Information ou communication ?
Il s’agit aussi de replacer la question de la communication dans le contexte actuel de l’infobésité ou l’excès d’information propre à l’ère numérique. Comme l’a souligné Mark Hunyadi (UCLouvain), « Avec la multiplication des réseaux de communication et des messages, différents à chaque fois, l’utilisateur ne sait plus comment s’orienter dans cette immense manne, cette mer à messages. En fait, cette prolifération dévalue les informations elles-mêmes. Un message à faire passer, sur ceci ou sur cela, tout le monde en a. Mais c’est très différent des informations, supposées être vraies, vérifiées et donc vérifiables. Je me demande dans quelle mesure cette prolifération des messages de la com’ et les stratégies de com’ ne participent pas à cette défiance généralisée. »
Pour Sophie Lefèvre (ONE), la clé réside dans l’éducation aux médias, mais aussi dans l’expérience des personnes avec les institutions. Quand elles sont déçues, la confiance est rompue. Ca peut être le cas, si, par les expériences de vie que l’on a, la manière d’être intégré dans la société, on se rend compte qu’on est en marge, pas pris en compte… « D’où l’importance de ne pas laisser des gens sur le côté, de prendre en compte la diversité. S’adresser à une famille avec Papa, Maman, Boule et Bill et le SUV, comme cela a pû être le cas avec le Covid, cela ne va pas : ceux qui ne correspondent pas à ce schéma vont se sentir à l’écart et vont rejeter les messages qu’on a envie de faire passer… »
Bernadette Tayemans, directrice de l’asbl Question Santé jusqu’en 2020, resitue les enjeux : « Si on se rapporte à 1981, quand QS est né, l’information était aux mains du pouvoir médical. Parfois, il y avait une Encyclopédie médicale dans les maisons, et c’est tout. Il n’y avait pas moyens d’avoir accès à l’information santé sans passer par le pouvoir médical. Donc, il y a quarante ans, l’enjeu de QS était de donner accès à cette info. »
Aujourd’hui, cet enjeu est bouleversé, il y a de l’info partout et de la communication partout. La question est donc de savoir comment aider les personnes à trouver leur chemin et à faire des choix éclairés en matière de santé. « On ne sait plus très bien comment être entendu, sachant qu’avec les outils du numérique, mais aussi avec les médias en général, ce qui attire et intéresse, ce sont les infos qui sortent du lot, créent l’événement, choquent… Or, en éducation permanente comme en promotion de la santé, on n’est pas là pour choquer ou pour faire peur. Donc le risque est de ne pas être entendus dans le brouhaha et cette dérégulation informationnelle. On est donc vraiment dans un moment assez compliqué. Comment continuer à travailler en restant en accord avec nos objectifs et nos valeurs, et, en même temps, en arrivant à toucher le public ? »
Une réflexion partagée par les participants à cette table ronde qui plaident pour un usage raisonné des réseaux sociaux, pour des messages de qualité, qui sensibilisent sans choquer et en restant connectés à tous les publics, dans l’interpersonnel, mais sans bouder le numérique, tout en gardant la confiance. Tout un challenge.