle d’enfants, on ne peut pas les dissocier des familles dans lesquelles ils vivent. La plupart sont sous le seuil de pauvreté. C’est le deuxième point. Les parents ont souvent eux-mêmes un parcours dans l’aide et la protection de la jeunesse. Les ménages monoparentaux sont aussi sur-représentés. Il s’agit de cellules familiales très abimées, avec beaucoup de difficultés, parfois de la violence conjugale. Enfin, la troisième variable qui m’a marqué, ce sont les enfants qui ne trouvent plus de sens à l’école. La plupart des jeunes que j’ai suivis et accompagnés étaient en décrochage scolaire depuis de nombreuses années. Dans le meilleur des cas, ils étaient dans l’enseignement spécialisé, parfois en technique et professionnel, mais la plupart du temps ils ne l’étaient pas.
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Q.S. : On retrouve ici vos priorités en tant que nouveau DGDE ?
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S.L. : Tout à fait. Il faut agir sur ces trois axes : développer des politiques sociales plus ambitieuses, apporter un accompagnement parental de qualité qui part du principe que les parents ont des compétences et qu’on doit respecter leurs choix éducatifs, et créer davantage de démocratie, d’équité, d’inclusion au sein de l’école.
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Q.S. : Qu’est-ce qui, selon vous, met aujourd’hui le plus en péril les droits de l’enfant ?
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S.L. : La précarité, sans aucun doute. La situation aujourd’hui est assez dramatique. D’après un récent sondage, un enfant sur quatre à Bruxelles vient à l’école sans tartine. Un enfant sur quatre vit sous le seuil de pauvreté. Des familles sont soit exclues du chômage, soit n’ont plus accès à leurs droits au niveau du CPAS ou au revenu d’intégration sociale. Certaines n’activent même plus leurs droits, car elles considèrent la procédure comme intrusive ou pénalisante. Sans parler de ceux qui travaillent mais dont les revenus sont en dessous du seuil de pauvreté. La précarité des ménages influe sur les enfants et leurs droits. Lorsqu’on veut avoir accès à la santé, à la mobilité, à la culture, au sport, aux loisirs, c’est évidemment compliqué de faire valoir ses droits si on n’a pas d’argent en poche. La question migratoire me préoccupe aussi particulièrement. Il y a des MENA (mineur étranger non accompagné) qui dorment dans les rues et qui sont souvent exploités dans la sphère du travail, dans des réseaux criminels, ou exploités sexuellement. Ils présentent aussi souvent des problèmes d’assuétudes. C’est un enjeu pour moi. Car je suis le délégué de tous les enfants, sans aucune distinction. Il y a beaucoup de réponses à apporter à ces problématiques. Il faudrait plus de tuteurs, davantage de dispositifs DASPA (Dispositif d'Accueil et de Scolarisation des élèves Primo-Arrivants) au sein des écoles, préparer la transition entre ces dispositifs et l’enseignement ordinaire, davantage d’hébergements qui leur permettent de prendre leur autonomie, etc. Enfin, il y a la question de l’inclusion des enfants qui présentent un handicap visible ou invisible. En Belgique, près d’un enfant sur dix souffre de troubles de l’attention et de difficultés d’apprentissage. C’est important de proposer des accommodements raisonnables pour favoriser plus d’équité entre les élèves, notamment lors des épreuves certificatives.
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Q.S. : Concernant cette problématique des boîtes à tartines vides, l’école n’a-t-elle pas un rôle à jouer dans l’alimentation des enfants, voire un devoir à remplir ?
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S.L. : La gratuité des cantines, c’est une position qui me tient particulièrement à cœur. Toutes les études montrent les bienfaits que cela peut avoir sur le développement cognitif des enfants, sur leur concentration, sur leur taux de réussite, ainsi qu’au niveau de la santé publique sur les problèmes d’obésité. Une cantine accessible à tous permettrait aussi de décharger des parents forts occupés, dépassés, notamment dans les milieux plus précarisés. Dans une étude, une chercheuse luxembourgeoise a mesuré d’un point de vue économique les bienfaits de la cantine gratuite à l’école. Ici, on n’est plus dans des convictions ou du militantisme, mais sur un calcul purement économique. Cette étude a démontré que, pour 1 euro investi dans les cantines alimentaires, c’est environ 4 euros de gagnés pour la suite. La cantine est donc un investissement à long terme pour la santé des enfants.
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Q.S. : Votre prédécesseur Bernard De Vos avait fait de la participation des enfants et de la prise en compte de leur parole une priorité. Allez-vous la poursuivre ? Faire participer les enfants à la sauvegarde de leurs droits, n’est-ce pas mettre à mal une forme d’insouciance qui est le propre de l’enfance ?
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S.L. : La Convention Internationale des Droits de l’Enfant propose deux angles d’approche. Le premier consiste à souligner que les enfants sont, par définition, dans une situation de vulnérabilité et qu’il faut mettre en place une série de mécanismes pour les protéger. Le deuxième angle considère que les enfants sont des êtres à part entière, qu’ils ont un avis à donner et qu’il est très important de prendre en considération leur parole. C’est ce point d’équilibre qu’il faut constamment trouver, entre la participation et la protection. Et j’insiste sur le fait que la participation ne doit pas être factice. Certaines initiatives récoltent la parole mais n’en font pas grand-chose. Combien de plans de pilotage dans le cadre du pacte pour un enseignement d’excellence prennent en considération la parole des enfants ? À ma connaissance, très peu. Dans cet exercice, il faut faire de cette parole de l’enfant une parole agissante, sinon on se décrédibilise. Car le regard que posent les enfants sur leur propre situation et leurs difficultés est souvent beaucoup plus juste que celui des professionnels. II nous ramène au principe de réalité. Ce sont eux les principaux acteurs et experts de leurs vécus. Donc c’est important de prendre cette parole en considération.
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Q.S. : Comment pourrait-on rendre la parole des enfants agissante ?
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S.L. : Quand j’étais chargé de prévention, on avait mis en place beaucoup de dispositifs pour la prise d’autonomie des jeunes qui avaient un parcours dans l’aide à la jeunesse et qui devaient, à l’âge de 18 ans, voler de leurs propres ailes malgré un parcours de vie très abimé et peu de réseaux à leur disposition. On avait créé un « focus groupe » avec des jeunes qui n’avaient pas bénéficié de dispositifs et qui étaient devenus de véritables experts du vécu. Ils avaient tellement galéré, qu’ils étaient capables de nous pointer tous les dysfonctionnements avec une précision assez remarquable. À côté de ça, des jeunes qui avaient bénéficié de dispositifs ont participé dans un deuxième groupe à la rédaction des règlements d’ordre intérieur des logements mis à leur disposition. C’est compliqué de penser à la place d’autres personnes. Si on veut un minimum d’adhésion, il faut les faire participer un minimum aussi.
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Mobile Kids : une étude sociologique sur la garde alternée du point de vue des enfants
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Comment les enfants vivent-ils la garde alternée ? Comment circulent-ils entre leurs différents lieux de vie ? Quelles stratégies développent-ils pour se sentir chez eux ?
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Une équipe de sociologues de l’UCLouvain a étudié la garde alternée à partir du point de vue et des pratiques déployées par les enfants eux-mêmes. Un travail qui a nécessité la mise en place d’outils spécifiques pour récolter leur parole. Explication avec Bérengère Nobels, docteure en sociologie de la famille à l’UCLouvain, qui a participé à l’étude « Mobile Kids ».
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Se placer du point de vue de l’enfant
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Alors que la garde alternée a souvent été abordée d’un point de vue psychologique, notamment pour en mesurer l’impact sur le bien-être psychologique des jeunes, l’étude de l’UCLouvain adopte une autre approche. L’équipe de sociologues a interrogé 21 jeunes de 10 à 16 ans sur leur vécu de la garde alternée : comment expérimentent-ils et s’approprient-ils leur organisation familiale ? Les chercheuses se sont attachées à observer les pratiques quotidiennes de ce mode de vie, indépendamment de tout jugement moral. « Il ne s’agit pas de pointer du doigt des pratiques qui pourraient être bonnes ou mauvaises pour l’enfant. La garde alternée est une réalité qui touche un grand nombre d’enfants et on a voulu savoir comment ils expérimentaient ce mode de vie, ce qu’ils en font, comment ils parviennent à naviguer entre ces différents foyers, comment ils s’adaptent », explique Bérengère Nobels. Ce qui fait l’originalité de l’étude, c’est qu’elle adopte le point du vue de l’enfant et pas celui des parents, comme cela a été jusqu’à présent le cas dans les études psychologiques. Les sociologues ont alors eu recours à des outils adaptés pour faire émerger la parole des enfants.
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La méthodologie consistait à rencontrer les enfants à deux ou trois reprises. Les chercheuses interagissaient avec eux au moyen d’approches ludiques et participatives, pour les faire parler des lieux importants dans leur vie, de là où ils se sentent chez eux, de ce qu’ils emportent avec eux, de la manière dont ils entretiennent leurs relations familiales à distance, etc. « Le premier entretien se déroulait autour d’un jeu de plateau de réseau socio-spatial. Au moyen de blocs ou de cartons de couleurs, ils devaient situer les différents lieux importants pour eux, en commençant par là où ils se sentaient chez eux. Cela me permettait d’avoir toute la configuration spatiale et familiale de leur vie, car souvent ils plaçaient la maison de papa, celle de maman, l’école, les lieux sportifs, des lieux importants pour eux. Sur cette base on discutait ensuite de leurs pratiques quotidiennes, de comment ils circulaient d’un espace à l’autre, ce qu’ils emportaient, comment ils maintenaient le contact avec les personnes avec lesquelles ils n’habitaient pas, etc. Les enfants étaient acteurs des entretiens. Je partais de leurs réalisations au travers de jeux et pas d’un entretien frontal comme ceux qu’on peut réaliser avec les parents », explique la sociologue.
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Associer les lieux à des émotions
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La deuxième rencontre de la sociologue avec les enfants s’est déroulée autour d’une méthode participative, avec la « Carte émotionnelle ». « Ils devaient dessiner un plan de leurs deux foyers vus du haut et, au moyen de gommettes de couleurs différentes, identifier les lieux qu’ils jugeaient comme leur appartenant, qu’ils estimaient comme étant leur place pour ensuite leur assigner une émotion qui reflète comment ils s’y sentaient. Les enfants devaient faire le même exercice pour les autres membres de la famille. À partir de ça, j’abordais des thématiques comme les interactions entre les membres de la famille au sein même de chaque foyer ». Bérengère Nobels a aussi suivi les enfants durant la journée de transition d’un parent à l’autre, du départ à l’arrivée, en effectuant le trajet avec eux pour observer leurs habitudes sur le terrain. « Je démarrais de l’école avec un enfant puis on discutait des affaires qu’il avait prises (ou non) le matin en partant, et j’allais jusqu’à chez son autre parent et observais ce qu’il se passait quand il arrivait au domicile. »
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Les résultats de l’étude « Mobile Kids » ont été soumis aux acteurs institutionnels et de terrain, pour voir quelles étaient les recommandations qu’on pouvait en tirer pour le secteur de la jeunesse. Il en ressort, entre autres, qu’il faudrait rendre les écoles plus accueillantes pour les enfants en garde alternée, notamment en mettant à leur disposition des consignes pour leur éviter de transporter leur sac toute la journée. Les professionnels qui travaillent avec des jeunes et leurs familles ont aussi relevé qu’ils étaient inégalement outillés pour recueillir la parole de l’enfant. Ils recommandent de renforcer la formation initiale et continue, avec un accès à des méthodes du même type que celles qui ont été mobilisées dans cette recherche (jeu de réseau socio-spatial et cartes émotionnelles). Enfin, les acteurs de terrain rappellent que, s’il est primordial d’écouter l’enfant et de tenir compte de son avis dans les matières qui le concernent, il ne faut pas faire peser sur ses épaules le poids de la décision.
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Plus d’infos :
- https://mobilekids.eu/
- Merla, L. et al. (2022) Rapport final du projet MobileKids - volet belge, Rapport MobileKids, Louvain-la-Neuve: Cirfase, UCLouvain.
- Le livre « Deux maisons, un chez-soi ? Expériences de vie de jeunes en hébergement égalitaire », 2022, Academia L’Harmattan
- La BD « Sac Ado », à paraître chez Kennes Editions en septembre 2023.
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Comment faire participer les élèves aux programmes de promotion de la santé à l’école ?
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Voici un exemple avec le service PSE de l’École de Strépy-Bracquegnies, qui intègre depuis une dizaine d’années le développement des compétences psychosociales (CPS) dans ses programmes via la participation et la prise en compte de la parole des enfants. L’enfant participe ainsi, avec l’école et le service PSE, à l’élaboration de programmes de santé qui le concernent.
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« La manière dont on prend en compte la parole des enfants et la manière avec laquelle on va les aider à développer cette parole font partie du développement des compétences psychosociales, sur lequel on mise de manière plus réfléchie et systématique depuis 2014 », explique Laetitia Honoré, directrice du service PSE de Strépy-Bracquegnies. Au sein de ce service, on prend en compte l’avis des enfants grâce à des questionnaires à choix multiples qui abordent toute une série de thématiques, allant des règles imposées à l’école jusqu’à l’ambiance scolaire. « Nous questionnons les élèves de secondaire sur leur perception de la justice sociale à l’école, et comment ils participent à la construction de ces règles. On leur demande aussi quels sont les lieux dans l’école qui les mettent mal à l’aise, comment ils voient la relation avec leurs pairs au sein de la classe, avec l’enseignant, ce qu’ils trouvent positif, ce qu’ils voudraient améliorer… Pour les plus petits, on interroge plutôt leur humeur, on essaie de sonder s’ils ont des amis, s’ils trouvent qu’ils devraient en avoir plus… L’idée étant de voir comment les enfants se sentent dans le milieu scolaire. »
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Cibler les besoins des élèves
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Bien sûr les bilans de santé sont aussi l’occasion de récolter la parole de l’enfant notamment pour investiguer l’environnement familial et déceler les éventuelles situations de négligence ou de maltraitance. « La question type qu’on pose à chaque fois, c’est : ‘comment ça se passe à la maison ?’ Si on remarque qu’un enfant n’a pas l’air soigné, qu’il a l’air un peu triste, si on a un pressentiment, on va approfondir la discussion avec l’enfant », explique Laetitia Honoré. Certaines problématiques décelées en individuel, comme les conduites à risque, peuvent alors donner lieu à des actions collectives. Mais face au nombre important d’élèves à rencontrer, le service PSE n’a pas toujours le temps de s’adresser à chaque classe. Les questionnaires sont alors un moyen de récolter des informations systématiques d’une année à l’autre et de cibler les besoins des élèves. « Cela ne servirait à rien par exemple de mettre en place un programme pour lutter contre la violence dans la cour de récréation, si l’enfant lui-même ne ressent pas cette problématique à cet endroit. Potentiellement, il peut trouver qu’il y a des problèmes de violence ailleurs. Il a une autre vision de la problématique que celle que l’école peut relever. »
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Assurer l’adhésion des élèves
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Le service PSE partage ensuite les résultats avec la direction de l’école pour mettre en place des programmes qui répondent vraiment aux besoins des élèves, une façon de s’assurer de leur adhésion aux programmes de promotion de la santé qui leur sont destinés. Une des problématiques qui surgit souvent est celle des règles appliquées aux élèves mais pas aux enseignants. Pour qu’ils les comprennent et les appliquent, les élèves doivent être concertés. « Au PSE de Strépy-Bracquegnies, on essaie toujours de construire des actions au départ de leurs représentations et de trouver les modes de fonctionnement qui vont ‘matcher’ entre les enseignants et les élèves. Car si cela ne vient que d’un côté, ça coince forcément à un moment parce que les élèves ne comprennent pas. » Et force est de constater que les jeunes aiment être écoutés et partager leur avis, « surtout lorsqu’ils voient que les réponses données ne restent pas dans un tiroir, qu’on en fait quelque chose, et qu’ils se rendent compte que leur parole a une répercussion sur leur environnement scolaire ». Les questionnaires, mais aussi les rencontres à l’école autour de thématiques précises, sont pour la directrice du PSE l’occasion de tisser une continuité, qui va du diagnostic de la problématique jusqu’à sa prévention en passant par l’évaluation de ce qui a été mis en place. « Les animations s’inscrivent généralement dans un programme qu’on met en place sur plusieurs années. Le but n’étant pas seulement de résoudre la problématique mais aussi de faire de la prévention pour que ces problématiques ne se reproduisent plus dans les années à venir, pour les futurs élèves qui rentreront dans cette classe », explique Laetitia Honoré.
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Se rendre compte de son pouvoir d’action
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Faire participer les enfants et prendre en compte leur parole, les aide à développer leurs compétences psychosociales, indispensables pour apprendre à se prendre en main et se rendre compte qu’on peut être acteur de son bien-être. « En les encourageant à mettre des mots sur leurs émotions, en les poussant à se remettre en question, à rentrer en réflexion, à expérimenter, à plaidoyer, en leur apprenant à qui s’adresser et de quelle manière, à trouver sa place dans un groupe, à ne pas se laisser influencer par les pairs… tout ceci rentre évidemment dans le cadre du développement des CPS. Et cela contribue à modeler leur manière de vivre ensemble, pour qu’à l’âge adulte, ils puissent faire face à toutes les situations. »
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Maux de dos : la faute aux cartables trop lourds ?
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Dans le cadre de la prévention du mal de dos en milieu scolaire, le service PSE de la Ville de Bruxelles a mené une recherche-action concernant le poids du cartable des élèves. Quel est son poids moyen ? Comment les élèves le subissent-ils ? Quelles actions mener pour l’alléger ? Voici quelques résultats préliminaires de l’enquête, présentés par le Dr Hanozet, médecin coordonnateur faisant fonction du service PSE de la Ville de Bruxelles.
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Un enjeu médical et sociétal
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Le mal de dos, et plus particulièrement des lombaires, figure en tête de liste des affections chroniques les plus fréquentes au sein de la population de 15 ans et plus (23,2% chez les hommes et 26,4% chez les femmes), d’après l’enquête santé menée en 2018 par Sciensano[1] auprès de 10.700 personnes. Plus précisément, 12% des 15-24 ans se plaignent de douleurs au dos. Un chiffre en constante augmentation depuis dix ans dans cette tranche d’âge (+ 6 %). Or on sait que les maux de dos augmentent avec l’âge, peuvent évoluer vers une chronicité et, pour certains, se transformer en un handicap au quotidien avec des conséquences importantes pour la personne et la société : soins de santé très lourds et risqués, arrêt de travail temporaire ou définitif, réorientation professionnelle… Une étude de l’UCL[2] évaluait l’impact financier des lombalgies en Belgique à un peu plus d’1,2 milliard d’euros en 2018. Dès lors, comment remédier, dès l’école, à ce fléau qui représente un enjeu de santé publique ?
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Le poids du cartable pas l’unique raison des maux de dos, mais un facteur important
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La prévention des maux de dos passe par l’activité physique bien sûr mais aussi par l’adoption de bonnes postures, en particulier lors du port de charges dont le cartable fait partie au quotidien. Dans cette optique, le pouvoir organisateur du SPSE de la Ville de Bruxelles a souhaité mettre en place des recommandations concernant la réduction du poids du cartable et s’est tourné vers le SPSE afin de construire ensemble une intervention. L’Inspecteur chargé des matières transversales et de la santé, M. Barbana, a collaboré avec le Dr Hanozet afin d’élaborer une intervention sur le poids des cartables, et ce avec plusieurs objectifs : recueillir l’avis des élèves sur le sujet, sensibiliser aux bonnes pratiques et ensuite synthétiser des recommandations. Si le poids du cartable ne cause pas de pathologies, le port de charges est par exemple contrindiqué en cas de scoliose ou de maladie des disques vertébraux. Valérie Hanozet souligne que « la relation de cause à effet entre le poids du cartable et les maux de dos n’est pas évidente. Mais que vu l’ampleur de la prévalence des maux de dos, une sensibilisation par rapport à ce sujet est certainement indiquée ». En effet, il y a de nombreux facteurs de risque de survenue de maux de dos comme le fait d’être une femme, de pratiquer un sport en compétition, l’anxiété, la dépression et la faible estime de soi.
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Résultats de l’enquête au sein du SPSE de la Ville de Bruxelles
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Pour cette enquête, le Dr Hanozet, avec l’aide de Mlle Diebo, étudiante en Santé publique en stage au SPSE, a collaboré avec des directions d’école ainsi que des inspecteurs pédagogiques concernés. Ils ont soumis un questionnaire en ligne à 120 écoliers répartis en première et sixième primaire de cinq écoles de la ville de Bruxelles, lors de trois matinées de pesée. « 19% trouvent que leur cartable est trop lourd tous les jours et 26% plusieurs fois par semaine, une fréquence au total non négligeable. Les chiffres sont plus importants en première primaire et davantage encore chez les garçons. » Les sacs à roulettes, un temps recommandés mais aujourd’hui déconseillés en raison des maux d’épaule et des torsions du tronc qu’ils peuvent occasionner, ne représentent que 14% des cartables. La majorité sont des sacs à dos (80%). D’ailleurs le pourcentage des élèves qui trouvent leur cartable lourd est plus élevé chez ceux qui ont un sac à roulettes (35,3% le trouvent lourd plusieurs fois par semaine) que chez ceux qui ont un sac à dos (17,9%). Les cartables ont été pesés vides, complets et seulement avec leurs éléments nécessaires aux activités scolaires. Les éléments non pédagogiques représentaient environ 2 kg, avec un écart de 0 à 9,2 kg. De quoi amener une réflexion sur le contenu de ces cartables.
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Sensibiliser sur le poids du cartable
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« Trier », « ranger », « ajuster » étaient les trois mots clés de la campagne initiée il y a dix ans par Jean-Marc Nollet, alors Ministre de la Petite enfance et de l’Enseignement fondamental. Des concepts toujours d’actualité pour le Dr Hanozet. « Il est important de prendre conscience du poids des objets qui ne sont pas indispensables, tout en veillant à ne pas juger les élèves sur ce qu’ils ont emporté ‘à tort’. L’idée n’est pas de comparer les élèves entre eux, mais de montrer comment on peut facilement alourdir son sac avec des objets dont on ne se sert pas à l’école. Nous nous sommes aussi intéressés à la façon dont les enfants s’exprimaient sur ce sujet : que ressentent-ils par rapport au poids de leur cartable ? » Différentes activités de sensibilisation ont été menées dans les écoles concernées par le projet : réalisation d’affiches, participation des élèves à la pesée des cartables, création d’une capsule vidéo, rappel des bonnes postures au cours d’éducation physique, etc. Une seconde semaine de pesée ainsi qu’un questionnaire post-sensibilisation permettraient aux élèves de donner leur avis sur l’impact du projet, pour les aider à mieux trier et porter leurs cartables.
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Propositions de recommandations
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L’enquête aboutira à des recommandations pour toutes les écoles ainsi qu’à un message du SPSE pour les parents, concernant le choix du cartable. Les recommandations sont à l’état de propositions actuellement : trier le cartable, laisser certaines affaires en classe, instaurer la pesée des cartables comme une activité pédagogique et de sensibilisation, sensibiliser les élèves au bon portage du cartable en collaboration avec l'enseignant d’EPS (essais de portage au cours de gym pour faire prendre conscience des différences selon les modèles et du réglage des lanières), conseiller les parents à la sortie de la maternelle pour l'achat du cartable en première primaire et déconseiller les roulettes. Délester un cartable pose aussi d’autres enjeux pédagogiques notamment par rapport à l’usage du numérique qui pourrait remplacer les manuels scolaires souvent trop lourds, à l’organisation des devoirs qui nécessite de ramener les affaires à la maison, ou encore à des locaux pour permettre aux élèves de consigner leurs affaires.
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[1] https://www.sciensano.be/sites/default/files/his_resume_fr_def.pdf
[2] Losseau, Delphine. Impacts des fardeaux économiques et de santé des douleurs lombaires et cervicales, en Belgique, en 2018. Faculté de santé publique, Université catholique de Louvain, 2019. Prom. : Devleesschauwer, Brecht. http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:18638
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Compétences psychosociales : pourquoi et comment les développer ?
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Être bien avec soi et savoir interagir avec son environnement : le concept en santé publique des compétences psychosociales (CPS) met l’accent sur l’autonomie, c’est à dire la capacité à agir par soi-même pour se sentir mieux. Des compétences primordiales à développer chez les enfants en milieu scolaire, car elles joueraient un rôle essentiel dans la prévention de comportements à risques.
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Maintenir un état de bien-être subjectif
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Les compétences psychosociales sont devenues un concept en santé publique en 1993, sous l’impulsion de l’OMS qui a encouragé les écoles à les développer. Mais qu’appelle-t-on compétences psychosociales ? Dans le texte en anglais de l’OMS, elles sont désignées par l’expression « life skills », soit « la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux exigences et épreuves de la vie quotidienne. C’est la capacité d’une personne à maintenir un état de bien-être subjectif qui lui permet d’adopter un comportement approprié et positif à l’occasion d’interactions avec les autres, sa culture et son environnement. La compétence psychosociale joue un rôle important dans la promotion de la santé renvoyant au bien-être physique, psychique et social ». Les CPS vont de pair avec un autre concept de santé publique, « l’empowerment », c’est à dire le pouvoir que chaque individu possède pour agir sur lui-même et contrôler son état de santé, aussi bien physique que psychique. Un pouvoir qui peut être renforcé – « empower » – pour mieux interagir avec son environnement, qu’il s’agisse de la famille, du travail ou encore de l’école.
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Savoir demander de l’aide
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Damien Favresse travaille dans le secteur de la promotion de la santé depuis 1999 et coordonne le CBPS (Centre Bruxellois de Promotion de la Santé) depuis 2019. Concrètement, ce centre accompagne les opérateurs dans la démarche de mise en place des projets de promotion de la santé. Il soutient notamment les services PSE dans l’élaboration de leurs projets de service. Depuis le début de sa carrière, il intègre le concept de CPS dans son travail et en partage sa vision. « Pour moi, ce sont toutes les compétences qu’une personne développe dans ses relations avec les autres. Et le rapport qu’on entretient à soi-même va jouer un rôle dans la manière dont on entre en interaction avec les autres. Il s’agit donc de la confiance en soi mais aussi de la confiance aux autres, comme par exemple avoir la capacité de demander de l’aide en cas de problème, de se poser la question : quelles sont les ressources dont je dispose dans mon environnement ? ». Et Damien Favresse de rappeler que l’adulte fait partie des ressources de l’enfant, mais qu’il faut pour cela bâtir une relation de confiance. « Tous les adultes du milieu scolaire pourraient jouer un rôle d’agent de prévention du quotidien. D’où l’importance de rappeler qu’il faut mobiliser tous les acteurs scolaires, les éducateurs, les directeurs, les enseignants… et pas uniquement les PSE. »
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Comment développer les CPS ?
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Depuis la crise sanitaire, la Mutualité Chrétienne organise des journées de formation gratuite à destination des professionnels de l’éducation. Rajae Serrokh, qui fait partie de ce groupe de travail, a été formée par l’IREPS (Instance Régionale d’Éducation et de Promotion de la Santé) en France, pays où les CPS font partie d’une stratégie gouvernementale interministérielle. Santé Public France a d’ailleurs actualisé la définition de l’OMS et classe les CPS en trois grandes familles : les compétences émotionnelles, sociales et cognitives. « Il y a deux manières de travailler les CPS. D’abord en amont en alimentant les ressources émotionnelles, sociales et cognitives, en apprenant à identifier et nommer des émotions. Puis de manière pratique en les mobilisant en situation. C’est l’approche que nous avons choisie car c’est comme ça qu’on renforce directement les CPS. » Durant la journée de formation, le public de professionnels est amené à participer à des ateliers dit « expérientiels », centrés sur l’expérimentation. « Ces ateliers suivent une trame bien précise avec plusieurs étapes comme le brise-glace, la mise en place d’un cadre bienveillant, la mise en situation, l’échange entre participants et un débriefing pour prendre du recul et analyser les effets de l’atelier. » L’estime de soi peut faire l’objet d’un atelier, mais Rajae Serrokh tient à nuancer. « Il y a parfois un raccourci entre l’estime de soi et les CPS auquel nous n’adhérons pas. Les CPS sont une approche qu’on ne peut pas résumer à la confiance en soi. Il y a énormément de ressources différentes à alimenter. »
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Des CPS dans un bon climat scolaire
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Les CPS sont nécessaires pour assurer son propre bien-être, mais pas suffisantes. Damien Favresse souligne l’importance de prendre en compte le climat scolaire. « Il faut travailler au niveau global, sur le milieu de vie des jeunes, et pas juste avoir une approche centrée sur la personne, sinon on fait reposer toute la responsabilité sur ses épaules. Et un environnement qui n’est pas bienveillant peut casser l’estime de soi. » L’école doit donc offrir un cadre suffisamment serein pour être propice à l’épanouissement personnel et collectif. « On l’observe, dans les écoles où il y a une forte concurrence au niveau des résultats scolaires, il y a aussi plus de violences entre les élèves. Tout humain a besoin d’être valorisé. » Et une bonne estime de soi, ça se travaille dès le plus jeune âge. C’est une des autres recommandations pointées par Damien Favresse. « Ce n’est pas à 15 ans, à l’adolescence, quand les problèmes surviennent et que les comportements sont déjà ancrés qu’il faut travailler les CPS. L’estime de soi se travaille dès l’âge de 6-8 ans. » Il existe des moments charnières dans la scolarité pour travailler les CPS, comme le passage de la maternelle à la primaire puis en secondaire, quand les enfants qui passent chez les « grands » peuvent rencontrer des difficultés d’adaptation.
Miser sur les CPS permet de prévenir les problèmes de santé mentale, mais relève aussi d’un enjeu de santé publique. Des études montrent que les comportements à risque comme la consommation précoce de tabac ou d’alcool en fin de primaire est plus présente chez les jeunes qui ne sentent pas bien avec les autres élèves dans la classe ou qui n’aiment pas leur école.
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Les Ambassadeurs d’expression citoyenne : la brochure des formations pour 2023-2024
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Les Ambassadeurs d’expression citoyenne est une association qui aide les jeunes à être actifs dans des débats de société en les initiant notamment à l’art oratoire. L’ASBL prône l’éducation par les pairs et s’attache à former des jeunes pour qu’ils deviennent des « ambassadeurs », afin qu’ils soient à leur tour un tremplin pour d’autres jeunes. Les actions concernent de multiples domaines, des délégués de classe aux débats publics, de la communication non violente aux stratégies interculturelles, de l’art oratoire au coaching individuel, des questions culturelles aux enjeux environnementaux. Leur brochure présentant toutes les animations à destination des élèves pour la prochaine année scolaire vient d’être publiée. On y trouve des cycles de joutes verbales entre différentes écoles, des formations de prise de parole sur les enjeux de la justice environnementale, ou encore le projet d’initiation à l’art oratoire « du banc au parlement ». L’association propose aussi une formation dédiée aux professeurs, éducateurs et acteurs du monde de l'enseignement qui désirent travailler les différents aspects de la prise de parole avec leur classe de manière originale, avec une attention particulière à la gestion des débats en classe.
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Quels outils pour soutenir le développement des compétences psychosociales des enfants, des jeunes… et des adultes qui les entourent ?
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Le développement des compétences psychosociales, c’est un chemin pour la vie !
La base de données PIPSa recense (en mai 2023) 233 outils qui mobilisent cette thématique, soit directement (travail sur les émotions et les besoins, les relations interpersonnelles et au sein d’un groupe, l’empathie…) soit comme stratégie mobilisatrice pour aborder d’autres thématiques (assuétudes, éducation aux médias, stéréotypes et discriminations…). S’y trouvent aussi des supports pour cocréer ensemble un projet rassembleur.
Trois « basiques » dont chaque centre PSE devrait pouvoir disposer :
L'univers des sensations
https://www.pipsa.be/outils/detail-2139614121/l-univers-des-sensations.html
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Jeu de cartes proposé comme support à l’identification, à l’expression et à la discussion sur le thème des sensations.
Public : à partir de 8 ans
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Jeu de cartes favorisant une meilleure compréhension de soi et de l’autre et, à plus long terme, un meilleur ancrage dans le monde dans lequel nous vivons grâce à la reconnaissance et l’expression de nos émotions.
Public : à partir de 3 ans
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Peu ou même pas du tout formé-e-s à l’écoute et à l’identification de nos besoins, nous éprouvons souvent des difficultés à les reconnaître et les exprimer, à les distinguer de nos désirs, envies et préférences, des émotions qui y sont associées ou encore des moyens de les satisfaire.
Facilite l’apprentissage d’un vocabulaire permettant de développer son intelligence émotionnelle
Public : à partir de 8 ans
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Vous souhaitez aborder des thématiques particulières ? Vous travaillez avec des publics spécifiques ? Vous souhaiteriez être orienté.e.s dans le choix d'outils intéressants ?
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