Échos des politiquesGenre
03.06.2022
Numero: 11

Echo des politiques : l’actu des élus au Parlement bruxellois

Les élus au Parlement de la Commission communautaire française (COCOF) s’expriment au sujet d’actualités relatives à la santé et au social en Région bruxelloise. Pour cette livraison, les parlementaires ont été sollicités afin de partager leurs interpellations, réflexions et décisions engrangées à propos de la question du genre en promotion de la santé, traité par ailleurs dans notre dossier. 

Emag Echos politiques

La dimension genre est au cœur des politiques en Promo  Santé

Pour mon groupe, la question du genre relève de tous les combats politiques. La Cocof porte la dimension genre dans le secteur socio-sanitaire bruxellois de manière transversale, en particulier en lien avec la promotion de la santé.

Deux plans sont au cœur de cette question : le Plan social santé intégré (PSSI) ou « Brussels Takes Care » et le futur Plan stratégique de Promotion de la santé 2023-20281. Le PSSI qui a bénéficié d’une très large construction collective, impliquant toutes les associations féministes, a pour ambition de devenir « Le » document de référence en intégrant les trois plans actuels que sont le Plan Santé bruxellois, le Plan d’Action bruxellois de Lutte contre la pauvreté et le Plan stratégique de Promotion de la santé. Pour la rédaction du futur plan stratégique de promotion de la santé, l’asbl « Femmes & Santé » apporte son expertise en matière de genre, sur base des données socio-sanitaires et des diagnostics récoltés lors de la crise Covid. Pour l’intégration transversale de la dimension genre dans les programmes et projets de promotion de la santé, c’est l’expertise du Réseau « Genre, Femmes et Promo Santé » qui est sollicitée. La Cocof, la Cocom et la Région sont impliquées de concert dans le cadre d’un séminaire sur les priorités pour la suite de la législature.
Annoncé en janvier, le PSSI a pris un peu de retard. Début avril, PSSI & Plan stratégique de Promotion de la santé étaient toujours en cours de négociation et de rédaction. Avec mon groupe, nous suivons avec grand intérêt l’évolution de la mise en œuvre de ces deux plans.

Jamal Ikazban,
député et chef de groupe PS au Parlement francophone bruxellois 


1. https://www.parlementfrancophone.brussels/documents/compte-rendu-de-la-seance-pleniere-du-15-octobre-2021/document

La santé des femmes : parente pauvre de la médecine ?

Est-ce que le corps des femmes est sous l’emprise d’une médecine sexiste ? Il suffit de décortiquer l’histoire de la médecine depuis ses balbutiements pour comprendre que cette dernière n’est pas neutre et que la femme est loin d’y avoir eu une place de choix. Pire encore, cette médecine développée ab initio par et pour les hommes a encore aujourd’hui des incidences souvent dramatiques sur la santé des femmes, parfois considérée comme le parent pauvre de la médecine. Les essais cliniques des médicaments sont un bel exemple d’absurdité médicale : il arrive que des médicaments à destination des femmes principalement soient testés en grande majorité sur des hommes. Autre exemple éloquent : le vaccin anti-grippe. Il appert que les femmes n’ont besoin que d’1⁄2 dose dudit vaccin. Pourtant, la plupart des praticiens leur administrent une dose complète. Il y a donc un réel décalage entre l’enseignement, les pratiques médicales et les besoins réels. Enfin, DéFi prend particulièrement à bras le corps les maladies gynécologiques : fibromes utérins, syndrome des ovaires polykystiques, endométriose … Touchant 5 à 15% des femmes, ces pathologies ne font aujourd’hui l’objet ni de prévention, ni de détection spécifiques. Le diagnostic n’est souvent posé que sur le tard, ce qui engendre souvent de nombreuses complications. Il est plus que temps de prendre réellement en considération la dimension du genre en matière de santé. A défaut, cela reviendrait à dire aux femmes “votre santé ne compte, in fine, pas tant que ça”.

Nicole Bomele,
députée DéFI au Parlement francophone bruxellois

Droit à l’IVG menacé ?

4 personnes sur 10 n’ont pas de généraliste à Bruxelles. Si ce manque d’accès aux soins nuit à toute la population, il atteint plus spécifiquement les femmes de plusieurs manières. Le nombre réduit de médecins pratiquant l’IVG risque ainsi à terme de remettre en question le droit à l’avortement. Vu l’âge moyen des généralistes exerçant dans la capitale, cette pénurie va qui plus est s’aggraver. La fin du numérus clausus est donc une évidence, mais d’autres mesures s’imposent pour soulager le travail de la première ligne et stopper les départs de la profession. La revalorisation de la profession de secrétaire médicale est une piste efficace, comme la création de structures qui favorisent la coopération entre soignants. C’est dans ce but que le PTB revendique l’installation d’une maison médicale au forfait par quartier.

Le manque de généralistes et de structures médicales n’explique pas seul les difficultés d’accès aux soins des Bruxelloises. L’IVG ne fait pas partie de la formation en médecine et c’est loin d’être une exception. L’endométriose, l’accueil des victimes de violences sexuelles et la lutte contre les violences obstétricales sont autant de grands oubliés des cursus médicaux.

S’il faudra bien sûr intégrer ces sujets aux futures formations, les gouvernements doivent dès aujourd’hui donner au personnel médical en exercice les moyens de se former. Il y a également urgence à créer de nouveaux centres de prise en charge des victimes de violences sexuelles (CPVS) à Bruxelles, qui n’en compte aujourd’hui qu’un seul. Son personnel débordé en démontre chaque jour l’utilité.

Françoise De Smedt,
députée et cheffe de groupe PTB au Parlement francophone bruxellois

La prise en compte des réalités féminines dans l’aménagement urbain

Depuis quelques années, différentes études s’intéressent aux expériences vécues par les femmes dans l’espace public. Certaines réflexions ont ainsi eu lieu concernant les équipements sportifs ou culturels destinés aux femmes, la signalétique, les « trottoirs genrés » ou encore les dénominations féminines des artères publiques.

Récemment, à Marseille, les premiers urinoirs féminins ont été installés à titre expérimental. A Bruxelles, l’ancien Tunnel Léopold II a été rénové et inauguré le 22 mai dernier sous le nouveau nom « Annie Cordy », dénomination retenue en 2020 à la suite d’une consultation populaire en ligne, qui proposait quatorze personnalités féminines.

Il semble qu’en Région bruxelloise, aucun aménagement public n’ait jusqu’à présent été conçu en intégrant les questions de genre de manière volontaire. Certains plaident dès lors pour qu’une approche de genre intégrée (« gender mainstreaming ») s’applique davantage dans l’aménagement urbain. Le nouveau Règlement Régional d’Urbanisme et le Vade-mecum des Espaces Publics devraient prochainement intégrer cette approche.

Au-delà de ces initiatives, dont les visées sont parfois purement symboliques, parfois plus pragmatiques, une problématique plus centrale concerne la présence inégale des hommes et des femmes dans l’espace public. Outre une approche spécifiquement « genrée », les réponses à y apporter sont probablement plus globales et portent essentiellement sur la sécurité : privilégier des lieux où le contrôle social peut s’exercer, de manière à rassurer les usagers, installer un éclairage suffisant en soirée, prévoir une présence policière et, surtout, travailler sur l’éducation des jeunes afin de réduire drastiquement le harcèlement de rue.

Gaëtan Van Goidsenhoven,
député et chef de groupe MR au Parlement francophone bruxellois

Congé menstruel : une plus grande reconnaissance des règles douloureuses ?

En Espagne, un projet de loi a été voté pour l’instauration d’un congé menstruel. Avancée cruciale pour les personnes souffrant de règles douloureuses, ce projet a fait couler de l’encre tant les débats ont dépassé les frontières posant de nouvelles questions sur l’instauration d’une telle mesure en Belgique.

On peut saluer l’ouverture de ce débat qui prend en compte un mal que vit une importante partie des personnes menstruées aujourd’hui, notamment les personnes souffrant d’endométriose. Or, pour certains, l’instauration d’un tel congé génèrerait de nouvelles discriminations à l’embauche pouvant favoriser l’embauche d’hommes au détriment des femmes. L’argument du coût financier d’une telle mesure est également mis sur la table. Néanmoins, ces arguments s’inscrivent dans une plus grande réflexion concernant les discriminations et les inégalités hommes-femmes qui persistent dans le monde du travail aujourd’hui.

Il s’agit d’agir contre ces inégalités pour accorder de nouveaux droits légitimes aux femmes, notamment lorsqu’il s’agit de leur santé. Quant à l’argument financier, on sait aujourd’hui que l’endométriose coûte environ 150 euros par mois aux femmes qui en souffrent. Financer cette mesure, c’est reconnaitre un mal qui impacte la santé des femmes, mais aussi pouvoir le prendre en charge. Il faut penser cette problématique de manière plus large en ne se limitant pas qu’à la sphère du travail et réfléchir aux aménagements possibles pour les jeunes et les étudiantes qui souffrent aussi de règles douloureuses avec autant d’impacts sur leur parcours scolaire. Ce sont des pistes de réflexion qu’il faut exploiter avec le monde de la santé et les entreprises qui mènent aujourd’hui des projets pilotes similaires au congé menstruel pour qu’un tel projet puisse voir le jour en Belgique.

Margaux De Ré,
députée bruxelloise Ecolo au Parlement francophone bruxellois

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