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25.06.2025

Endométriose : « Il est essentiel de rassurer les jeunes tout en informant »

A l’occasion de ce dossier sur la santé menstruelle, l’e-journal PSE a interrogé Laura Lequeu, fondatrice de l’ASBL Toi Mon Endo (TME). Cette association belge se consacre à la sensibilisation à l’endométriose, une pathologie souvent sous-diagnostiquée chez les adolescentes.

e-journal PSE : Quels peuvent être les impacts de l’endométriose sur la vie quotidienne des élèves ? Cela met-il parfois à mal la scolarité des jeunes ?

Laura Lequeu : Oui, très clairement. L’endométriose peut impacter profondément la vie scolaire : douleurs menstruelles, fatigue chronique, troubles digestifs ou urinaires, difficultés de concentration, absentéisme… Tout cela peut générer un stress important, une baisse des résultats scolaires, voire un décrochage. Certaines jeunes vivent leurs règles comme un handicap temporaire mais récurrent, sans oser en parler à l’école de peur de ne pas être prises au sérieux.

Or, l’endométriose peut débuter dès l’adolescence, une période charnière où l’on se construit, où la confiance en soi, l’image de soi et les relations sociales jouent un rôle fondamental. Lorsque la douleur devient une contrainte récurrente et invisible, cela peut affecter profondément le développement personnel. Trop souvent, les élèves concernées se sentent incomprises, jugées, voire stigmatisées. Les absences répétées peuvent dégrader la relation avec certains enseignants, et des besoins simples comme aller plus souvent aux toilettes pendant les cours peuvent être mal perçus. Ce décalage entre ce que l’on vit et la perception des autres peut entraîner un isolement silencieux, et une perte de repères dans le cadre scolaire.

Les écoles peuvent-elles mettre des choses en place afin d’aider les élèves concernées dans la gestion de la douleur et des symptômes ?

Absolument. L’école peut (et doit) jouer un rôle essentiel de soutien. Il peut s’agir de gestes simples mais concrets, comme autoriser un accès plus souple à l’infirmerie, adapter temporairement les horaires ou les efforts physiques, accepter l’usage de bouillottes, d’appareils TENS (Neurostimulation électrique transcutanée) ou de médicaments avec autorisation parentale.

Mais surtout, il s’agit de créer un climat de confiance où la parole peut se libérer, sans tabou ni jugement.

L’école joue également un rôle clé dans la sensibilisation, non seulement auprès des jeunes, mais aussi de l’ensemble du corps éducatif. Mieux comprendre ce qu’est l’endométriose permet d’éviter les jugements hâtifs, de mieux accompagner les élèves concernées et de faire évoluer les mentalités.

Par exemple, il est crucial de cesser de « compter » les cycles des élèves et de remettre en question leur parole sous prétexte qu’un cycle menstruel « classique » dure 28 jours. Ce genre de réaction, malheureusement encore fréquente aujourd’hui, invisibilise la souffrance réelle de certaines jeunes filles et peut renforcer leur isolement.

Former les équipes pédagogiques et les services de santé scolaire à ces enjeux, c’est poser les bases d’une école plus inclusive, plus humaine, et plus bienveillante.

Le diagnostic d’endométriose est difficile à poser, tant les symptômes sont multiples. Comment informer et sensibiliser les jeunes filles sans les inquiéter, à un moment de la vie où apprivoiser ses menstruations est parfois déjà un défi ?

Il est essentiel de rassurer tout en informant. L’objectif n’est pas d’alarmer les jeunes, mais de les aider à mieux comprendre leur corps et à distinguer ce qui relève de règles « normales » de ce qui pourrait mériter une attention médicale.

On peut transmettre des messages clés comme : « Les règles ne doivent pas empêcher de vivre normalement », ou « une douleur qui vous oblige à rester à la maison ou qui résiste aux médicaments n’est pas anodine ».

Sensibiliser, c’est aussi donner les bons repères pour consulter au bon moment, sans banaliser ni dramatiser. Ce qui est vraiment essentiel pour nous, c’est de faire passer ce message : si tu ressens des symptômes qui ressemblent à ceux de l’endométriose, ce n’est pas une fatalité. C’est une opportunité précieuse d’agir tôt. Plus le diagnostic et la prise en charge sont précoces, plus on a de chances de freiner l’évolution de la maladie et de préserver sa qualité de vie.

Affiche du film Derrière le sourire - Toi Mon EndoUn court métrage comme support d’animation

« Derrière le sourire : l’endométriose, 200 millions d’histoires invisibilisées » est produit par Toi Mon Endo. Il s’agit du premier court-métrage européen consacré à l’endométriose.

Il illustre le parcours d’une jeune fille confrontée à des douleurs menstruelles sévères, mettant en lumière les défis liés au diagnostic et à la reconnaissance de la maladie. Il est accompagné d’une animation de sensibilisation.

Regarder la bande-annonce

Plus d’infos sur les services de Toi Mon Endo pour les établissements scolaires

Pouvez-vous nous en dire plus sur les modalités d’animation pour les écoles ?

Nous recevons de nombreuses demandes, mais nous avons d’ores et déjà ouvert un planning pour l’année 2025-2026. Les animations peuvent être proposées en présentiel dans certaines régions, ou en version distancielle pour les régions plus difficilement accessibles. L’ensemble du dispositif est pensé pour être accessible, dynamique et sécurisé.

Concrètement :

  • En présentiel : une animatrice Toi Mon Endo se rend sur place. Elle donne un mot d’introduction et de mise en contexte avant la projection du film, suivie d’une séance de questions-réponses et d’échanges. Le tout dure 50 minutes afin de favoriser une organisation simple pour les écoles.
  • En hybride : nous envoyons à l’école un colis avec brochures et guide pour le visionnage du film. Ensuite nous prévoyons un appel avec l’école pour nous assurer que tout est en ordre de leur côté. L’animation comprend : une vidéo d’introduction et de mise en contexte de notre animatrice, le visionnage du film et une vidéo de fin qui invite les jeunes à nous contacter via nos différents moyens de communication, dont un numéro WhatsApp spécifiquement prévu pour les jeunes.

Avez-vous des conseils pour les travailleurs des services PSE (médecins et infirmières) qui rencontreraient des jeunes touchées par la maladie lors des bilans de santé ?

Nous recommandons avant tout une posture d’écoute active, bienveillante et non jugeante. Beaucoup de jeunes n’osent pas parler de leurs douleurs, ou ne savent pas qu’elles ne sont pas « normales ». Les professionnel·le·s PSE peuvent alors jouer un rôle clé en posant des questions ouvertes, en validant le vécu de l’élève, et en orientant si nécessaire vers une consultation spécialisée.

Ils sont en première ligne pour repérer les signaux d’alerte : des règles douloureuses qui empêchent de mener une vie scolaire, sociale ou sportive normale, des douleurs urinaires similaires à une cystite, des troubles digestifs persistants souvent confondus avec un côlon irritable… Ces symptômes n’ont pas besoin de tous se cumuler pour mériter attention.

Avoir sous la main nos brochures ou affiches peut aussi être un bon levier pour ouvrir le dialogue et briser les tabous. Le simple fait de les rendre visibles peut encourager les jeunes à oser parler. Toutes ces ressources sont disponibles en téléchargement sur notre site ou via un envoi postal.

Avez-vous un message supplémentaire à faire passer aux lecteurs et lectrices de l’e-journal ?

L’endométriose n’est pas seulement un enjeu médical. C’est aussi un enjeu scolaire, social et psychologique. En en parlant à l’école, vous contribuez à briser un tabou tenace, à mieux repérer les signaux d’alerte, et surtout, à éviter des années d’errance et de souffrance silencieuse pour de nombreuses jeunes.

Statistiquement, une à deux élèves par classe sont concernées, parfois sans le savoir encore. Cela vous place en première ligne, avec un rôle immense à jouer.

Merci à toutes celles et ceux qui s’engagent pour une meilleure santé menstruelle à l’école. Ensemble, nous pouvons réellement changer la trajectoire de vie de ces jeunes.

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