DossierTravail
01.03.2021
Numero: 5

Indépendants, PME et très petites entreprises : de l’aide pour éviter la casse

Depuis une année, maintenant, la crise du coronavirus affecte le monde entrepreneurial. Bruxelles, avec ses nombreux acteurs dans le secteur de l’horeca, du tourisme ou encore de l’événementiel, est particulièrement touchée. Or de nombreux indépendants et des très petites entreprises ne disposent pas forcément d’un conseil juridique, d’un comptable ou d’un expert fiscal pour les aider. Les institutions bruxelloises offrent une information et un encadrement, la justice également. Tour d’horizon de la situation et des aides existantes.

Emag05 Independants PME 1819

« 1819 Bonjour, Achtien Negentien Goeie dag, Eighteen Nineteen Hello. Pour continuer en français, taper 1…». La plateforme 1819, destinée à informer les nouveaux entrepreneurs et les dirigeants qui veulent développer leur entreprise, a été créée, il y a dix ans par la Région de Bruxelles-Capitale. Elle est hébergée et gérée au sein de hub.brussels, l’Agence bruxelloise pour l’accompagnement de l’entreprise. En 2020, ce service a été assailli d’appels téléphoniques relatifs aux mesures Covid, émanant d’entrepreneurs en difficulté.

44.050 demandes l’an dernier, contre 8.500 en 2019 : Véronique Flammang, responsable du service 1819, confirme cet afflux d’appels à l’aide d’entrepreneurs et qualifie ce numéro d’appel comme une porte d’entrée pour les indépendants et les entrepreneurs en quête de soutien. « Le début de la pandémie et le premier confinement ont été un moment très critique en termes de sollicitations. De 12 personnes dans l’équipe, celle-ci a été renforcée jusque 30 personnes derrière les lignes téléphoniques pour accueillir toutes les demandes (nous sommes revenus à un effectif de 15, aujourd’hui). Ces demandes ont beaucoup tourné autour des primes, du droit-passerelle, du chômage temporaire et cela continue aujourd’hui à chaque fois qu’une nouvelle mesure est prise par les autorités régionales ou fédérales. Un des problèmes rencontrés par les entrepreneurs réside dans la fracture numérique rencontrée par certains. Notre aide porte aussi sur cet aspect.»

Une prise en charge plurielle

Ces dernières semaines, si les appels sont moins soutenus qu’en mars-avril 2020, Véronique Flammang rapporte en revanche que les entrepreneurs sont de plus en plus désespérés : « Ils ne voient plus comment payer leurs factures, n’entrevoient plus de porte de sortie. Il y a quelques jours, un restaurateur nous a expliqué qu’il avait reloué son appartement pour payer le loyer de son restaurant dans lequel il dort désormais. Ces entrepreneurs n’ont plus de trésorerie pour tenir et leur moral est très dégradé. L’écoute est primordiale et nous y avons été formés. L’absence de perspective mine vraiment le moral de toute une série de secteurs : l’horeca, l’hôtellerie, le tourisme, les coiffeurs et les métiers de contact avant la reprise des activités, les clubs de sports…»

Lorsque l’écoute et les informations ne suffisent pas, l’équipe du 1819 renvoie vers une série de relais, comme le service d’accompagnement d’urgence qui a été mis sur pied depuis avril 2020, au sein de hub.brussels.

Comme l’explique Rodolphe d’Udekem d’Acoz, responsable de ce service, « Nous travaillons avec de nombreux experts auxquels nous pouvons référer les entrepreneurs en difficulté. Ces professionnels disposent d’une expertise pointue sur les plans thématiques (stratégie et finance, aides, droit, médiation, urbanisme, international, coaching psychologique), mais aussi sectoriels (retail, audiovisuel, hospitality, ICT, lifetech, économie circulaire, construction durable, entrepreneuriat social). Si certains entrepreneurs tirent leur épingle du jeu, malgré et parfois même grâce au Covid, les catégories retail (commerce de détail) ou hospitality (tourisme, événementiel et culture) sont durement touchées. Un entrepreneur qui exprime plusieurs besoins par rapport à ces différents thèmes et secteurs peut être pris en charge par plusieurs experts. »

Parmi ces experts, figurent finances.brussels qui peut octroyer des prêts, les guichets d’économie locale, les ACE (plateformes d’Auto Création d’Emploi) mais aussi le Centre pour entreprises en difficulté, hébergé par BECI (Chambre de commerce et Union des entreprises de Bruxelles). Ce Centre qui existe depuis quinze ans a été considérablement remanié ces derniers mois et participe à la constellation de services et d’aides que la Région de Bruxelles-capitale a mis sur pied pour aider les entrepreneurs. En plus d’une expertise comptable et fiscale, il propose aussi des accompagnements collectifs d’ordre technique ou encore psychologique (voir l’article « Soigner le moral des entrepreneurs pour empêcher les sorties de route » ).

Des dégâts à venir

50.000 faillites annoncées pour 2021 en Belgique, en plus des 10 à 11.000 faillites récurrentes chaque année : ce sont les pronostics du bureau d’étude Graydon pour cette année 2021. L’année 2020 a paradoxalement connu moins de faillites (7.935 en 2020, alors qu’en 2019, elles avaient presque atteint les 12.000). En cause : le moratoire sur les faillites qui a couru l’an dernier, mais qui a été levé le 31 janvier dernier.

A cet égard, le président du Tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles (TEFB), Paul Dhaeyer, confirme ce constat : « 2.618 faillites à Bruxelles en 2019, moitié moins en 2020 », mais parle de sursis : « En fait, pour l’instant, il y a encore un moratoire de facto convenu avec les autorités publiques telles que le fisc, l’ONSS et l’INASTI, étant donné qu’une réforme de la procédure de réorganisation judiciaire (PRJ), dont le but est d’essayer de sauver les entreprises de la faillite, est en cours. Cette procédure n’est pas très adaptée aux situations rencontrées et aux moyens des petits indépendants et des TPE. Elle est en train d’être adaptée».

Les banques ont également accepté, non sans s’être fait prier, ce moratoire, mais uniquement à l’égard des entreprises qui étaient saines avant la crise.

Malgré ce moratoire, Paul Dhaeyer a des craintes pour le tissu économique bruxellois à plus long terme : « Le commerce de détail est davantage concurrencé par l’e-commerce, les voyages d’affaires, très nombreux à Bruxelles, risquent de diminuer, vu les nouvelles habitudes prises en matière de visioconférences. L’hôtellerie risque d’en pâtir, ainsi que l’horeca. »

Pour tenter d’aider au mieux les indépendants et les très petites entreprises qui constituent une grande partie des entrepreneurs bruxellois, il conseille de se rendre au tribunal de l’entreprise qui dispose d’une série d’outils pour venir en aide à ces entrepreneurs en difficulté : « Des instances comme la chambre des entreprises en difficulté ou la chambre de règlement amiable peuvent sensibiliser aux techniques et aux procédures préventives d’une faillite. Des possibilités de conciliation ou de médiation existent avant d’envisager le pire. Nous sommes actuellement en discussion avec le gouvernement bruxellois, afin d’envisager une prime qui pourrait couvrir les frais de ces procédures de médiation car les très petites structures sont exsangues. La simplification de la PRJ va dans le même sens. »

Les réticences de l’entrepreneur

Pourtant, un certain nombre d’indépendants et de chefs d’entreprise restent assez attentistes. Tous les observateurs interrogés parlent de réticence à se faire aider. Pour Paul Dehayer, du TEFB, « il faut oser passe la porte du tribunal qui peut aider l’entrepreneur à sortir la tête de l’eau, mais aussi le cas échéant à faire aveu de faillite. Il faut sortir de cette logique de honte de l’échec. Cela peut permettre aussi de rebondir. » Véronique Flammang, du 1819, le souligne aussi : « Beaucoup d’entre eux demandent des renseignements, pas assez encore de l’aide. Quand on leur parle de CPAS, ils refusent le plus souvent en arguant du fait qu’ils ne sont pas des assistés et qu’ils peuvent se débrouiller seuls. ».

Pourtant toute une série de CPAS et de services de médiation de dettes (SMD) accueillent les indépendants et tentent de démêler gratuitement avec eux l’écheveau des dettes privées et celles de leur activité professionnelle, pour y voir plus clair sur leur situation financière. Jan Willems, du CPAS de Bruxelles-ville, en atteste : « Nous nous formons à cette matière et avons la volonté de soutenir les indépendants. En 2020, 80 indépendants ont été suivis et une cinquantaine le sont toujours actuellement. Nous essayons de mettre un réseau en place autour de la personne, mais il y a des limites : nous ne pouvons pas aider financièrement une société, payer les dettes de la société. Mais les aider à y voir plus clair ou à payer certaines factures du ménage, ça, on peut le faire . » Quant au Centre d’appui aux services de médiation de dettes bruxellois, il offre également une aide technique aux médiateurs de dettes dans cette matière et répond aux questions des indépendants. Il renseigne également tous les SMD qui accueillent les indépendants (voir encadré).

Des efforts sont clairement faits pour cette catégorie de travailleurs. Mais suffiront-ils pour éviter la casse ? Les mois prochains le diront.

Pour contacter tous ces services ou les renseigner à des entrepreneurs en difficulté 

Nathalie Cobbaut

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