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25.11.2025

Etudiants qui travaillent : accorder une attention particulière à leur santé mentale

Les services PSE qui suivent les étudiants de haute école le savent : ils sont nombreux à cumuler études et travail, qu’il s’agisse d’un choix de carrière, d’une nécessité financière ou liée à leur situation familiale. Les réalités comme les vécus peuvent être extrêmement diversifiés. Mais quand cumuler job et études est synonyme de stress pour ces étudiants et étudiantes, comment les aider au mieux ? Le service PSE de la Ville de Bruxelles nous partage son expérience.

Qui sont ces étudiants qui travaillent ?

En 2024, la Belgique comptait 640 608 étudiants jobistes, selon les chiffres de l’ONSS, pour une moyenne de 220,3 heures de travail par étudiant. Et il ne s’agit là que des statistiques officielles, qui concernent le travail déclaré.

Selon la loi belge, un jeune peut désormais travailler dès l’âge de 15 ans. A cet âge, il s’agit souvent pour le jeune de se faire un peu d’argent de poche pendant les vacances. Mais lorsque l’âge augmente, les raisons de travailler peuvent être aussi diverses que les réalités des étudiants : acquérir une expérience en lien avec son futur métier, financer ses sorties, loisirs et vacances… ou encore répondre à une réelle nécessité financière.

Nous avons abordé cette question avec Valérie Hanozet, médecin au service PSE de la Ville de Bruxelles, et ses collègues Valérie Laureys et Pascale Renard, toutes deux infirmières sociales. Dans leur travail quotidien avec les étudiants de haute école, elles sont confrontées à une très grande diversité de situations. « Avant de venir ici, je ne me rendais pas compte de la diversité de public que l’on peut rencontrer en haute école, explique Valérie Hanozet. Nous rencontrons régulièrement des étudiants qui travaillent d’une manière ou d’une autre. »

En effet, il n’en va pas uniquement des étudiants qui occupent un emploi rémunéré, mais aussi de tous ceux qui cumulent plusieurs casquettes. Cela va de la maman qui s’occupe de ses enfants en bas âge pendant la journée, suit son cursus le soir et étudie la nuit. Il y a aussi le comptable qui suit une année d’agrégation au département pédagogique de la haute école pour pouvoir donner cours, et qui gère ce cursus en plus d’un travail à plein temps. Ou de personnes qui ont déjà construit une famille avec plusieurs enfants et reprennent des études.

Il y a aussi des étudiants plus jeunes qui endossent en parallèle un rôle d’aidants proches. Ils et elles travaillent pour aider à payer les factures de la famille, tout en prêtant main forte, par exemple, pour accompagner un parent à l’hôpital, faire les courses, etc. Ces étudiants combinent travail scolaire et emploi rémunéré, avec parfois un travail « invisible » supplémentaire, comme celui de parent, d’aidant…

Les personnes qui cumulent des responsabilités (ici familiales, académiques, professionnelles), sans avoir mis en place des aides ou d’autres stratégies, sont particulièrement à risque sur le plan de la santé mentale.

Au PSE, comment soutenir ces étudiants travailleurs ?

Valérie Hanozet : « Lors de nos bilans de santé obligatoires avec les étudiants du supérieur, il est prévu dans notre anamnèse de demander s’ils ou elles ont un job. C’est une porte d’entrée pour la discussion : ‘Tu travailles x heures par semaine, comment ça se passe ? Comment t’organises-tu ?’

Ensuite, par l’écoute active, nous essayons de jauger où en est la personne par rapport à ses propres limites, si elle est bien entourée, et s’il y a lieu de suggérer un changement dans son organisation ou pas. Il nous est par exemple déjà arrivé de faire réfléchir l’étudiant à la possibilité de reporter son mémoire à l’année suivante, ou d’échelonner certaines échéances. Mais c’est toujours l’étudiant qui prend ses propres décisions. »

« Le bilan obligatoire est le début d’une relation qu’on espère durable, précise Valérie Laureys. Nous insistons sur le fait que nous sommes disponibles pour eux et qu’ils peuvent revenir nous voir durant toutes leurs études en haute école. C’est pourquoi nous accordons beaucoup de soin à l’accueil. L’accueil de chacun, de la même manière, avec bienveillance. »

Quand le salaire devient nécessité

Quand le travail rémunéré devient nécessité pour payer les études, subvenir à ses besoins ou aider financièrement sa famille, il peut engendrer une fatigue physique et psychique. Avec le risque que ce job prenne progressivement le pas sur les études elles-mêmes, autre « travail » mais non rémunéré et donc moins valorisé. Ainsi, selon plusieurs études, la précarité étudiante et le fait de devoir travailler pour financer ses études a clairement un impact sur la réussite scolaire. (Lire à ce propos : Jobs étudiants : quand le travail pénalise, analyse FUCID, et Les études vont-elles devenir un luxe que certains jeunes ne sauront plus se payer ?, article RTBF.)

Selon une enquête de 2023 menée par l’Observatoire de la vie étudiante de l’ULB, la précarité impacte la réussite et les conditions de la réussite :

  • Parmi les étudiantes et étudiants salariés les plus précaires, près d’1 personne sur 2 manque les cours plusieurs fois par semaine à cause de son emploi. Cette proportion est d’1 sur 7 chez les plus aisés.
  • Les plus précaires sont 7,9 % à ne pas avoir accès à un ordinateur ou une tablette dans leur domicile, alors qu’aucun étudiant et étudiante aisé ne se déclare dans cette situation.
  • On constate un écart de 2,3 points entre les moyennes annuelles des étudiants et étudiantes les plus précaires et celles des étudiants les plus aisés.

Face au stress : écouter, conseiller, orienter

« Dans nos contacts avec les étudiants et étudiantes, nous révèle Pascale Renard, ‘angoisse’ est un mot qui revient très souvent. Et il nous arrive fréquemment d’envoyer les étudiants vers des services d’aide, comme le service orienté sur l’accompagnement du métier d’étudiant, le service de santé mentale de la ville de Bruxelles ou encore les psychologues de première ligne. »

Valérie Hanozet : « Nous avons également réalisé différents petits folders permettant d’aborder la question de l’hygiène de vie, de la gestion du stress ou encore des problèmes de sommeil. »

Les hautes écoles disposent généralement de plans pour la santé mentale des étudiants, qui peuvent inclure l’accès à des services de soutien psychologique internes, des formations pour le personnel et des initiatives de prévention, avec une attention portée sur le lien social et son rôle sur la santé mentale.

D’autres ressources externes peuvent également se révéler utiles pour les étudiants, par exemple :

La situation des étudiants-travailleurs nécessiterait plus de soutien

Bien sûr, l’amélioration de la situation des étudiants qui jonglent entre les cours et le travail ne peut se cantonner à des questions d’organisation personnelle ou de soutien psychologique individuel, mais doit résulter d’une prise de conscience au niveau sociétal.

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