Échos des politiquesSantéTechnologies
01.01.2021
Numero: Spécial

Quel impact du numérique sur les matières sociales et de santé ?

Les élus au Parlement de la Commission communautaire française (COCOF) s’expriment au sujet d’actualités relatives à la santé et au social en Région bruxelloise. Au menu de cette rubrique : la question du numérique et de ses impacts sur toute une série de domaines en lien avec le social et la santé. Réflexions, propositions et programmes pour l’avenir.

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« Défracturer » le numérique pour une société clairement plus juste !

Lors de la mandature 2014-2019, le ministre bruxellois Didier Gosuin (DéFI), alors en charge de la Santé, a lancé le plan e-Santé pour permettre aux professionnels de la santé d’accéder rapidement à toutes les informations utiles à une prise en charge optimale de leur patientèle. Les patients, quant à eux, deviennent des partenaires actifs de leur santé. Ce partage de données a pour ambition de renforcer la qualité des soins de santé à Bruxelles. En tant que députée bruxelloise DéFI, spécialiste des matières santé, cela me paraît une excellente chose.

Mais ne sous-estimons pas la fracture numérique : selon le baromètre de l’inclusion numérique publié fin août par la Fondation Roi Baudouin, 40% des Belges ont de faibles compétences numériques. Cette fracture numérique touche particulièrement les seniors, qui rencontrent de plus en plus de difficultés pour accéder à des services de plus en plus informatisés (banque, santé, administration…).

Partant de ce constat et dans la continuité de l’action de son prédécesseur, le ministre Bernard Clerfayt (DéFI), compétent notamment en matière de transition numérique dans l’actuel gouvernement bruxellois, va lancer un plan d’appropriation numérique visant cinq à six publics-cibles. Une mesure indispensable car la crise de la Covid-19 a montré que le numérique nous simplifiait la vie. On ne peut plus interrompre son développement. Il faut donc aider les seniors, les familles précarisées et toutes celles et tous ceux qui n’y ont pas accès ou pas les outils à s’en emparer.

Nicole Nketo Bomele,
députée DéFI du Parlement francophone bruxellois

Un accompagnement des services social-santé, par les pouvoirs publics

L’arrivée de la pandémie a inévitablement bouleversé l’ensemble de nos modes de fonctionnement et d’organisation. Peu à peu, le recours accru au numérique s’est imposé à tous les niveaux, du moins pour ceux qui pouvaient se le permettre : télétravail et réunions virtuelles pour les uns, téléconsultations pour les autres, services publics en ligne pour les usagers, enseignement à distance pour les étudiants, etc.

Car une autre conséquence de la crise sanitaire a été celle de rendre davantage visible ce qui l’était moins auparavant : explosion des inégalités, précarité, pauvreté, dualisation socio-économique et, bien sûr, la mise en lumière de la réalité sur la fracture numérique dans notre capitale, estimée aujourd’hui à 15% des ménages bruxellois qui ne disposent d’aucune connexion internet et à 11% de la population n’ayant jamais utilisé le web.

Bien que l’accélération de ce processus de numérisation comporte un nombre important d’avantages (dont, au premier plan, la preuve d’une capacité extraordinaire d’adaptation et de résilience), il n’a fait qu’accentuer les défis des services du social et de la santé dans la manière dont ils peuvent répondre au plus près des besoins des citoyens.

Dans une société post-covid, il s’agira donc, pour les pouvoirs publics, d’accompagner ces services dans leur transformation, tout en garantissant un accès généralisé au numérique pour les principaux bénéficiaires. Sans quoi une partie toujours plus substantielle restera privée de services sociaux et de santé pourtant essentiels.

Gaëtan Van Goidsenhoven, sénateur, député bruxellois
et chef de groupe MR au Parlement francophone bruxellois

Les bénéfices du numérique pour informer les jeunes

Les effets contrastés du numérique ont pu être observés lors de la crise sanitaire. D’une part, il y a les risques du numérique, comme la désinformation ou l’inégalité d’accès digital des publics précarisés. D’autre part, on trouve un outil de partage citoyen qui permet, entre autres, de maintenir des liens par une communication facilitée.

Néanmoins, le numérique a, pour le cdH, des perspectives résolument positives. Dans un monde en plein changement, il est primordial d’embraser les bénéfices de la transition numérique par une utilisation intelligente des nouveaux canaux d’information. Ces outils additionnels viennent complèter une offre d’accès à l’information pour que chacun ait la possibilité de poser des choix réfléchis et conscients.

Ces nouveaux médias offrent une capacité innovante de transmettre l’information, via des formats variés (vidéos, gifs, stories, traductions…) qui permettent d’adapter la forme du message. Ces modes de communication ont également un fort pouvoir de littératie pour toutes et tous. Le numérique a donc des vocations inclusives, notamment auprès des jeunes en promotion social-santé.

En effet, certains groupes, tel que les jeunes, privilégient comme source d’information les réseaux sociaux et sont plus enclins à écouter les avis d’influenceurs/influenceuses que ceux des médias traditionnels. Dans cette optique, nous préconisons une utilisation systématique et ciblée vers les jeunes, et les groupes n’ayant pas accès à d’autres canaux d’informations, de ces nouveaux modes de communication en matière de promotion de la santé.

Gladys Kazady, députée bruxelloise
cdH au parlement francophone bruxellois

Préserver les relations humaines au-delà du numérique

La pandémie de COVID-19 a conduit à un recours massif aux outils numériques par les acteurs du social et de la santé, rendus nécessaires par les confinements et règles de distanciation sociale. S’ajoutant aux vulnérabilités anciennes, l’usage de ces outils constitue un enjeu d’inclusion ou d’exclusion dans un contexte social et sanitaire inédit.

L’approche de la santé communautaire, avec ses différentes facettes – information, participation, collectif –, est celle que nous estimons devoir privilégier pour faire face à cette pandémie. Comment développer cette approche pendant la crise si éloignée a priori du numérique ? Certes, les difficultés sont réelles, comme le fait de disposer d’outils numériques ou d’un espace pour se connecter dans de bonnes conditions ou, pour d’autres, de communiquer aisément derrière un écran.

Pourtant, pour tout un ensemble de publics, la voie du numérique a pu être une solution, mais pas à n’importe quelles conditions : cela fonctionne lorsque les acteurs de la santé sont bien implantés dans les quartiers, pour les groupes dont les personnes se connaissaient déjà avant d’utiliser le numérique, lorsque un accompagnement est prévu pour les usagers à cet égard… Le numérique ne peut en effet remplacer les relations humaines si importantes pour développer le bien-être et la santé des personnes. Nous pensons que ces espaces existants et ancrés peuvent se transformer, grâce au numérique et sous certaines conditions, afin d’aider les citoyens à traverser les périodes aiguës de la crise. Un apprentissage qui reste cependant à mieux analyser pour de prochaines crises éventuelles.

Magali Plovie, députée bruxelloise
Ecolo au Parlement francophone bruxellois

Pour un monitoring bruxellois de la fracture numérique

Nous vivons dans l’ère du numérique qui a permis le maintien de certaines activités nécessaires à une vie en société, malgré la restriction des contacts sociaux et les règles sanitaires anxiogènes imposées par la pandémie. C’est le numérique qui, depuis douze ans, permet déjà à des enfants souffrant de maladies graves de poursuivre leur scolarité en distanciel1 . Ainsi l’asbl Classcontact offre les outils informatiques et connecte l’enfant malade à sa classe.

Depuis le Covid, le numérique a montré toute son importance car si les tout petits ont pu retourner à l’école, bon nombre d’élèves du secondaire ont dû suivre leur cursus entièrement ou en partie à distance, de même que les étudiants du supérieur. Pour les chercheurs d’emploi, Bruxelles Formation a fait preuve d’ingéniosité digitale pour ne laisser personne sur le carreau.

Mais cette crise a aussi été un incroyable amplificateur d’inégalités sociales à cause de l’exclusion numérique. Car tous les Belges ne sont pas égaux face à l’accès et l’utilisation des technologies de télécommunication. Notre pays fait d’ailleurs partie des pays européens les plus inégalitaires en ce qui concerne les conditions d’accès au numérique2 .

Même si nous devrons toujours privilégier les contacts et liens directs qui font notre ADN en tant qu’humains, il nous faudra adopter une vision stratégique, conjointement avec la Cocom et la Région, au travers d’un monitoring de la situation socio-sanitaire au regard de l’inclusion numérique en temps de Covid, pour soutenir davantage et au mieux les acteurs sociaux impliqués dans la diminution de la fracture numérique.

Jamal Ikazban, chef de groupe
PS au Parlement francophone bruxellois

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