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01.05.2020
Numero: 2

La question du surendettement : interpellations, réflexions et décisions engrangées

Les élus au Parlement de la Commission communautaire française (COCOF) s’expriment librement au sujet d’actualités relatives à la santé et au social en Région bruxelloise. Interpellations, réflexions et décisions engrangées…

Emag Echos politiques

Ville contemporaine et Covid : le retour de l’hygiénisme urbanistique ?

La pandémie de Covid-19 pourrait amorcer une tendance sanitaire et « hygiéniste » dans la manière de concevoir la ville. La nécessité de renforcer la présence d’espaces verts et de protéger la biodiversité en milieu urbain est davantage préconisée. Différentes initiatives visent également à rééquilibrer l’espace public pour offrir plus de surface aux usagers pratiquant la mobilité douce, afin qu’ils puissent circuler en respectant les mesures de distanciation sociale. En outre, différentes associations européennes d’architecture se concertent actuellement sur la manière de construire post-Covid : la notion de ventilation et d’espace pour une aération saine est remise en avant, tant dans les logements que dans les espaces publics. En réalité, les préoccupations hygiénistes dans la manière de concevoir la ville ne sont pas neuves. En 1832, l’épidémie de choléra a eu une influence importante sur la réinvention de la ville de Paris par le baron Haussmann : on a refait la ville en détruisant les quartiers insalubres et en créant de larges avenues ainsi que de grandes places pensées comme des réservoirs d’air pur.

Dans la ville de demain, il est probable que la notion d’ « espace » reprenne de l’importance, dans le but de protéger la santé des citoyens urbains. Mais à Bruxelles, la distanciation sociale ne se heurtera-t-elle pas rapidement à la réalité de la ville compacte, dans un contexte marqué par une volonté politique de densifier davantage ?

Gaëtan Van Goidsenhoven, sénateur,
député bruxellois et chef de groupe MR au Parlement bruxellois

Les inégalités sociales de santé, exacerbées

Au-delà de ses conséquences sanitaires, l’épidémie du COVID-19 a ravivé et accentué les inégalités sociales, dont les inégalités sociales de santé. Nous avons tous vécu le confinement différemment. Certains ont eu la chance de pouvoir profiter de grands espaces, d’un jardin ou de nombreux parcs et espaces verts à proximité ; d’autres ont été confinés dans des logements exigus, parfois insalubres, loin de tout espace vert et sans possibilité de rendre leur confinement moins accablant.

L’écart socio-économique se creusant davantage, le sentiment d’abandon des familles précarisées se fait de plus en plus prégnant. Cet écart a une influence non négligeable sur leur santé. Ces familles habitent le croissant pauvre de la Région et elles sont davantage touchées par la maladie que celles vivant dans les quartiers plus aisés. Ainsi, et à titre d’exemple, elles ont plus de chance de développer le diabète. En outre, dans les communes les plus pauvres, une personne aura trois ans d’espérance de vie en moins. Le déterminisme social s’installe, petit à petit, sans que personne ne réagisse.

Il faut, plus que jamais, renforcer les politiques de prévention et de promotion de la santé pour tout un chacun, passer d’un système de santé curatif à un modèle préventif. Notre santé est précieuse et elle s’inscrit dans un environnement physique et social riche et complexe qui constitue les déterminants de la santé. C’est sur ces derniers qu’il faut d’abord et avant tout agir tout en continuant à lutter contre la précarité. La Commission Communautaire française a dès lors tout son rôle à jouer.

Gladys KAZADI,
députée cdH au Parlement bruxellois

La santé mentale des Bruxellois, mise à mal par le Covid

Nous n’avons pas tous été égaux face au confinement. La crise Covid a impacté le moral des Belges et renforcé les inégalités sociales, avec des répercussions non négligeables sur la santé mentale de nos concitoyens. Pertes de revenus et de confiance dans l’avenir sont les conséquences directes de cette crise. Pas moins de 22% de la population a subi une détérioration de sa situation financière. Or, la situation socio-économique d’une personne a une incidence sur sa santé physique et mentale. Tous les indicateurs sont en hausse : augmentation de la pensée suicidaire, augmentation du taux d’hospitalisation volontaire et non-volontaire, augmentation de la violence intra-familiale, etc. Les Bruxellois ne sont malheureusement pas épargnés par ces constats et l’expérience des acteurs de terrain sera cruciale pour développer un véritable Plan de Santé Mentale pour Bruxelles.

Les politiques publiques social-santé de la Cocof ont un rôle essentiel dans la réduction des inégalités sociales de santé au travers des services et de l’accompagnement de ceux qui ont subi de plein fouet cette pandémie. L’ensemble des services, et plus particulièrement les centres de santé mentale, devront être soutenus pour permettre la mise en place d’un Plan de santé mentale à la hauteur de la situation inédite que nous vivons. A cet titre, nous devons veiller à offrir une réponse à cette problématique en continuant à renforcer la collaboration Cocof-Cocom-Région.

Jamal Ikazban, député
et chef de groupe PS au Parlement bruxellois

Passer de l’aide alimentaire au droit à l’alimentation

Longtemps organisée sous forme d’aide ou d’œuvre de charité, l’accès à l’alimentation doit aujourd’hui être considéré comme relevant d’un droit fondamental dont l’effectivité incombe aux États. Toute personne doit en effet pouvoir vivre de manière digne, ce qui suppose l’accès à une alimentation saine. Pour garantir ce droit, Ecolo défend à tous les niveaux de pouvoir d’ambitieuses politiques sociales, luttant structurellement contre la pauvreté et les inégalités.

De plus, notre groupe à la Chambre a déposé en son temps une proposition de loi-cadre visant à la mise en œuvre effective du droit à l’alimentation par la Belgique. Ce droit sous-tend un accès universel, à l’instar de l’aide médicale urgente octroyée par les CPAS, y compris aux personnes en situation irrégulière. Chacun devrait donc pouvoir prétendre à l’aide alimentaire indépendamment de son statut. Or, dans la pratique, elle est conditionnée à la situation financière et/ou administrative des bénéficiaires.

De plus, pour éviter la distribution de colis parfois inadaptés, le choix des produits alimentaires devrait être déterminé par les bénéficiaires eux-mêmes en fonction de leurs besoins. À cet effet, plusieurs pistes méritent d’être explorées, notamment celles que préconisent des acteurs de terrain (dont la Fédération des Services Sociaux), qui plaident en faveur de dispositifs donnant plus d’autonomie, tels que les chèques-repas (électroniques). A terme, il convient donc de sortir du modèle de gestion de l’aide alimentaire pour tendre vers la réalisation autonome du droit à l’alimentation.

Farida Tahar,
députée Ecolo au Parlement bruxellois

Le numérique, une question de santé publique

Souvenez-vous de votre premier GSM. Cet ancêtre en forme de petite brique grâce auquel vous pouviez, tout au plus, appeler et envoyer des sms. A l’échelle de l’histoire de l’humanité, c’était il y a à peine une heure. Depuis, nous avons été propulsés dans un monde ultra connecté. Le numérique fait désormais entièrement partie de nos vies, et bien plus encore de celles des « digital natives », la génération post « téléphone portable brique ». Cette génération passerait en moyenne, entre 4 et 6h45 par jour derrière un écran, soit jusqu’à 2 400 heures par an.

Plusieurs chercheurs se sont penchés sur la question de l’impact de cette surexposition aux écrans sur notre santé. Celle-ci provoquerait chez les enfants une circulation des fluides altérée ainsi qu’un rétrécissement des voies du cerveau, tout ceci pouvant engendrer des symptômes évoquant l’autisme ou des troubles bipolaires. Cette exposition serait également source d’augmentation du niveau de dopamine entraînant donc l’apparition de symptômes cliniques similaires aux symptômes de l’addiction aux drogues : manque, impulsivité, agressivité.

Face à ces constats, il est essentiel de faire de la question du numérique une véritable question de santé publique afin de pouvoir y apporter des réponses adaptées et nécessaires. DéFI a déjà interrogé à plusieurs reprises les ministres compétents sur la question, que ce soit en termes de prévention de la santé ou de la place du numérique dans les écoles. Nous continuerons à creuser cette thématique afin que notre société ne se transforme pas en « fabrique à crétin digital » !

Jonathan de Patoul,
député DéFI au Parlement bruxellois

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