DossierPolitiques de santé
12.10.2022
Numero: 12

PSSI : Bruxelles veut prendre soin de ses habitants

On l’annonce depuis le début de la législature, il a changé de dénomination plusieurs fois, passant de Plan social santé intégré à « Brussels Take care » pour devenir le fameux PSSI. Il a pris du retard en raison du Covid, mais s’est aussi nourri de cette période révélatrice des forces et des faiblesses de l’actuel système social-santé bruxellois. Pour autant l’annonce d’une intégration des politiques sociales et de santé questionne quant à sa mise en œuvre. La Fédération bruxelloise de promotion sociale s’y intéresse évidemment.

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En 2021, dans un cahier du Kenniscentrum wwz, Ars Collaborandi1 publiait un panorama du social et de la santé à Bruxelles. Y était relevée la complexité bien connue de la structure de l’État belge, celle de Bruxelles et partant, l’organisation, complexe elle-aussi, des compétences dans la capitale : « A Bruxelles, les compétences relevant de l’Action sociale et de la Santé sont réparties sur sept niveaux de pouvoir. Les domaines politiques liés à l’action sociale et la santé couvrent un large éventail de compétences (…). Aucun de ces domaines politiques ne relève d’un seul gouvernement uniquement. A Bruxelles, les compétences sont toujours réparties entre plusieurs nouveaux de pouvoir, chacun ayant sa propre vision et ses propres réglementations. »

Ce constat n’est pas neuf et le Covid a bien montré toute la complexité de fonctionner avec un tel enchevêtrement de compétences. C’est pourquoi, dès l’entame de la législature, l’accord de majorité bruxellois 2019-2024 a mis l’accent sur la nécessité « d’assurer une plus grande cohérence des politiques menées afin de mieux rencontrer l’ensemble des besoins de la population ». Le fait que l’ensemble des compétences en social-santé à la COCOF et à la COCOM ont été réunies entre les mains de deux ministres (et non plus six) et dans un seul cabinet au sein de la cellule Social-Santé, a été pensé et voulu dans le cadre de cette stratégie.

Une politique globale et systémique

Des Etats généraux bruxellois de la santé et du social et les huit groupes de travail rassemblant des professionnels des différents secteurs se sont réunis, certes dans des circonstances compliquées étant donné la crise Covid. Les citoyens ont été consultés, via des focus-groupes, une panel citoyen régional, ainsi qu’une enquête. « Take care Brussels » s‘est ainsi profilé, en concertation avec les organes de consultation qui ont fait évoluer le texte jusqu’à sa version finale.

L’objectif du plan : améliorer le bien-être et la santé des Bruxellois.e.s. En effet, « Bruxelles, comme l’a rappelé Alain Maron lors de la présentation du plan le 4 octobre dernier, est marquée par les inégalités socio-économiques, démographiques et sanitaires, ancrées dans les territoires. Elle concentre les communes parmi les plus riches mais aussi les plus pauvres du pays. Il s’agit dès lors de rendre les réalités humaines les plus vivables possibles, avec un accès aux soins, à l’aide et aux supports dont les Bruxellois ont besoin et ce, quel que soit le quartier dans lequel ils résident. »

Si l’offre de services dans le secteur social et de la santé est considérable, elle est complexe, mal connue, peu lisible, tant pour les citoyens que les professionnels, ce qui mène au non-recours. Le fait que les compétences soient morcelées entre plusieurs niveaux de pouvoir et que plusieurs Communautés sur le territoire exercent plus ou moins les mêmes compétences ne favorise pas les liens nécessaires à une politique social-santé globale et systémique. C’est toute l’ambition de ce plan, en collaboration avec l’ensemble des acteurs de terrain. D’où l’intégration du Plan de promotion de la santé, du Plan Santé et du Plan bruxellois de lutte contre la pauvreté au sein du PSSI.

Concrètement…

Le PSSI se subdivise en deux parties : un référentiel stratégique qui reprend tout d’abord  huit principes structurants, tels que la promotion de la santé pour tendre vers un état complet de bien-être physique, mental et social. Autre principe cité : celui d’une intégration et d’un décloisonnement des compétences, en guise de réponses à la complexification des situations pour atteindre une meilleure coordination des professionnels, la consolidation des parcours de soins et d’aide, en évitant les ruptures d’accompagnement. L’approche territorialisée est assez centrale dans ce référentiel et dans l’ensemble du plan, permettant de définir et d’adapter une offre de services cohérente par zone géographique en prenant en compte le type de services à offrir, la taille et les besoins des publics-cibles. A cet égard, le PSSI propose d’aborder les niveaux du quartier, de la commune, du bassin, notion nouvelle qui sera travaillée lors de l’atelier du changement2, ou de la Région pour organiser cette offre. Des projets-pilotes à cet égard sont en cours. La responsabilité populationnelle est un autre concept qui énonce la responsabilité des autorités publiques à l’égard des habitants et des services sur un territoire donné. L’universalisme proportionné qui doit tenir compte de tout un chacun, tout en ciblant les inégalités sociales de santé qui éloignent certains des services, le fait d’assurer l’accès aux droits, à l’aide et aux soins, une approche qui tienne compte du genre et l’appui et l’évaluation des politiques par des savoirs académiques, professionnels et expérientiels complètent ces notions structurantes du PSSI.

Ce référentiel situe également quatre axes qui se déclinent de la manière suivante : Améliorer la qualité de vie et la santé et réduire les inégalités sociales de santé, Garantir l’accès aux droits et aux services, Améliorer la structure et la coordination de l’offre de services d’aide et de soins, Co-construire une politique social-santé intégrée. Le plan opérationnel détaille 271 mesures à faire et en cours (les plus nombreuses) ou déjà réalisées.

Lors de la présentation du 4 octobre, les responsables des administrations de la COCOF, d’IrisCare et de la COCOM sont venues saluer l’opportunité d’écrire un nouveau chapitre social-santé pour Bruxelles en renforçant le lien entre les administrations bruxelloises. Il reste que les associations de terrain, confrontées aux suites de la crise Covid, à l’inflation qui a des répercussions sur l’indexation des salaires et à la crise énergétique, se demandent comment elles pourront s’inscrire dans ce programme et de quels moyens elles disposeront pour contribuer à sa mise en œuvre. A l’issue du conclave budgétaire bruxellois, 10 millions d’euros ont été dégagés pour le PSSI, dont 7,5 pour le renforcement de la première ligne d’aide et de soins.

La FBPS se positionne

La Fédération bruxelloise de promotion de la santé (FBPS) est une toute jeune fédération constituée en 2016, suite à la sixième réforme de l’Etat, qui rassemble à ce jour 43 institutions membres et a pour but de valoriser la promotion de la santé au sein des politiques bruxelloises actuelles et futures. Il s’agit de faire connaître, reconnaître et défendre l’existence financière et structurelle de ses membres, assurer la représentation de la PS dans les organes de concertation et de décision, et de soutenir un plaidoyer.

A l’occasion du nouveau Plan de promotion de la santé et de l’adoption du PSSI, la FBPS a voulu émettre une série de recommandations pour asseoir la légitimité et la pérennité de la PS dans le paysage social-santé bruxellois. Elle se présente également dans une brochure et un dépliant pour mieux expliquer les ressorts de la PS et entame des actions de visibilisation pour mieux situer la PS dans ce grand bouleversement social-santé. Comme l’explique Bruno Vankelegom, président de la FBPS : « Un des enjeux est de se demander comment s’emparer de ce PSSI, comment faire vivre la promotion de la santé à travers ce plan, sans pour autant la faire disparaître ou se diluer. En même temps le fait d’énoncer que la PS doit faire partie de toutes les politiques est une vraie reconnaissance. » Autre questionnement : comment s’approprier des notions comme celle du bassin, à côté du quartier, de la commune et de la région, qui figure dans le PSSI mais qui n’est pas encore très claire. Une crainte qui se pose avec pas mal d’acuité au sein du secteur consiste à savoir selon quelles modalités les associations de promotion de la santé, qui dépendent de la COCOF, pourront s’adresser à la COCOM. Comme le soulève Zoé Boland, coordinatrice de la FBPS, « devoir remplir les critères propres à la COCOM, notamment le bilinguisme, risque d’être difficile à atteindre, surtout si les budgets alloués pour les projets à mener ne sont pas un minimum substantiels. » Rien n’est clair en termes de critères pour être éligible.

Un plan PS qui satisfait

Parmi les recommandations émises par la jeune Fédé3, le fait de veiller à l’opérationnalisation et l’articulation concrète de l’ensemble des politiques social-santé avec le Plan bruxellois de promotion de la santé est une préoccupation importante. A cet égard, la FBPS se dit satisfaite de cette nouvelle mouture du plan PS qui a été réfléchie de concert avec le secteur, à travers de multiples concertations. Selon Bruno Vankelegom, « Le fait aussi que le nouveau plan se réfère explicitement à la Charte d’Ottawa nous donne une impression d’être à la maison : on ne doit pas tordre nos actions pour qu’elles rentrent dans un plan. Autre élément positif : la possibilité de cumuler des axes différents dans une même action permet une plus grande transversalité, ce qui est une bonne chose. L’accent mis sur les démarches communautaires, notamment via la création d’un service support, est également à saluer. » Quant à la logique de travail par projet, elle est considérée comme positive, permettant de la créativité au sein du secteur, sauf qu’elle remet régulièrement l’ensemble des acteurs dans une logique de concurrence, liée à la question du financement et là la FBPS s’inquiète : « D’une part, si on doit travailler avec un budget pour la PS qui n’évolue guère ou très peu, cela va vraiment être problématique, d’autant qu’il y a de nouveaux services, comme deux nouveaux services support à financer. Il faut que ce budget évolue, d’autant que les associations doivent faire face à des frais de personnel, d’énergie qui les mettent vraiment à mal. Par ailleurs, le financement par projet et le fait de ne pas avoir de couverture budgétaire plus pérenne nous fragilisent : il pourrait être utile d’avoir une formule hybride, avec une couverture budgétaire des services constants pour permettre un financement moins angoissant à chaque renouvellement de plan. » 

 

Nathalie Cobbaut


  1. Collaboration bruxelloise entre plusieurs structures d’appui de la COCOF, COCOM, de la VGC et de la Communauté flamande, à savoir le CDCS, le CBCS, le KennisCentrum WWZ et Huis voor Gezondheid – pour consulter le Cahier 15 : https://www.kenniscentrumwwz.be/sites/default/files/bijlagen/Cahier_15_Brussel_cover_v06FRcombi.pdf
  2. https://verander-atelier-changement.brussels/
  3. https://www.fbpsante.brussels/wp-content/uploads/2022/06/fbps-plaidoyer-synthese-hd-01.pdf

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