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25.06.2025

Santé menstruelle à l’école : les initiatives se multiplient

Réaménager les toilettes scolaires, faciliter la gestion des symptômes désagréables, soutenir davantage encore la sensibilisation en milieu scolaire, trouver des solutions durables pour que chacune puisse disposer du matériel de base… Il reste encore du chemin – notamment au niveau politique – pour aider les élèves à bien vivre leurs menstruations en milieu scolaire. En attendant, différentes initiatives existent. Certaines venant d’élèves elles-mêmes, et d’autres plus structurelles comme le projet Sang Stress. Elles illustrent une prise de conscience croissante de l’importance de la santé menstruelle en milieu scolaire, visant à créer un environnement plus inclusif et équitable pour les jeunes filles*.

* Nous parlons ici de filles, mais certains garçons transgenres et les personnes non binaires ont également leurs règles. Certaines associations utilisent le terme de « personnes menstruées » pour ne pas réduire les règles à une expérience strictement féminine.

Pourquoi agir ?

Selon une étude de la Fédération Wallonie-Bruxelles (citée par la Ville de Bruxelles dans un communiqué), 53 % des filles ou jeunes femmes ont déjà manqué l’école ou le travail en raison de règles trop douloureuses.

Les difficultés d’accès aux toilettes, le manque d’équipement sanitaire ou d’intimité peuvent également compliquer la vie des élèves menstruées.

Par ailleurs, une enquête menée par iVox en 2021 révèle qu’une personne sur 10 âgée de 12 à 25 ans en Belgique, se trouve en situation de précarité menstruelle, n’ayant pas toujours les moyens de s’acheter des produits menstruels chaque mois. Cette précarité peut conduire environ 25 000 jeunes Belges à manquer l’école régulièrement faute de produits menstruels. (Source : Ligue de l’Enseignement)

Les premiers pas sont récents

Différentes initiatives ont vu le jour dans plusieurs écoles ces dernières années, parfois mises en place par les élèves elles-mêmes. « On a lancé un projet qui visait à créer des boîtes pour mettre à disposition des protections périodiques dans toutes les toilettes de l’école. Et à côté, on menait des actions de sensibilisation », témoignaient deux anciennes élèves à l’origine du projet Boîtes Sang Tabou. (Témoignage recueilli lors du webinaire « Les règles à l’école: et si on en parlait? » organisé par Ne tournons pas autour du pot! en 2023. Plus d’infos sur le projet Boites Sang Tabou via www.instagram.com/boites_sang_tabou).

D’autres actions se mettent progressivement en place à des niveaux plus institutionnels. En voici quelques exemples.

Depuis 2023, plusieurs universités françaises ont introduit des congés menstruels pour les étudiantes souffrant de règles douloureuses. Ce dispositif permet aux étudiantes de s’absenter une dizaine de jours par an sans être pénalisées, reconnaissant ainsi l’impact des menstruations sur la réussite académique.

En Belgique aussi, ça bouge. La Communauté germanophone, par exemple, a décidé en 2022 d’installer des distributeurs de produits périodiques dans toutes les écoles de l’enseignement communautaire. (En lire plus : www.rtbf.be.) Une initiative similaire a également vu le jour la même année dans 6 écoles de la Ville de Bruxelles. (En lire plus : ligue-enseignement.be.)

Sang Stress, du projet-pilote au programme

Depuis 2023, Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE) propose aux écoles primaires et secondaires de son réseau le programme « Sang Stress. Les règles, c’est naturel ». Ce programme vise à mettre gratuitement à disposition des élèves des produits menstruels via des distributeurs afin d’assurer leur sécurité menstruelle. Ce projet inclut également des actions de sensibilisation de l’ensemble du personnel scolaire (directions, enseignants, personnels administratifs et ouvriers…) et des élèves, en collaboration avec l’association BruZelle et les CPMS-WBE du réseau (auxquels sont intégrés les PSE).

Logo projet Sang StressD’abord lancé sous forme de projet pilote, Sang Stress a notamment pour but de limiter les difficultés auxquelles peuvent être confrontées les jeunes filles menstruées à l’école :

  • Le coût des protections.
  • L’absentéisme scolaire des personnes menstruées qui font le choix de rester à la maison par manque de protections menstruelles adaptées plutôt que de suivre leur cursus scolaire.
  • La charge mentale qui pèse sur les épaules des personnes menstruées à l’école, qui doivent penser systématiquement à prendre avec elles des protections en suffisance.
  • La difficulté de prévoir le moment des cycles.

Plus d’infos : www.wbe.be/sangstress

Delphine Gérard, cheffe de projets pour Wallonie-Bruxelles Enseignement, a accepté de répondre à nos questions.

e-journal PSE : Vos résultats d’évaluation confirment-ils l’intérêt du distributeur pour la mise à disposition des protections menstruelles ? N’y a-t-il pas un risque de dégradation du matériel ?

Delphine Gérard : Les résultats d’évaluation étaient vraiment positifs. Nous avons constaté que le projet répondait vraiment à un besoin, qu’il soit lié au coût des protections menstruelles pour certaines, ou à l’imprévisibilité des règles pour d’autres, à l’irrégularité des cycles, etc.

Le risque de dégradation, par contre, est une crainte légitime de la part des écoles. Mais quand la mise en place des distributeurs s’accompagne d’une sensibilisation et d’une communication adaptée, cela n’arrive pas. Nous avons mené une phase pilote avec 25 écoles et 2 internats, et nous n’avons constaté absolument aucun problème.

Pouvez-vous nous parler des sensibilisations menées dans le cadre du projet ?

Le sujet des menstruations est déjà abordé dans les thématiques plus larges de l’EVRAS. Ici, nous avons souhaité développer davantage la sensibilisation, surtout ce qui était lié au tabou autour des règles, à la charge mentale, etc., et pas uniquement l’aspect physique. Pour cela, nous avons créé de nouveaux supports, en collaboration avec l’asbl BruZelle et nos CPMS.

Le personnel scolaire lui-même a dû être sensibilisé au projet. En quoi consistait cette sensibilisation ?

Nous avons invité les établissements à définir des porteurs de projets au sein de l’école. Nous avons également mis en place des communautés de pratiques et un centre d’auto-formation pour pouvoir former le personnel. Le CAF (centre de formation de WBE) propose également des formations.

Comme c’était sur base volontaire, les participants étaient souvent très ouverts. Mais certains ont parfois rencontré des difficultés avec des collègues ou membres du personnel technique, moins ouverts à la question. Nous les avons donc aussi soutenus pour avancer sur ce point.

Où en est le projet Sang Stress aujourd’hui ?

La phase pilote du projet Sang Stress s’est clôturée en fin d’année scolaire 2023-2024. Suite aux retours positifs que nous avons évalués, le service est désormais accessible à l’ensemble de nos établissements scolaires, internats, hautes écoles et écoles des arts.

Malheureusement, il se heurte aujourd’hui à un problème de financement, qui n’a pas été renouvelé lors du précédent gouvernement et ne le sera probablement pas cette fois-ci. Le service existe toujours : nos écoles ont accès à un marché public pour commander des protections via notre site internet et demander des formations et de l’accompagnement. Mais l’achat des protections se fait sur les fonds propres de l’école. Je pense que c’est un frein pour pas mal d’écoles. Or, si on veut que le projet fonctionne et si on souhaite vraiment travailler sur l’aspect charge mentale, il faut veiller à ce que le distributeur soit toujours approvisionné.

A l’époque, les résultats du projet pilote avaient également été transmis tant au cabinet de la Ministre de l’Enseignement qu’au ministère, pour faire état de la nécessité d’implémenter ce projet dans l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Auriez-vous un conseil pour des établissements scolaires d’autres réseaux qui souhaiteraient franchir le pas de l’installation d’un distributeur de produits menstruels ?

Si des écoles veulent franchir le pas, mon principal conseil est de bien s’entourer, par exemple en sollicitant un CPMS ou un autre opérateur externe qui connait bien le sujet.

La démarche paraît simple, mais ne s’improvise pas. Il faut que l’équipe pédagogique réfléchisse bien, en amont, aux objectifs poursuivis et aux besoins auxquels elle souhaite répondre. Par exemple, dans certains milieux, c’est un sujet parfois plus complexe à aborder qu’on ne le pense. Et ne pas faire de sensibilisation, c’est prendre un risque que le dispositif soit vandalisé.

Il est aussi important de vraiment impliquer les élèves depuis le début, qu’ils fassent des affiches eux-mêmes, qu’ils s’approprient la démarche. On peut par exemple les impliquer pour choisir le meilleur endroit où placer le distributeur.

Quand on fait quelque chose pour eux, en les impliquant, les élèves y sont sensibles et cela fonctionne. Faisons-leur confiance.

BruZelle

L’association BruZelle lutte activement contre la précarité menstruelle et le tabou autour des règles sur tout le territoire belge. Notamment, autour de trois pôles d’activité :

  • elle collecte et distribue des produits menstruels pour les personnes menstruées en situation de précarité ;
  • elle sensibilise, informe et éduque tout public sur les thématiques en lien avec la santé et la précarité menstruelles ;
  • elle partage des conseils et son expertise dans les différents domaines qui touchent directement ou indirectement à la précarité menstruelle et aux règles en général.

Dans les écoles, depuis la 5ème primaire jusqu’en 6ème secondaire, son travail consiste principalement à la sensibilisation, à l’éducation à la santé et la précarité menstruelles ainsi qu’à la déconstruction du tabou autour des règles. BruZelle a obtenu le label EVRAS par la Fédération Wallonie-Bruxelles pour le programme « Règles de 3 ».

Visiter le site de BruZelle

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