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05.03.2025

Ces produits du tabac qui séduisent les jeunes

Pour ce dossier consacré au tabac, il nous paraissait intéressant de dresser un bref portait des produits tabagiques actuellement consommés par les adolescents et jeunes adultes. Nous avons pour cela contacté Astrid Bovesse, responsable de projets promotion de la santé au service prévention tabac du Fonds des Affections Respiratoires (FARES), qui nous a servi de guide.

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Selon l’enquête HBSC 2022, 4,7 % des élèves du secondaire déclaraient fumer chaque jour en 2022. Avec une proportion d’élèves fumeurs plus élevée dans l’enseignement technique de qualification et professionnel. Ces chiffres seraient en diminution constante depuis 2010.

De façon générale, on constate donc un déclin progressif de la consommation de cigarettes classiques chez les jeunes. Mais, parallèlement au durcissement de la législation, on a également vu arriver sur le marché d’autres modes de consommation de tabac et de nicotine. Quels sont ces produits, et séduisent-ils les plus jeunes ?

La cigarette électronique

La récente enquête de la Fondation contre le Cancer (FCC) sur les jeunes et le vapotage (2023) montre que 35 % des 15 – 20 ans ont déjà consommé la cigarette électronique. Si les plus de 20 ans ont tendance à utiliser l’e-cigarette comme une aide pour arrêter de fumer, pour les plus jeunes, le vapotage est souvent une pratique en soi.

Est-ce un problème en matière de santé ? Oui, car il faut savoir que vapoter n’est pas sans risque. Outre les problèmes d’irritation au niveau de la bouche et de la gorge, le fait de chauffer un liquide contenant divers additifs peut entraîner la production de substances nocives. À long terme, le vapotage peut causer des maladies pulmonaires et/ou les aggraver (source : info-tabac.ca). Et la cigarette électronique étant relativement récente, d’autres effets du vapotage à long terme restent encore inconnus.

Pour plus d’infos sur la cigarette électronique, consultez la brochure du FARES

Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes sont initiés aux produits du tabac via la cigarette électronique, explique Astrid Bovesse, du FARES. Cela crée une génération de jeunes potentiellement dépendants à la nicotine, qui pourraient passer ensuite à la cigarette classique.

Mais qu’en est-il de l’e-cigarette sans nicotine ?

Même sans nicotine, le principe est toujours de chauffer un e-liquide, avec production de substances irritantes et potentiellement dangereuses. De plus, la dépendance n’est pas uniquement liée à la présence de nicotine. Elle est aussi liée au geste de porter la cigarette à la bouche, au lien social qu’offre le moment de vapotage, au goût, à la gestion des émotions… Tout ceci fait partie du rituel d’initiation et il est ensuite facile pour un jeune de passer à l’e-cigarette avec nicotine. Parfois même sans s’en apercevoir car, une fois l’emballage jeté, la présence de nicotine n’est pas toujours clairement indiquée sur le dispositif.

La puff, cigarette électronique «jetable»

La puff est une cigarette électronique à usage unique, prête à l’emploi et simple d’utilisation. On s’accordera sur le non-sens écologique de ce produit : un appareil doté d’une batterie qui, lorsque le réservoir est vide, devient un déchet électronique que 83% des jeunes déclarent collectionner ou jeter dans des poubelles classiques, d’après la dernière enquête du Fares sur les connaissances et l’usage de la puff chez les jeunes.

Mais la puff présente aussi des risques similaires à ceux de l’e-cigarette rechargeable en termes de santé et d’initiation des jeunes au tabagisme et à la consommation de nicotine. D’autant que le type de nicotine qu’elle contient (sels de nicotine ou nicotine de synthèse) entraîne une dépendance rapide.

Sa facilité d’utilisation, son faible coût, son design assorti de gadgets et les arômes proposés (notamment des saveurs sucrées comme le goût barbe à papa) en font un produit marketing idéal pour cibler les jeunes. Quatre jeunes sur dix ont déclaré que la curiosité pour les différents arômes était l’une des raisons de commencer à vapoter (source : enquête FCC). Un paradoxe puisque, comme tous les produits du tabac, la puff est officiellement interdite au moins de 18 ans. Depuis cette année 2025, la Belgique va d’ailleurs un pas plus loin avec l’interdiction totale de vente de ce produit.

 

Puffs Creditfares
Différents modèles de puff, cigarette électronique jetable. Crédit photo : FARES.

L’e-cigarette, un produit socialement accepté ?

Parmi les jeunes interrogés dans l’enquête du FARES, la moitié déclare que leurs parents sont au courant de leur consommation. D’après le FARES, ceci laisse à penser que « les risques liés au vapotage sont sous-estimés par les adultes, qui semblent plus tolérants face à cet usage chez les jeunes. Près de 30% des jeunes eux-mêmes pensent d’ailleurs que la puff est sans danger et n’ont pas conscience des risques liés à leur consommation. »

Un chiffre à nuancer cependant, car 59 % des jeunes répondants espèrent arrêter de vapoter dans le futur, principalement pour des raisons de santé. « Ce souhait de liberté est un point d’accroche intéressant pour lancer des projets de sensibilisation et de prévention par les pairs, avec et pour les jeunes », conclut le FARES.

Des produits interdits, mais faciles à trouver

Quelques chiffres marquants de l’enquête de la Fondation contre le Cancer :

  • 59 % des 15-20 ans déclarent connaître quelqu’un de moins de 16 ans qui vapote.
  • 35 % des professionnels de l’éducation interrogés déclarent connaître quelqu’un de moins de 16 ans qui vapote.
  • 29 % des répondants connaissent des points de vente où les jeunes de moins de 18 ans peuvent facilement acheter une e-cigarette jetable.

Un résultat corroboré par l’enquête du FARES : 60% des répondants identifient facilement des points de vente où ils pourraient se procurer une puff. D’après eux, ce sont surtout les night shop et les librairies, suivis des réseaux sociaux et sites internet.

Interpellant, quand on sait que tous les produits du tabac sont interdits à la VENTE aux jeunes de moins de 18 ans.

La puff, e-cigarette jetable, fait par ailleurs l’objet d’une interdiction totale de vente dans notre pays depuis ce début d’année 2025. « Mais c’est sans compter sur les capacités d’anticipation de l’industrie du tabac, qui est déjà en train de développer des modèles semi-jetables pour contourner la loi », déplore Astrid Bovesse.

De la nicotine en sachets (ou pochettes)

sachets contenant de la nicotine que l’on glisse entre la lèvre et la gencive
Crédit photo : FARES

Un autre produit actuellement répandu : les sachets contenant de la nicotine que l’on glisse entre la lèvre et la gencive. La nicotine va alors se diffuser via les vaisseaux sanguins.

Ces sachets peuvent contenir de la poudre de tabac (« snus ») ou de la nicotine de synthèse (pouche, nicopouche…).

« Aujourd’hui, nous avons encore peu de chiffres de consommation, explique Astrid Bovesse. L’impression qui ressort de nos contacts sur le terrain est que ces produits sont encore assez méconnus des professionnels, mais bénéficient d’une assez forte notoriété chez les jeunes. Notamment car ils sont utilisés par les sportifs – qui en font même parfois la promotion – pour l’effet stimulant de la nicotine, sans être un produit dopant. L’effet de groupe joue certainement aussi un rôle. Il est en effet très facile de faire circuler une boîte entre copains. »

Le problème est que ces produits contiennent une très grande quantité de nicotine : environ 10 mg par sachet en moyenne, contre 1 mg pour une cigarette classique. Et cette nicotine passe très rapidement dans le sang, en 20 minutes environ. Cela peut entrainer des malaises, nausées, palpitations et vomissements, voire d’autres problèmes de santé si le sachet est avalé par erreur. Présentés par les fabricants comme des alternatives « moins risquées » à la cigarette, parce qu’ils ne se fument pas, la consommation de snuss est pourtant associée à une prévalence de cancers ORL et du pancréas, et de problèmes bucco-dentaires.

L’Etat belge a interdit totalement la vente de pochettes en octobre 2023, complète Astrid Bovesse. Mais quand on parle avec les jeunes, on constate qu’ils savent très bien comment s’en procurer.

Le joint, devenu banal ?

Terminons ce tour d’horizon en abordant brièvement le cannabis, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Ce produit, pourtant illégal, est aujourd’hui relativement banalisé chez les adolescents et jeunes adultes, même s’il cause de nombreux dégâts sur la santé physique, sur la santé mentale et sur le plan cognitif. Il fait parfois l’objet d’une confusion avec le CBD (ou cannabidiol), substance chimique issue du chanvre, aux effets relaxants, anxiolytiques et antioxydants, mais qui ne présente pas d’effet psychoactif et dont la vente est légale sous certaines conditions.

Pour consommer le cannabis, les jeunes le mélangent généralement avec du tabac et n’ont pas toujours conscience qu’ils courent les mêmes types de risques que ceux liés à la cigarette (maladies cardiovasculaires et pulmonaires, cancers, addiction à la nicotine, etc.), additionnés d’un risque d’emphysème, et de dépendance au cannabis lui-même.

Une autre approche des drogues ?

Une éducation positive aux drogues, comparable à celle de l’EVRAS, c’est l’approche « utopique » mise en avant dans le numéro de juillet 2024 de la revue Drogues Santé Prévention de Prospective Jeunesse : « Toujours est-il qu’en matière d’ ‘éducation sexuelle’, nos sociétés sont passées en quelques décennies de la vision la plus prude, obsédée par le péché et les dangers moraux et sanitaires (…) à une perspective infiniment plus ouverte et nuancée, donnant enfin une place aux questions de plaisir, de consentement, de genre, etc. »

A lire ici

Permettre aux jeunes de faire des choix éclairés

Face à l’évolution rapide du marché de la nicotine, il est important de mieux informer les jeunes pour qu’ils aient conscience que leur usage est tout sauf anodin. Et leur rappeler qu’ils sont une cible privilégiée pour l’industrie du tabac en recherche constante de nouveaux consommateurs.

C’est dans ce cadre qu’un récent appel à projets de l’AVIQ va permettre financer deux nouveaux projets pour un renforcement de la prévention de l’usage des nouveaux produits du tabac auprès du public jeune (plus d’infos sur les résultats de cet appel à projet). Nous ne manquerons pas de vous informer de leur avancée.

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