Gestion, gouvernance et anticipation
Ce que nous réclamons, c’est l’anticipation. Anticipation de la crise sanitaire et sociale, anticipation de ses conséquences. Anticiper exige la mobilisation des différents secteurs de la vie mentale et sociale et des différentes expertises disciplinaires pour pouvoir agir de manière plus large sur la santé. Anticiper réclame, dès à présent, de soutenir et pérenniser les modalités de travail qui permettent aux professionnel·le·s du socio-sanitaire de gérer la crise actuelle (consultations à distance, équipe mobile d’intervention, collaboration entre le secteur des sans-abri et de la toxicomanie, etc.). Anticiper permet d’assurer la complémentarité des différents niveaux de pouvoir et des professionnel·le·s de différents secteurs. De considérer les citoyen·ne·s, non pas comme des réceptacles d’anxiété ou des délinquants à rendre dociles, mais comme des forces vives capables de créativité et d’entraide.
Anticiper nécessite la mise en place de stratégies adaptées à chaque situation avec l’aide des professionnel·le·s et publics concernés. Une telle adaptation aurait pu contribuer à éviter des catastrophes telles que celles rencontrées dans les maisons de repos car on se serait rappelé de leur existence et du fait qu’elles étaient le refuge des personnes les plus à risques. Une adaptation de ce type peut amoindrir le choc de crise socioéconomique qui s’annonce.
L’anticipation ne supprimera jamais tous les risques mais elle permettra de les atténuer.
Beaucoup s’accordent pour convenir que cette crise n’est pas seulement sanitaire. Elle s’ancre dans les crises environnementales et socioéconomiques en cours et les aggrave en renforçant les inégalités sociales. Elle éclaire les liens entre les dégradations environnementales et la santé, entre les pollutions atmosphériques, la propagation du virus d’aujourd’hui et les affections bronchopulmonaires de longue date. Les liens entre les conditions de logement et la souffrance psychique, les interactions entre la santé et l’activité économique, entre la santé et l’activité scolaire, entre la santé et la convivialité, etc.
Il est incontestable que les mesures prises pour remédier à la crise sanitaire, si elles étaient essentielles, ont révélé et accru les inégalités sociales de santé. Or les moyens de les réduire sont connus : renforcer la cohésion sociale et la solidarité (et non la charité) en amenant les acteurs communautaires à développer des initiatives dans les quartiers, améliorer les conditions de vie et de travail et l’accès aux biens et services essentiels à la santé (alimentation, éducation, aide sociale, soins, culture), développer le pouvoir d’agir des personnes et des communautés.