ProjetsSanté mentale
01.05.2021
Numero: 6

Neuf projets en santé mentale pour répondre à la crise psychologique Covid

Au sortir du premier confinement, le collège de la COCOF et le ministère de l’Action sociale et de la Santé lançaient un appel à projets. Le but : permettre au secteur de la santé mentale de proposer des approches complémentaires pour aider les jeunes et les professionnels de la santé et du social. Panorama des projets ainsi créés et encadrés par la Ligue Bruxelloise de Santté mentale (LBSM) et réflexion sur leur pérennité.

Emag06 Projets santé mentale

Déjà, en juin 2020, les études portant sur la santé mentale des jeunes et des professionnels de la santé et du social n’auguraient pas d’une situation très faste au sortir du premier confinement. Mais c’était sans compter la prolongation de la crise sanitaire et les nouvelles mesures prises dès l’automne, suite à la deuxième et la troisième vague. Dès la fin du printemps 2020, les mesures d’urgence Covid 19 de la COCOF ont permis de soutenir la mise en place de neuf initiatives, visant spécifiquement la santé mentale des publics jeunes au sens large (de 7 à 30 ans) et celle des professionnels de première ligne en Région Bruxelloise. Un dixième projet a été retenu, destiné à accompagner l’ensemble des démarches ainsi entreprises et assuré par la Ligue bruxelloise.

Des projets, en sus de l’existant

C’est lors d’une conférence de presse organisée en présentiel, mais également vidéofilmée1 que l’ensemble de ces projets ont été présentés par le directeur de la LBSL Yahyâ Hachem Samii. Celui-ci n’a pas manqué de constater que « les difficultés en santé mentale sont croissantes aujourd’hui, mais il faut souligner la mise sur pied de projets pour accueillir ces personnes en difficulté, permettant ainsi de déstigmatiser le concept même de santé mentale qui fait partie intégrante de la notion de santé et que la crise sanitaire a permis de rendre plus accessible à tous. »

Plusieurs services de santé mentale, ainsi qu’un centre de planning familial ont ainsi répondu à cet appel à projets, proposant des approches complémentaires à celles déjà développées au long cours par ces services. Difficile de toutes les présenter, mais en voici une sélection.

Du côté de l’aide apportée au personnel de première ligne, on peut citer le projet co-construit par le Centre Chapelle aux Champs et le Centre de Guidance d’Ixelles. Grâce à l’engagement de deux jeunes psychologues, très actives sur le terrain et encadrées par l’équipe, ce sont des dispositifs de soutien de groupe qui ont été créés, touchant quelque 220 personnes dans six hôpitaux, six maisons de repos, deux maisons médicales, trois services psychologiques et trois hautes écoles formant des soignants. Selon Christophe Janssen, co-directeur du Centre Chapelle-aux-Champs, « il a fallu être proactif car on sait que le personnel soignant, pourtant en souffrance, a du mal à demander de l’aide. Les difficultés repérées sur le terrain sont : de l’anxiété, des troubles du sommeil, de l’alimentation, de l’irritabilité, de la culpabilité, de l’épuisement… Je pense à cette phrase d’une soignante travaillant en hôpital qui avait l’impression, en entrant dans son service, d’entrer dans un cercueil. » Trente suivis individuels ont également été organisés.

Je pense à cette phrase d’une soignante travaillant en hôpital qui avait l’impression, en entrant dans son service, d’entrer dans un cercueil. Christophe Janssen, Chapelle-aux-Champs

Focus sur les jeunes

Quant aux jeunes, ados-adultes, les six projets ont été développés dans des sens très divers : soutien aux familles, accroissement des permanences téléphoniques et des accueils pour gérer l’afflux de demandes, mais aussi mise sur pied d’ateliers spécifiques pour sortir les jeunes de l’isolement, ce qui n’a pas toujours été facile à mettre en place vu la 2ème et 3ème vagues de Covid et les reconfinements consécutifs.

On peut citer les points d’écoute jeunes proposés par les SSM Le Méridien, La Gerbe, Anaïs et l’Entraide des Marolles, permettant aux jeunes de voyager au sein du territoire bruxellois, les permanences au sein du SSM Ulysse pour les jeunes exilés ou encore des activités communautaires, sportives, culturelles et créatives, comme l’atelier de cartographie subjective qui réunit des adolescents ou la création de capsules vidéo (Ulysse) ou cinéma (au sein du projet CuBe).

Le Service Social Juif a pour sa part mis en place un projet d’accompagnement d’enfants, jeunes et adultes endeuillés.

Autre démarche : celle du SSM-ULB, sur ses différents sites, avec une augmentation du nombre de jeunes pris en charge sans rendez-vous, mais aussi des groupes de pleine conscience, de parole, des matinées de gestion mentale, l’organisation de balades pour recréer du lien. Selon la directrice médicale de ce service, Nelle Lambert, « Le nombre de jeunes qui s’adressent à nous explose, nous sommes confrontés à des crises graves, des risques de passages à l’acte, et comme les services pédo-psychiatriques sont saturés, nous tentons de les contenir comme nous pouvons. »

Quelles perspectives ?

Lors de cette conférence de presse, il a également été souligné que cette vague de crise psychologique n’en est qu’à ses débuts. Or tous les projets ainsi mis en place l’ont été grâce à un appel à projets qui prévoyait un financement jusqu’au 30 juin 2021. Si certains projets collectifs ont mis un peu plus de temps à être mis sur pied, en raison des reconfinements successifs, et disposent d’encore un peu de budget, la plupart auront utilisé les moyens alloués au 30 juin et ne pourront donc pas poursuivre leurs activités au-delà, sans une poursuite de ce financement, au moins jusqu’à fin décembre.

Cette vague de crise psychologique n’en est qu’à ses débuts. Or tous les projets ainsi mis en place l’ont été grâce à un appel à projets qui prévoyait un financement jusqu’au 30 juin 2021.

Pour le directeur de la LBSM, que nous avons recontacté depuis la conférence de presse, « le message aujourd’hui est de ne pas abandonner les personnes en milieu de gué. Il faut poursuivre l’effort, l’action parce que cela répond à des besoins de plus en plus importants, constatés par les acteurs de terrain. Nous avons reçu certaines assurances au niveau du cabinet Maron, mais il est indispensable que le secteur de la santé mentale soit soutenu car la crise somatique à laquelle nous faisons face est loin d’avoir déployer tous ses effets. »

Nathalie Cobbaut

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