OutilsTechnologies
03.06.2022
Numero: 11

De la santé vers l’e-santé : encore du chemin

Déjà en route avant le coronavirus, l’e-santé a été dopée avec la crise sanitaire. Mais les différents protagonistes de la relation de santé, soignants comme patients, sont-ils parés pour une telle transformation ? Qu’en est-il de la sécurité et de la confidentialité de nos données médicales ?

20220609 Img Bs11 Esante Site

L’e-santé est en évolution depuis un certain nombre d’années en Belgique. Plusieurs plans d’actions e-santé (2013-2018, 2015-2019, 2019-2021) se sont succédés, visant une implémentation de plus en plus forte des technologies de l’information et de la communication en matière de soins de santé.

D’un dossier patient papier (DP) tenu par chacun des professionnels de santé consultés par un patient et non interconnectés, une première étape a été d’opter pour un dossier médical global (DMG), géré par le médecin généraliste. Dans ce DMG, l’ensemble des données (traitements, vaccinations, hospitalisations, allergies, examens…) d’un patient sont centralisées, ainsi que son historique, ce qui permet au médecin traitant d’assurer un meilleur suivi. On trouve également dans ce DMG, le Sumehr qui est le résumé de santé produit par le MG. Autre concept aujourd’hui utilisé en matière d’e-santé : celui de dossier santé partagé (DSP) qui rassemble les données des différents thérapeutes qui s’occupent d’un même patient, que ce soit le médecin traitant, les médecins spécialistes, les prestataires de soins hospitaliers (si l’hôpital a opté pour ce partage de données) mais aussi les infirmier.e.s, les kinés, les aides-soignant.e.s. Ce DSP est complémentaire au DMG.

En tout état de cause, la tenue de tels dossiers et le partage électronique des données entre soignants requièrent le consentement éclairé du patient. Si cet accord est recueilli, les informations sont alors publiées sur les différents réseaux de santé, en l’occurrence à Bruxelles, le Réseau Santé Bruxellois. Ce réseau est interconnecté avec les autres réseaux d’e-santé du pays, via la plateforme eHealth, ce qui permet une accessibilité au DSP partout en Belgique, pour peu qu’il y ait une relation thérapeutique avec le patient. Le portail Masante.be est un point central pour l’accès en ligne aux différents portails régionaux.

Pour une meilleure appréhension des outils

Ce dossier, qui se construit au fur et à mesure des consultations et des différentes interventions et examens en soins de santé, nécessite que les différents protagonistes de cette relation de santé soient au courant des possibilités et utilisent de manière optimale les ressources ainsi créées autour de ce partage informatique des données.

A cet égard, le dernier plan e-Santé 2019-2021 a prévu un eHealthMonitoring afin de recueillir un aperçu quant aux données et attitudes subjectives des utilisateurs des services d’e-santé. Des enquêtes en ligne auprès des 9.000 prestataires de soins et citoyens ont été effectuées en 2019 et des focus groupes pour une approche qualitative, en septembre 2020. Un premier rapport a été publié fin 20201. Il en sera désormais ainsi chaque année.

Il en ressort que la transition du système de santé belge vers l’ère numérique ne se fera pas en un jour. Cette première version de l’eHealthMonitor montre que les prestataires de soins et les citoyens manquent de connaissances relatives aux possibilités de l’e-santé. Les MG, les pharmacien.ne.s, les infirmier.e.s et les aides-soignant.e.s utilisent des logiciels comme Recip-e pour les prescription électroniques, ou MyCareNet, une plateforme électronique utilisée par les prestataires et institutions de soins avec les mutualités. Selon leur spécificité, certaines applications sont davantage utilisées par les MG comme eFact (facturation électronique) ou eAttest (attestation électronique) ou pour les pharmacien.ne.s, le Dossier pharmaceutique partagé qui recense les médicaments prescrits à un patient, avec son consentement. Quant à la confiance qu’ils accordent aux applications numériques, elle est relativement élevée chez les soignants, mais deux prestataires sur dix éprouvent tout de même des résistances dans l’utilisation des services e-santé, ce qui n’est pas rien. Les relations entre prestataires de soins ou des demandes de tâches spécifiques (examen en laboratoire, mission à une autre prestataire ou renvoi vers un spécialiste), se déroulent encore très peu de manière numérique : la demande écrite sur papier reste le modus operandi le plus utilisé.

La première version de l’eHealthMonitor montre que les prestataires de soins et les citoyens manquent de connaissances relatives aux possibilités de l’e-santé.

Côté patients, la question du consentement éclairé donné par les citoyens à l’échange numérique de données médicales pose problème car si le nombre de consentements enregistrés officiellement en 2019 était supérieur à 82%, moins de la moitié des citoyens interrogés (46,3%) indiquent avoir donné ce consentement éclairé. Cela tend à démontrer que ce sujet a été traité à la hâte puisque les patients ne s’en souviennent plus. Autre sujet d’inquiétude : le fait que seuls 35,1% ont utilisé un portail officiel de santé national ou régional (entre octobre 2018 et septembre 2019) et une minorité ont consulté leurs données médicales en ligne. Ces chiffres ont sans doute évolué avec la crise sanitaire et notamment la possibilité de récupérer les données relatives aux tests PCR sur un portail de santé, même sans avoir consenti au partage de ses données de santé.

Une semaine de sensibilisation à Bruxelles

Dans le point d’action 3.7 du plan e-Santé 2019-2021, il est prévu que des actions de formation soient dispensées pour aider les prestataires de soins de santé et les citoyens à mieux comprendre l’e-Santé.

C’est précisément le but de la nouvelle campagne du Réseau Santé Bruxellois « Votre Santé en un clic ! » et de la Semaine e-santé, organisée du 13 au 17 juin 2022. L’équipe du RSB sera présente dans certains hôpitaux et communes pour faire découvrir au grand public l’intérêt d’un dossier santé partagé et d’y accéder. Les emplacements où le RSB sera présent sont indiqués sur le site du Réseau Santé Bruxellois. Sur ce même site, des informations sont mises à disposition des patients, sous formes de brochures et de vidéos explicatives. Autre source d’informations relatives aux données de santé : la brochure de la Fondation Roi Baudouin « Prenez soin de vos données – Connaître, gérer et partager ses données de santé »2. Idem pour les prestataires de soins : le site du RSB leur permet de découvrir les avantages d’un dossier santé informatisé et partagé pour leurs patients, comment s’inscrire et se connecter. Autres points d’attention : les formations à destination des professionnels de la santé, comme  celles relatives au « Dossier Santé partagé – Sécurité et confidentialité », au  « Sumehr de qualité » ou encore au « Schéma de médication ».

Un débat sera également organisé le 14 juin, de 20 à 22h sur la question de la sécurité pour le partage électronique des données de santé3. Un thème sensible que la crise sanitaire a ravivé et qui continue, à juste titre, de générer des inquiétudes dans le chef des citoyens, mais également des prestataires de soins.

Nathalie Cobbaut

Sur la même thématique