Rappels des fondamentaux
Lors de la première plénière de ce colloque, Fabienne Hariga, ancienne directrice de Modus Vivendi et aujourd’hui conseillère indépendante auprès d’organisations internationales en tant que médecin épidémiologiste, a rappelé le lien très étroit entre la RdR et le VIH. Elle a mis notamment en avant l’incidence des programmes d’accès aux seringues et aux traitements de substitution sur la chute du nombre de cas de VIH frappant les usagers de drogues par injection. Pourtant, malgré ce cercle « vertueux », « la RdR reste un sujet controversé, marqué par des discriminations, notamment liées au genre ou aux origines ethniques, trop souvent décrit comme une réduction des dommages et non des risques, et remis en question, notamment par manque de soutiens financiers. »
Autre intervenant : Miguel Velasquez, de l’association française Assud, a retracé les évolutions de cette RdR dans l’Hexagone. Selon cet observateur avisé, « Une des raisons pour lesquelles la RdR n’est toujours pas bien comprise tient sans doute au fait qu’elle n’a jamais bien été expliquée à la société française, malgré ses objectifs clairs. La population critique ces programmes, estimant qu’ils facilitent la vie des drogués et leur donnent un accès aux drogues, sans en comprendre la portée. Or ce qui compte c’est de changer l’image des usagers de drogues dans la société et la prise en charge des toxicomanies. »
Alexis Goosdeel, directeur de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA), a pour sa part envisagé la question des nouvelles substances, des nouveaux usages et des nouveaux risques dans le cadre d’une refonte de la RdR en Europe. Il a relevé l’augmentation exponentielle récente de la production, de l’accès et de l’usage des drogues, avec une explosion des poly-usages, mais aussi l’évolution depuis 25 ans de la RdR, avec de grands progrès. « Il s’agit aujourd’hui de réfléchir au fait qu’on n’est plus dans le cadre mental d’une épidémie d’héroïne, pour mettre sur pied une nouvelle politique en lien avec les nouveaux risques liés à de nouveaux produits, mais aussi la violence en forte croissance dans le secteur des drogues. Un des écueils est aussi que les décideurs politiques changent, ce qui est normal, mais dès lors on est obligés de réexpliquer à chaque fois le bienfondé de la RdR, ce qui est une perte de temps considérable. » Il a également mis l’accent sur le rôle des villes dans la gestion des risques, comme ça a été le cas à Bruxelles et à Liège avec leurs salles de consommation.
Enfin, Catherine Van Huyck, actuelle directrice de Modus Vivendi, a rappelé l’organisation des Assises de la réduction des risques, il y a vingt ans, lors desquelles avait été lancée la charte de la RdR, reprise par de nombreuses associations. Pour elle, « l’histoire de la RdR est jalonnée de prises de risques, avec la nécessité de former à un autre regard sur les drogues. On peut dire qu’on a avancé : en effet, peu de gens osent dire aujourd’hui que la RdR ne sert à rien. Mais on continue à entendre parler d’incitation à l’usage. Or ce n’est pas la RdR qui mène à la drogue, mais bien l’usage de drogues et la répression qui en est faite qui mène à la RdR, comme une réponse logique, humaine et pragmatique. »
Ce n’est pas la RdR qui mène à la drogue, mais bien l’usage de drogues et la répression qui en est faite qui mène à la RdR, comme une réponse logique, humaine et pragmatique. Catherine Van Huyck, directrice de Modus Vivendi