Des manières de fonctionner disparates
Autre dimension mise en lumière dans l’enquête : la disparité de fonctionnements entre les services et l’influence d’un management adéquat des équipes dans un contexte de crise. Selon Damien Favresse, « La disparité dans les modalités de fonctionnement s’est par exemple très fort marquée d’un CPAS à l’autre. Il n’y a pas eu de politique commune pour tous les CPAS. Certains ont fermé, d’autres n’étaient plus accessibles que par mail ou par téléphone. » En termes de management, de larges disparités ont été constatées : « Il y a des services où les mesures ont été imposées sans concertation, en ne tenant pas compte des missions de base assignées d’ordinaire aux travailleurs et sans que le sens et l’utilité du travail n’aient été questionnés, et d’autres où la souplesse, la flexibilité et l’autonomie ont été de mise, avec une démarche participative et plus horizontale ». Le contexte de crise, la panique ou encore la pression de la hiérarchie n’ont pas aidé, mais la reconnaissance du travail accompli, par une hiérarchie proche, soutenante, bienveillante, à l’écoute, là où cela a pu être mis en œuvre, a eu un impact très positif sur la cohésion d’équipe, la solidarité entre collègues et la motivation des travailleurs.
Le télétravail reste une question épineuse et sa mise en œuvre n’a pas toujours été évidente, surtout dans les équipes où certains pouvaient y prétendre et d’autres pas, en raison de la nature du travail accompli.
Quant à l’instrumentalisation des services pour faire passer des mesures contraignantes et de contrôle, cette tendance a été relevée par de nombreux intervenants de terrain et les a assez rebutés. Damien Favresse : « Habituellement, les acteurs de la promotion de la santé travaillent sur le long terme, en agissant sur la capacité des personnes à pouvoir gérer leur vie. Par rapport aux années 70, on a développé d’autres manières de fonctionner que celles en vigueur à l’époque, c’est-à-dire des démarches descendantes, moralisatrices, stigmatisantes. Or, avec la crise sanitaire, où l’on était dans une dynamique de l’urgence, on est revenu d’un coup 50 ans en arrière. » Les actions de prévention, de sensibilisation ou d’information se sont résumées à des rappels à l’ordre autoritaires des mesures sanitaires, ce qui a mis les travailleurs de terrain mal à l’aise, voire a mis à mal la relation d’aide.
Jusqu’à maintenant les travailleurs sociaux de rue qui ont un peu été réquisitionnés pour faire de l’appel à la règle dans la rue, ils disent qu’il y a vraiment une vraie rupture de confiance avec leur public. Parce qu’ils ont été considérés comme des flics. (Chargée de projet)