L’évolution des métiers
Fabienne a travaillé pendant dix années dans un organisme d’insertion socioprofessionnelle. En dix ans son métier a beaucoup évolué. Elle explique : « Sous peine de voir notre dotation remise en cause, nous avons été obligés de transmettre de plus en plus de renseignements… allant de plus en plus loin dans l’intimité des personnes. Nous n’avions aucune idée de qui allait avoir accès à ce que nous encodions. Plus de questions à se poser sur le projet professionnel, l’employabilité, l’envie ou la vie de la personne. Nos bénéficiaires étaient devenus des cases dans un fichier Excel projeté sur l’écran. Une totale dépersonnalisation. » L’évaluation peut-elle primer sur la production ? Ne se résume-t-elle pas parfois à une forme de contrôle bureaucratique ?
Thierry et François sont policiers. Pour eux aussi le métier a beaucoup évolué. Depuis des années déjà, des quotas à réaliser sont apparus. De plus en plus, ils sont amenés à « faire du chiffre » plutôt qu’à faire cesser les infractions selon leur propre libre-arbitre. «Il faut verbaliser autant de personnes, effectuer autant de contrôles, etc. Ces quotas sont les pires ennemis de notre relative liberté de choix » constate Thierry. L’efficacité des forces de l’ordre serait-elle uniquement une question de nombre de PV dressés ?
Quand la fonction ne correspond plus aux valeurs
Il y a souvent une grande différence entre le travail que nous effectuons et le travail tel qu’il est présenté dans notre descriptif de fonction. Pour certains, cet écart implique de mener à bien des tâches qui ne sont pas en accord avec leurs propres valeurs ni avec les raisons pour lesquelles ils ont choisi de faire leur métier. C’est le cas de Mohammed, travailleur social dans un CPAS : « J’ai choisi ce métier pour certaines raisons : l’aide aux personnes en difficulté, le contact humain, la solidarité. » explique-t-il. Aujourd’hui les intrusions répétées dans l’intimité des personnes qu’il rencontre, avec l’obligation de faire remonter les faits suspects en matière de terrorisme, lui donnent le sentiment d’être « une sorte de flic de l’état social actif ».
Quand la déviance devient la solution
Que faire quand on n’est pas prêt à épouser les valeurs de nos employeurs ? Démissionner ou collaborer malgré tout ? Certains choisissent d’enfreindre les règles. Ce comportement a un nom : la déviance. Dans le vocabulaire de la sociologie, la déviance désigne l’attitude d’une personne – ou d’une collectivité – qui s’écarte de la norme. Le terme « déviance » est par conséquent connoté très péjorativement alors que, dans le monde du travail, ce comportement est souvent en lien avec la recherche d’un meilleur service à apporter ou d’un plus grand sens à donner à son activité professionnelle.
La déviance n’est pas sans conséquence. Elle engendre des heures supplémentaires, de la fatigue et du stress supplémentaire.