Des lignes d’écoute sollicitées
Pour tenter de répondre à la souffrance psychologique de la population, les lignes d’appel téléphonique existantes ont été largement sollicitées et de nouveaux numéros d’appel ont été créés pour aider les nombreux citoyens déboussolés par la situation et ceux déjà en difficultés psychologiques avant le Covid. En effet, les consultations auprès des services de santé mentale (SSM) ou des psychologues ont été suspendues en présentiel et, dans certains cas, remplacées par des entretiens téléphoniques ou par vidéo, ce qui n’a pas manqué de perturber le travail en cours. Des prises en charge ont été interrompues. Certains établissements psychiatriques ont dû libérer des lits ou ont prié les patients qui étaient en famille juste avant le confinement d’y rester1.
C’est pourquoi la Ligue bruxelloise pour la santé mentale a mis sur pied un numéro d’appel accessible (le 02/501 01 27.28.29) en soirée et le week-end, pour combler les espaces où les SSM ne pouvaient pas être joints. Les appels au début du confinement portaient davantage sur les risques liés à la maladie, des demandes d’informations sur le virus, la crainte d’avoir été contaminé et émanait plus largement de femmes. Les personnes seules se sont également manifestées pour rompre l’isolement, en grande difficulté due au manque de contact. D’autres encore n’arrivaient plus à joindre leurs praticiens, à avoir accès aux médicaments qu’ils prenaient auparavant. Avec le temps, les appels ont évolué vers des problèmes plus liés à des tensions intrafamiliales ou de couple, de la dépression, de l’épuisement et l’aggravation de troubles psychologiques déjà existants. Selon Geneviève Helson, psychologue au SSM L’Adret ayant assuré par deux fois les permanences téléphoniques de cette ligne, « il a fallu s’informer sur le Covid pour pouvoir répondre aux demandes, mais notre rôle a surtout été de rassurer les appelants traversés par le stress,la colère chez certains, la difficulté à vivre l’éloignement des proches. Ne connaissant pas les appelants, il fallait appréhender rapidement la demande d’aide et voir si la personne disposait de ressources personnelles pour dépasser les sentiments négatifs qu’elle vivait ou s’il fallait l’orienter vers un SSM ou un confrère. Mais ce qui importait surtout, souligne GenevièreHelson, c’est de nouer le contact rapidement, dans l’urgence, en accueillant l’inquiétude, la détresse de chacun. » Cette ligne a été mise à l’arrêt le 21 juin car les activités des SSM ont repris en présentiel.
Autre exemple de ligne spécialement créée pour l’occasion2 : SOS Parents, à l’initiative d’Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak, spécialistes du burn-out parental à l’UCLouvain. Comme l’explique Tamara Léonard, chargée de l’organisation de la ligne, « dès le 23 mars, cette ligne a été mise en service pour accueillir la détresse des parents confrontés à un confinement avec des enfants. Ce sont surtout des mamans qui ont appelé, dépassées par la multiplication des tâches au domicile : le télétravail, le suivi du travail scolaire des enfants, en plus des tâches ménagères habituelles, qu’elles assument bien souvent aussi. Les tensions familiales et conjugales préexistantes ont été exacerbées et l’existence de troubles de santé mentale n’a rien arrangé. Avec le temps, l’épuisement s’est marqué de plus en plus, notamment avec le déconfinement et des injonctions paradoxales comme un retour au travail des parents alors que les enfants n’allaient pas à l’école, ainsi que les craintes de contamination de ceux-ci avec le retour dans les classes, les garderies et le crèches ».
Parmi les lignes préexistantes au Covid, on peut citer celle du Centre de prévention du suicide (CPS). Comme l’explique Deborah Deseck, chargée de communication du CPS, « le 0800/32 123 a connu beaucoup d’appels, de demandes d’aide avec des conversations intenses et des pics, notamment quand le confinement a été prolongé en avril. Il s’agissait bien de demandes spécifiques par rapport à l’objet de la ligne, le suicide, car les émotions étaient décuplées et les facteurs de protection généralement à l’œuvre en temps normal, comme l’entourage, l’accès aux soins, les contacts sociaux étaient en panne. De nouveaux bénévoles se sont également proposés, mais pour cela il faut être formé : c’est pourquoi nous avons créé des supports de formation en ligne 3. »
Avec l’équipe de psychologues formés à l’accompagnement du deuil après un suicide, deux lignes nouvelles ont également été imaginées par le CPS, avec le soutien de la COCOF et de la Fondation Roi Baudouin : le 0800/20 220 pour les personnes endeuillées suite au Covid, ainsi que le 0800/20 440 pour les personnes ayant des malades dans leur entourage.