Droits sociauxPolitiques
01.05.2020
Numero: 2

Les associations face au management et à l’inflation administrative

Le Collectif 21 organisait une rencontre le 20 février 2020 pour aborder les enjeux idéologiques et économiques du nouveau Code des sociétés et des associations (CSA).

Emag02 Associations management

« De la loi sur les asbl de 1921 au nouveau Code des sociétés et des associations, registre UBO, Règlement général sur la protection des données… les associations sont confrontées à une inflation administrative, à des exigences de management, à des contrôles et des sanctions accrues qui mettent à mal leur liberté et leur spécificité non marchande. Cette rencontre affronte les questions que les implications pratiques de ces réformes posent : quelle est la politique qui les sous-tend ? Comment les associations peuvent-elles préserver leur autonomie ? »

Le nouveau CSA, un objectif caché : le nettoyage administratif

Avec plus de 170.000 asbl en Belgique, le monde associatif recouvre de grandes diversités. Les asbl sont de tailles très différentes et vivent des réalités variées : entre la structure hospitalière qui compte plusieurs milliers de travailleurs et un grand nombre de petites asbl dont certaines portées uniquement par des bénévoles, les réalités sont très différentes. Le monde associatif est un vivier d’initiatives multiples qui contribuent au dynamisme de notre société. Avec les nouvelles exigences juridiques, réglementaires et administratives, que vont devenir les petites associations ? Comment conserver cette vitalité ?

Y a-t-il changement de paradigme ou non… ?

Ce nouveau Code s’inscrit dans le passage de l’état social à l’état social actif, ce qui est déjà un changement de paradigme. Mais les intervenants lors de cette rencontre n’avaient pas tous le même regard sur ces évolutions … Pierre Smet (initiateur du Collectif 21) interpellait et éveillait la conscience, Loïc Bodson (juriste à la Boutique de gestion) éclairait les principaux changements et rassurait, Laure Morelli (socio-politologue IDEJI) attirait l’attention par rapport à certains risques qui pourraient survenir dans les années à venir, Talbia Belhouari (Cocof) évoquait un changement radical dans les cinq ans à venir dans la façon de travailler de l’administration avec les secteurs subsidiés. Des regards différents donc qui nous disent qu’il y a bien débat et nécessité de rester éveillés.

Le secteur associatif va-t-il être marchandisé, privatisé ?

Le nouveau Code des sociétés et des associations ouvre la porte à l’hybridation des financements. Mais comment les associations peuvent-elles se positionner aujourd’hui : est-ce que notre association doit se lancer dans une petite part commerciale, tout en respectant sa nature sociale et sociétale pour témoigner de l’intérêt de son objet social ou est-ce que se lancer dans cette activité ferait fondre les subsides reçus ?

Pour Laure Morelli, « nous sommes réellement dans un changement de paradigme : d’un associatif largement subsidié durant les années 80, nous sommes passés à un associatif subsidié au goutte-à-goutte. Aujourd’hui, le nouveau CSA ouvre la porte à l’associatif en hybridation de financements. Ce changement va-t-il progressivement nous amener vers l’associatif en fonds propres (où il n’y a plus que le commerce) ou vers l’associatif en volontariat ? Un tel glissement s’est déjà produit en Suisse, en Angleterre… »

Un vocabulaire inquiétant

Un participant soulignait l’importance des mots : le vocabulaire utilisé dans le nouveau Code nous fait penser et nous fait agir, non plus comme membre d’une communauté associative mais comme gestionnaire : je ne deviens plus un directeur, je deviens un manager… La transformation des mots induit une transformation de la pensée.

A cela se rajoute un glissement vers la philanthropie, le crowfunding… L’ouverture aussi à des activités commerciales peut amener à réaliser des activités payantes lucratives pendant certaines heures (par exemple, des consultations psy payantes en soirée ou le samedi en dehors des périodes définies par les activités subsidiées). Ou pourquoi pas, pour financer le secteur « assuétudes » et si le cannabis est légalisé, ouvrir des coffee shops ? En bref, quel secteur subsidié voulons-nous ? Quelle place de l’Etat dans le domaine du social, de la santé, de la culture… ?

Aujourd’hui, comment rester vigilants ?

Les questions abordées lors de cette rencontre soulignent l’importance de se regrouper, de construire ensemble l’analyse et les recommandations pour faire face aux défis à venir et garantir la visée sociétale des associations.

En ce sens, les fédérations ont un rôle essentiel pour soutenir ces débats et aussi pour fédérer les ressources administratives et éviter que chaque association ne doive inventer, faire le parcours du combattant pour maîtriser les arcanes juridiques et administratives. Pour alléger les charges administratives qui s’alourdissent, des fonctions pourraient être regroupées et partagées avec l’appui des fédérations : conseil juridique, conseil administratif, conseil prévention et bien-être au travail… les possibilités sont nombreuses.

Collectif 21 est une initiative d’associations présentes dans les champs de la culture, de la santé, de l’éducation, du social… Inquiètes de la récente intégration des asbl au sein du Code des Sociétés et des Associations (CSA), mobilisées par le devenir d’associations militantes et engagées dans les questions sociales, culturelles, de santé…, titillées par les questions démocratiques et participatives que ces transformations pourraient susciter, quelques institutions ont initié le Collectif 21 en vue d’interroger l’histoire et les perspectives des associations en Belgique sous différents angles (psychanalytique et philosophique, administratif et financier, historique, de gouvernance, économique, politique…). Le projet vise également à faire le point sur leur fonction d’innovation sociale, de créativité et de contre-pouvoir ou de résistance. Pour plus d’information ou pour rejoindre le collectif : www.collectif21.be

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