Données scientifiquesPrécarité
01.03.2020
Numero: 1

Pauvreté et durabilité : quel Rapport ?

En décembre dernier, la Fondation Roi Baudouin (FRB) et le Service de lutte contre la pauvreté (SLP) organisaient un événement lié à des dates phares dans leur existence (voir encadré). A cette occasion, le 10e Rapport bisannuel a été présenté, portant sur le lien entre durabilité et pauvreté.

Emag01 Pauvreté durabilité

« Il n’y aura pas de transformation écologique sans justice sociale et environnementale », tel est un des messages délivrés lors de la présentation du 10e rapport bisannuel du Service de lutte contre la pauvreté, le 11 décembre dernier. Le message de l’Agenda 2030 de l’ONU en matière de développement durable est lui-aussi au diapason : « To leave no one behind »  « Ne laisser personne derrière ». Au travers de 17 objectifs (SDG)1 définis en 2005 et adoptés par l’ensemble des pays membres, l’appel était lancé pour éliminer la pauvreté, protéger la planète et améliorer le quotidien de tous dans le monde (auquel certaines ONG ont souhaité adjoindre un 18e objectif : éradiquer l’extrême richesse). Et pourtant les chiffres ne montrent pas cette prise en compte des plus pauvres. Les objectifs fixés pour réduire la pauvreté ne sont clairement pas atteints avec des chiffres quasi équivalents en ce qui concerne la population européenne (2.250.000 personnes vivant dans la pauvreté en 2018 contre 2.194.000 en 2005) et une évolution du taux de risque de pauvreté au sein de la population belge (16,4% en 2018 contre 14,8% en 2005).

25/20 ans : deux dates à commémorer


En 1994, le premier Rapport général sur la pauvreté suscitait un large écho dans la société et les médias. Ce Rapport, réalisé par la Fondation Roi Baudouin, était basé sur un processus participatif très large d’écoute des citoyens et des professionnels de différents secteurs. Une modalité de travail assez rare, il y a 25 ans. Quatre ans plus tard, un Accord de coopération relatif à la continuité de la politique en matière de pauvreté était signé par l’Etat fédéral, les Communautés et les Régions. Dans la foulée, le Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale était créé en 1999, chargé notamment de rédiger tous les deux ans un rapport sur la précarité, la pauvreté, l’exclusion sociale et les inégalités d’accès aux droits. En décembre dernier, le 10e Rapport bisannuel de ce type a été présenté. Il a été élaboré à la suite de dix-huit mois de concertation et 13 rencontres avec 140 associations pour faire entendre la voix des personnes défavorisées sur la question du lien entre durabilité et pauvreté (voir la vidéo sur les témoignages de personnes ayant participé au processus).

Des pauvres inconscients ?

En matière de développement durable, les clichés ont la vie dure : « on » dit souvent que les personnes pauvres ne s’intéressent pas à l’avenir de la planète. Or les associations qui ont participé aux 13 rencontres ayant alimenté ce Rapport Durabilité-Pauvreté démentent cette vision des choses : « Nous savons où mène le modèle de croissance, car nous en supportons et en subissons les conséquences. » Qui plus, les personnes en précarité ont souvent une empreinte écologique bien plus faible que celle du citoyen lambda, devant sans cesse réduire leur consommation d’énergie, d’eau et de biens de première nécessité faute de moyens. Elles subissent davantage les effets de la pollution dans leur logement, leur quartier, les postes de travail occupés. Enfin, elles peuvent également être les victimes de certaines politiques publiques qui ne tiennent pas suffisamment compte de leur situation, comme celle liée à l’interdiction des voitures polluantes dans les villes. Une mesure dont le bien-fondé semble évident mais qui de facto les discrimine.

Les personnes en précarité ont souvent une empreinte écologique bien plus faible que celle du citoyen lambda

Les grandes inégalités vécues par les plus défavorisés

Un des grands intérêts de ce Rapport bisannuel 2018-2019 réside dans la somme d’informations collationnées au sujet d’une série d’inégalités sociales, économiques et écologiques auxquelles les personnes défavorisées sont confrontées. Le rapport aborde en effet sept thèmes, de façon documentée pour les trois Régions du pays et assortis de recommandations : la nature et les espaces verts, l’énergie, l’eau, l’alimentation et la consommation durable, les soins de santé, le travail et la mobilité.

Pour Henk Van Hootegem, coordinateur du Service de lutte contre la pauvreté, il existe une convergence évidente entre les objectifs sociaux et écologiques et cela doit passer par une politique ambitieuse qui « exige une coopération forte entre les acteurs politiques de tous les niveaux de pouvoir ». Ce n’est pourtant pas ce vers quoi se dirige la Belgique : la Conférence interministérielle de lutte contre la pauvreté ne s’est pas réunie une seule fois sous la dernière législature et selon un rapport du Bureau du Plan de juin 2019, les objectifs fixés par les SDG de l’ONU sont loin d’être atteints dans notre pays.

Nathalie Cobbaut


1 17 Sustainable development goals, liés à 169 objectifs. Pour en savoir plus : https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/development-agenda/

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