Delphine Gérard, cheffe de projets pour Wallonie-Bruxelles Enseignement, a accepté de répondre à nos questions.
e-journal PSE : Vos résultats d’évaluation confirment-ils l’intérêt du distributeur pour la mise à disposition des protections menstruelles ? N’y a-t-il pas un risque de dégradation du matériel ?
Delphine Gérard : Les résultats d’évaluation étaient vraiment positifs. Nous avons constaté que le projet répondait vraiment à un besoin, qu’il soit lié au coût des protections menstruelles pour certaines, ou à l’imprévisibilité des règles pour d’autres, à l’irrégularité des cycles, etc.
Le risque de dégradation, par contre, est une crainte légitime de la part des écoles. Mais quand la mise en place des distributeurs s’accompagne d’une sensibilisation et d’une communication adaptée, cela n’arrive pas. Nous avons mené une phase pilote avec 25 écoles et 2 internats, et nous n’avons constaté absolument aucun problème.
Pouvez-vous nous parler des sensibilisations menées dans le cadre du projet ?
Le sujet des menstruations est déjà abordé dans les thématiques plus larges de l’EVRAS. Ici, nous avons souhaité développer davantage la sensibilisation, surtout ce qui était lié au tabou autour des règles, à la charge mentale, etc., et pas uniquement l’aspect physique. Pour cela, nous avons créé de nouveaux supports, en collaboration avec l’asbl BruZelle et nos CPMS.
Le personnel scolaire lui-même a dû être sensibilisé au projet. En quoi consistait cette sensibilisation ?
Nous avons invité les établissements à définir des porteurs de projets au sein de l’école. Nous avons également mis en place des communautés de pratiques et un centre d’auto-formation pour pouvoir former le personnel. Le CAF (centre de formation de WBE) propose également des formations.
Comme c’était sur base volontaire, les participants étaient souvent très ouverts. Mais certains ont parfois rencontré des difficultés avec des collègues ou membres du personnel technique, moins ouverts à la question. Nous les avons donc aussi soutenus pour avancer sur ce point.
Où en est le projet Sang Stress aujourd’hui ?
La phase pilote du projet Sang Stress s’est clôturée en fin d’année scolaire 2023-2024. Suite aux retours positifs que nous avons évalués, le service est désormais accessible à l’ensemble de nos établissements scolaires, internats, hautes écoles et écoles des arts.
Malheureusement, il se heurte aujourd’hui à un problème de financement, qui n’a pas été renouvelé lors du précédent gouvernement et ne le sera probablement pas cette fois-ci. Le service existe toujours : nos écoles ont accès à un marché public pour commander des protections via notre site internet et demander des formations et de l’accompagnement. Mais l’achat des protections se fait sur les fonds propres de l’école. Je pense que c’est un frein pour pas mal d’écoles. Or, si on veut que le projet fonctionne et si on souhaite vraiment travailler sur l’aspect charge mentale, il faut veiller à ce que le distributeur soit toujours approvisionné.
A l’époque, les résultats du projet pilote avaient également été transmis tant au cabinet de la Ministre de l’Enseignement qu’au ministère, pour faire état de la nécessité d’implémenter ce projet dans l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Auriez-vous un conseil pour des établissements scolaires d’autres réseaux qui souhaiteraient franchir le pas de l’installation d’un distributeur de produits menstruels ?
Si des écoles veulent franchir le pas, mon principal conseil est de bien s’entourer, par exemple en sollicitant un CPMS ou un autre opérateur externe qui connait bien le sujet.
La démarche paraît simple, mais ne s’improvise pas. Il faut que l’équipe pédagogique réfléchisse bien, en amont, aux objectifs poursuivis et aux besoins auxquels elle souhaite répondre. Par exemple, dans certains milieux, c’est un sujet parfois plus complexe à aborder qu’on ne le pense. Et ne pas faire de sensibilisation, c’est prendre un risque que le dispositif soit vandalisé.
Il est aussi important de vraiment impliquer les élèves depuis le début, qu’ils fassent des affiches eux-mêmes, qu’ils s’approprient la démarche. On peut par exemple les impliquer pour choisir le meilleur endroit où placer le distributeur.
Quand on fait quelque chose pour eux, en les impliquant, les élèves y sont sensibles et cela fonctionne. Faisons-leur confiance.