Pendant des siècles, les troubles gynécologiques comme l’endométriose furent enveloppés de mystères et d’idées fausses, attribués à l’ »hystérie, » un terme dérivé du grec hysterikos signifiant « utérus » (1). Des figures illustres comme Hippocrate et Platon ancrèrent l’idée que les femmes étaient destinées à accomplir des devoirs liés à leur genre, tels que le mariage et la maternité. Faillir à ces attentes, par exemple, ne pas avoir d’enfants, était perçu comme un affront à leur nature, engendrant une « suffocation de l’utérus », supposé errer dans le corps, causant des troubles physiques et psychologiques. Ces croyances persistent à travers les âges, reléguant des symptômes comme les douleurs pelviennes ou les évanouissements à des phénomènes d’hystérie, voire de sorcellerie. Le corps médical associait ces souffrances à des maux imaginaires, ignorant leur origine physiologique.
Aujourd’hui, la science a enfin donné un nom et une explication à l’endométriose. Cependant, le chemin est loin d’être terminé. Cette maladie chronique, qui touche 10 % des femmes en âge de procréer, reste actuellement un problème de santé publique largement sous-estimé. Une étude menée par Partenamut (2) auprès de 3 400 femmes a révélé un manque de sensibilisation à l’endométriose. Ainsi, 20 % des répondantes n’avaient qu’une connaissance vague ou inexistante de la maladie. Parmi celles atteintes d’endométriose, trois quarts d’entre elles (75%) expliquent s’absenter régulièrement de leur travail du fait des divers troubles qu’elles subissent (douleurs, crampes, maux de tête, etc.). Cet article met en lumière une réalité persistante : le manque de reconnaissance des douleurs vécues par les femmes. Les répondantes atteintes d’endométriose ont exprimé et hiérarchisé leurs besoins de la manière suivante : en priorité, le remboursement des thérapies alternatives liées à la santé menstruelle, suivi d’une meilleure reconnaissance des douleurs menstruelles, et enfin, l’instauration d’un congé spécifique pour y faire face.
Douleurs intenses, fatigue chronique, infertilité : les conséquences liées à l’endométriose sont multiples et se répercutent sur la vie quotidienne, professionnelle et personnelle. Pourtant, les tabous autour des règles et le manque de sensibilisation retardent souvent son diagnostic, en moyenne de 8 à 10 ans. Alors pourquoi ce silence persiste-t-il, et comment y remédier ?
Nombreuses femmes atteintes d’endométriose ont rapporté avoir consulté plusieurs médecins avant de recevoir le diagnostic d’endométriose, souvent après des années d’errance médicale. Elles expliquent que la douleur menstruelle est souvent banalisée, en société comme par le corps médical, et est perçue comme une fatalité de la condition féminine : « Ma gynéco m’a dit : ‘Moi aussi, j’ai mal au ventre avec mes règles, ce n’est pas la peine d’en faire tout un plat’ ». Le diagnostic reste encore difficile, faute de marqueur efficace de la maladie, elle reste par conséquent sous-diagnostiquée dans la population générale. Sur le plan économique, cette maladie coûte à la fois aux systèmes de santé et aux employeurs. Une étude (3) estime que le coût annuel par femme atteinte est de 9 579 euros, dont un tiers est imputable aux frais médicaux et deux tiers à des pertes de productivité.
Côté traitements, les options restent limitées : contraceptifs, antidouleurs ou chirurgie pour les cas les plus graves. Aucun remède curatif n’existe, ce qui accentue la frustration des personnes atteintes. Par ailleurs, les thérapies alternatives, bien que souvent bénéfiques, ne sont pas toujours remboursées, décourageant leur adoption. Nombreuses femmes atteintes d’endométriose ne sont pas mises au courant des remboursements proposés par les mutuelles, notamment en ce qui concerne la prise en charge émotionnelle et relationnelle de la maladie. Cependant, ces remboursements restent limités tant en termes de fréquence d’usage que de montant maximum pris en charge.