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25.06.2025

« Parler des règles, c’est les démystifier »

C’est un fait : aujourd’hui, certaines filles sont réglées très tôt. Parfois même à l’école primaire. Comme le disait le gynécologue obstétricien Michel Scourneau, interviewé par Marie Versele pour le magazine Eduquer* : « Toutes les jeunes filles ne grandissent pas dans des environnements familiaux propices à ces discussions. Dans certaines familles, le tabou et les stéréotypes autour des règles persistent. L’école joue donc un rôle crucial (…). Il s’agit simplement d’aborder la physiologie et la biologie pour accompagner les jeunes (…). Cela a toute sa place à l’école. » Au PSE de Jolimont, à La Louvière, on en est aussi intimement convaincu. Vinciane Claustriaux, infirmière coordinatrice, et Julie Tirmarche, infirmière, nous partagent leur expérience de terrain.

*Voir le numéro 192, le dossier « Les règles, un tabou mensuel »

Mini-Portrait du service

PSE libre faisant partie du Groupe Jolimont

Equipe : 6 infirmières dont 1 infirmière coordinatrice, 1 administratif et 4 médecins à temps partiel, dont les autres activités touchent à la prévention.

Plus de 16 000 élèves sous tutelle : maternel, primaire, secondaire (dont technique et professionnel), supérieur (avec une section paramédicale et une section économique), enseignement spécialisé (2 écoles fondamentales et 1 secondaire), et un CEFA. Les implantations sont réparties sur un territoire très vaste.

Comment s’inscrit la santé menstruelle dans le travail du SPSE de Jolimont ? C’est principalement en bilan de santé que la notion est approfondie de manière individuelle avec les élèves. Le sujet est aussi abordé en animations collectives dans des modalités qui diffèrent d’une école à l’autre. Celles-ci sont menées dans le cadre du programme EVRAS, même si le SPSE les réalisait déjà depuis de nombreuses années, bien avant l’accord de coopération EVRAS.

Les animations en classe, comment ça se passe ?

En sixième primaire, la sensibilisation se fait de manière systématique. Chaque infirmière du service PSE de Jolimont se rend en effet dans l’ensemble de ses écoles sous tutelle afin de mener une animation sur la physiologie pubertaire dans le cadre de la thématique « Le corps et développement humain tant des garçons que des filles » du programme EVRAS. L’objectif est d’aborder avec les élèves les changements du corps au moment de la puberté. Le sujet des règles y est évidemment traité : d’où viennent-elles, à quoi ça sert, qu’est-ce qu’un gynécologue ou même comment juger l’information qui circule sur les réseaux sociaux … ?

« On conseille aussi aux filles d’avoir, dans leur cartable, une petite pochette avec du matériel, pour être prêtes en cas de survenue des règles, complète Julie Tirmarche. C’est important que les garçons en entendent parler également, pour connaître cette réalité et éviter les moqueries. En parler, c’est démystifier. »

« Cette animation sur la physiologie pubertaire est planifiée en collaboration avec le professeur, précise Vinciane Claustriaux. La date est décidée en fonction de la maturité des élèves et de la vie de la classe. Par exemple, si un voyage scolaire est prévu, s’il y a des questions ou des situations particulières qui émergent… C’est l’enseignant qui connaît le mieux sa classe et qui peut nous remonter ces informations pour que l’on prévoie l’animation au bon moment. »

Dans le secondaire, par contre, les animations du service PSE ne sont pas prévues systématiquement, mais s’organisent de différentes façons selon le partenariat. « Selon l’école, nous collaborons avec le CPMS, le planning familial, une AMO aussi. Parfois, la collaboration se fait uniquement avec l’école, ou les éducateurs, éducatrices. Dans certaines écoles, c’est un autre partenaire (souvent le planning familial) qui se charge seul de l’animation. Dans le secondaire spécialisé, nous travaillons aussi beaucoup avec les puéricultrices. C’est important qu’elles soient présentes lors de l’animation, car ce sont parfois elles qui aident les enfants à se changer, à se laver », précise Julie Tirmarche.

Comment les jeunes filles réglées se sentent-elles au sein des écoles ?

Si certaines écoles de la région avaient installé des distributeurs de produits menstruels, le SPSE de Jolimont constate que l’initiative a globalement peu perduré. Les dispositifs ayant été abîmés ou n’étant plus remplis. Mais très souvent, un stock de protections menstruelles est tout de même à disposition des élèves, sur demande.

Le fait de devoir les demander ne freine-t-il pas les jeunes à y recourir ? « Dans nos animations en 6ème primaire, nous faisons toujours le lien avec le professeur, explique Julie Tirmarche. Nous insistons beaucoup sur le fait que les menstruations font partie de la vie et qu’il ne faut jamais rester dans l’embarras. En cas de difficulté, nous encourageons les jeunes filles à demander de l’aide à une personne avec qui elles se sentent à l’aise au sein de l’école. Bien sûr, nous ne partageons pas le quotidien des élèves. Mais lorsque nous abordons ceci avec elles, que ce soit en animation ou en bilan de santé, nous n’avons jamais eu de retours de jeunes filles qui n’avaient pas trouvé de soutien auprès de professeurs ou d’amies. »

Certes, les infrastructures sanitaires sont parfois peu accueillantes au sein des écoles pour apprivoiser ses premières règles sereinement. Par exemple, certaines protections réutilisables sont difficilement utilisables dans le contexte de l’école, où le lavabo est souvent en dehors de la toilette et le savon parfois absent.

Face à cette réalité, le service PSE de Jolimont cherche à conseiller les élèves pour vivre le mieux possible leurs menstruations. Ici, le discours est d’encourager les élèves à tester elles-mêmes les différentes protections existantes, en profitant d’abord d’un environnement plus approprié comme celui de la maison. Et d’adapter son choix de matériel en fonction de l’environnement. Qu’on soit à l’école, au camp scout ou au sport, les circonstances ne seront pas toujours confortables et c’est en testant que les jeunes filles trouveront ce qui leur convient dans chaque situation. Une découverte progressive qui se fait sur le long terme…

Quels outils pour soutenir l’animation ?

À la fin de l’animation sur la physiologie pubertaire, le service PSE de Jolimont distribue aux élèves un carnet sur la puberté. Julie Tirmarche : « Même s’ils ne se sentent pas prêts à le lire toute de suite, nous leur conseillons de le prendre pour plus tard. Parce qu’il y a toujours un moment où ils auront envie de le consulter. Nous précisons aussi qu’il est important que tout ait été expliqué auparavant et donc de ne pas le laisser traîner à la maison s’il y a des enfants plus jeunes. »

Les filles reçoivent également le petit livret sur les règles, qui présente notamment toutes les protections existantes, leurs avantages et inconvénients, leur coût… car de nombreuses questions reviennent dans les classes à ce sujet.

Pour une sélection de ressources utiles, rendez-vous dans la rubrique Ressources.

La gestion de la douleur : on en parle ?

Julie Tirmarche : « Bien sûr, on profite de l’animation pour aborder aussi la question de la douleur. On explique que si la douleur impacte leurs activités quotidiennes, ce n’est pas normal. Dans ce cas, nous encourageons les jeunes filles à en parler à un médecin qui analysera leur situation et proposera des solutions. La question de la douleur peut aussi être abordée individuellement lors des bilans de santé. »

Le SPSE de Jolimont a en revanche fait le choix de ne pas parler des différentes pathologies. « Nos animations servent surtout à expliquer la base. Et cette base, nous constatons qu’il faut y revenir plusieurs fois. En sixième primaire, ce n’est pas encore très concret pour la plupart des élèves. Ça le devient davantage en deuxième secondaire, même si certaines filles ne sont pas encore réglées. En quatrième secondaire, par contre, les questions vont être différentes et s’orienter davantage vers la contraception.

De plus, les bases de la santé menstruelle représentent déjà une information bien conséquente. Même lors de l’animation en secondaire, et bien que cela soit aussi vu au cours de sciences, certains élèves ne savent plus où se situe l’utérus. Comme pour toutes les matières, il faut y revenir plusieurs fois avant que ce soit intégré. Nous mettons notamment le focus sur les règles d’hygiène par exemple. Mais y ajouter une explication de l’endométriose, ou d’autres pathologies, n’est pas gérable pour nous dans le timing dont nous disposons. Par ailleurs, trois de nos médecins travaillent également en centres de planning familial. Elles sont formées à ce genre de problématiques et réorienteront facilement les élèves si besoin. Ces thématiques sont donc plutôt prises en charge individuellement en bilan de santé. »

Enfin, si les infirmières du SPSE ne nient pas l’importance de l’information, elles insistent également sur le fait de partir des préoccupations des élèves pour répondre aux mieux à leurs demandes. « Or, jusqu’à présent, mis à part quelques questions sur le syndrome du choc toxique menstruel, nous n’avons encore jamais identifié un besoin d’aborder les pathologies de l’appareil reproducteur en animation de groupe. »

Anatomie, menstruations, hygiène, IST, contraception… nous faisons de notre mieux pour nous adapter aux questionnements des élèves et leur apporter les informations utiles à leur développement tant physique que psychologique.

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