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25.09.2025

Dépister les troubles auditifs à l’école

Le dépistage néonatal de la surdité permet d’identifier un certain nombre de cas problématiques. Mais certaines affections vont se développer de façon plus tardive. Un suivi de l’audition est donc utile pendant l’enfance et l’adolescence, et le dépistage effectué en milieu scolaire joue un rôle clé pour que tous les enfants puissent bénéficier des soins appropriés. C’est pourquoi, suite au travail d’un groupe de professionnels de la PSE et de l’ONE et avec l’avis d’ORL, l’ONE a conçu un nouveau document reprenant les éléments essentiels du dépistage auditif en médecine scolaire. Sans oublier bien sûr d’aborder la sensibilisation des jeunes. Dr Laetitia de Crombrugghe, conseillère médicale PSE à l’ONE, nous explique.

Tester l’audition dès la maternelle et chez les ados

A quoi cela sert-il de mener un test auditif à l’école ? Cet examen de dépistage n’aura pas le même objectif selon l’âge de l’enfant. En maternelle, il vise à dépister les pertes auditives « neurosensorielles » qui n’auraient pas été identifiées à la naissance ou qui seraient apparues entretemps, ainsi que les pertes auditives dites « de transmission », qui sont principalement dues aux otites séro-muqueuses, fréquentes chez les petits.

Ceci dans le but d’une prise en charge précoce. Il est en effet important d’améliorer l’audition des jeunes enfants ou de mettre des mesures en place afin que la perte auditive ne vienne pas pénaliser leur acquisition du langage, leur socialisation, leurs apprentissages…

Le dépistage d’un trouble du langage devrait idéalement se faire dès la première maternelle. Vous trouverez dans la fiche de bonnes pratiques des étapes clés pour la première et la troisième maternelle. Dr Laetitia de Crombrugghe, ONE

Chez les adolescents et les jeunes en supérieur, le test vise plutôt à dépister les pertes auditives qui seraient liées à une exposition au bruit excessif. Ces pertes auditives dues au bruit concernent davantage les fréquences aiguës que les fréquences conversationnelles, donc le jeune ne va pas s’en rendre compte. Il s’agit ici aussi de pertes auditives neurosensorielles, qui sont irréversibles. C’est pourquoi la prévention est également un axe de travail important auprès des jeunes.

Comment se passaient les tests auditifs jusqu’à la fin de l’année scolaire 2024-2025 ?

Cela fait déjà bien longtemps que les services PSE réalisent un dépistage auditif dans différentes années scolaires. Pour produire ces recommandations, l’ONE a donc commencé par mener un état des lieux des pratiques de terrain. « Cette enquête a montré que le dépistage auditif était réalisé de façon très hétérogène, que ce soit au niveau des fréquences testées, des critères pour référer chez les ORL, de la façon de l’organiser… explique Laetitia de Crombrugghe. L’ONE a donc souhaité proposer des recommandations harmonisées pour l’ensemble des services, avec une solide assise scientifique. »

Un travail de longue haleine

En 2020, à peine entamé, le travail sur les recommandations a été freiné net pas la crise COVID, qui a perturbé la progression du dossier pendant plusieurs années. Le groupe de travail sur le dépistage auditif n’a repris ses activités qu’en 2023. Deux années de réunions, de consultations d’ORL et de lectures scientifiques plus tard, les recommandations ont pu aboutir, avec la parution d’un document complet. Place ensuite aux formations, qui ont commencé au printemps 2025, avant la mise en œuvre de ces recommandations pour cette rentrée scolaire.

Pour télécharger le document complet de recommandations sur le dépistage auditif pour la médecine scolaire, rendez-vous sur le site Excellencis-ONE.

Sur quoi portent les recommandations en matière de dépistage auditif ?

Le Dr Laetitia de Crombrugghe nous explique : « La méthode de l’audiométrie tonale pure était déjà massivement utilisée et va être maintenue. Cette méthode très fiable est la plus recommandée pour les enfants d’âge scolaire, et la plus utilisée dans les pays de l’Union européenne. Elle nécessite un audiomètre et un casque, et se déroule au calme, soit dans le centre de santé, soit à l’école. » Le document de recommandations fixe ainsi les fréquences à tester et des niveaux de test, ainsi que les modalités de l’audiométrie.

Là où les recommandations préconisent un changement, par contre, ce sont pour les âges des tests. Ceux-ci auront lieu :

  • en première maternelle, pour un dépistage précoce ;
  • en 3e maternelle, première année d’école obligatoire ;
  • en 4e secondaire et en supérieur hors universitaire, pour dépister les pertes auditives liées au bruit.

« Il n’y aura donc plus de dépistage en primaire, résume le Dr de Crombrugghe, puisque les dépistages en maternelle auront normalement permis de dépister les pertes auditives neurosensorielles. Les enfants de primaire souffrent beaucoup moins d’otites séro-muqueuses. Mais il est important de rappeler que l’audition doit toujours être évaluée lorsqu’il y a un retard de la parole ou du langage.

Nous proposons par contre de conserver les dépistages à chaque bilan de santé dans les centres de formation en alternance et en enseignement spécialisé, comme c’était le cas avant.

Enfin, dans certains cas particuliers, on devra bien sûr toujours tester l’audition en primaire et en 2e secondaire, par exemple si l’élève est primo-arrivant, s’il ou elle n’a pas encore eu de dépistage auditif réussi, ou si un parent, un enseignant ou le jeune lui-même émet une préoccupation par rapport à son audition. »

Afin d’encourager une certaine uniformité dans le traitement des résultats, le groupe de travail a également créé des arbres décisionnels, avec des critères de non-réussite. Un second arbre décisionnel accompagne ensuite l’examen d’otoscopie. En fonction de ces deux examens, le médecin scolaire réfèrera un enfant qui n’entend pas bien soit vers le médecin traitant, soit vers l’ORL. L’audiométrie de dépistage peut aussi être réalisée en l’absence de médecin. Si elle n’est pas réussie, l’élève sera alors référé vers son médecin traitant.

Préparer l’audiométrie : trois conseils tirés des nouvelles recommandations

  1. Choisir un endroit le plus calme possible. Pas toujours facile ! Laetitia De Crombrugghe : « C’est pour cela qu’on recommande au personnel de tester d’abord sa propre audition au calme au centre de santé et de le refaire en situation réelle, dans l’environnement où se déroulera le test. Si l’environnement est suffisamment calme, les résultats devraient être similaires. A l’école, on conseille aussi d’arrêter les tests au moment des récréations. »
  2. C’est important de bien préparer les enfants afin qu’ils soient calmes et concentrés, et de donner les instructions de manière très claire.
  3. Prendre le temps avec les plus jeunes. Il est tout à fait possible de leur proposer différentes façons de montrer qu’ils ont entendu le son. « Réaliser le test en maternelle est parfois compliqué, nous le savons bien. Pour certains enfants, ça va être facile de lever la main. Et pour d’autres, c’est plus difficile. N’oublions pas que le casque permet d’envoyer un son spécifiquement dans une oreille et que l’enfant n’a pas besoin de montrer de quel côté il entend. L’enfant peut aussi montrer qu’il entend de différentes manières : en levant une main, en mettant un anneau sur un bâton, en plaçant un jouet dans un panier… »

La sensibilisation à une audition saine : un enjeu actuel

L’Organisation Mondiale de la Santé estime que plus d’un milliard de jeunes sont à risque de perte auditive à l’échelle mondiale. Rappelons que les pertes d’audition liées à l’exposition au bruit excessif sont irréversibles. On comprend donc toute l’importance de la sensibilisation à une audition saine et la prévention des pertes auditives liées au bruit.

Ne pas écouter la musique trop fort, ni trop longtemps, éviter de monter le volume de son casque si on est dans un endroit bruyant, ou de s’endormir avec de la musique dans un casque. Dans les lieux festifs, se protéger avec des bouchons d’oreilles et s’éloigner des enceintes d’au moins 3 mètres, faire des pauses régulières au calme… Voici quelques-uns des messages à faire passer.

« Un autre message à diffuser, complète le Dr de Crombrugghe, est que si on a un traumatisme suite à une exposition à des sons très forts, comme des acouphènes qui durent jusqu’au lendemain, c’est important de demander une consultation ORL en urgence. Si on agit dans les 72 h, il est en effet possible de récupérer une partie de l’audition perdue. »

Cette sensibilisation peut se faire lors des bilans de santé, mais aussi au moyen d’actions de sensibilisation ou d’éducation pour la santé plus collectives, dès l’école primaire. Pourquoi ne pas profiter de la prochaine Journée mondiale de l’audition, le 3 mars, pour organiser une action au sein de l’école ? Différents organismes ont développé des outils de sensibilisation. Vous pourrez en retrouver quelques-uns à la fin du document de recommandations.

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