Dans les centres fermés, la santé n’est pas vraiment une priorité
Comment parler de migrantes et d’enfermement sans évoquer Semira Adamu, cette jeune nigériane de 20 ans qui avait demandé l’asile pour mariage forcé et qui se l’était vu refusé. Enfermée au Centre de rapatriement 127bis, puis à Steenokkerzeel, elle a été assassinée par des gendarmes le 15 avril 1998 lors d’une sixième tentative d’expulsion. Son décès n’aura pas changé grand-chose puisque plus de vingt ans après, « cette politique inhumaine et meurtrière se poursuit »3.
Le genre comme facteur de vulnérabilité est encore trop peu pris en compte dans les dossiers de demandeurs d’asile. Lors des procédures de demande d’asile, notamment lors des interviews menées par le CGRA4, ces femmes doivent raconter encore et encore leur histoire et revivre sans fin les traumatismes des violences (physiques, psychologiques et sexuelles) subies dans leurs pays d’origine, sur le trajet migratoire ou sur le territoire belge. La parole des femmes est remise en question, soumise encore et toujours au régime de la preuve, les forçant très souvent à devoir dévoiler leur intimité (physique et/ou psychique).
Moi, je suis malade, je saigne. Après avoir beaucoup insisté, ils ont accepté de m’emmener à l’hôpital. Le docteur, lui, a fait une biopsie et a dit : « Non, cette femme ne peut pas prendre l’avion. ce n’est pas normal à son âge d’avoir beaucoup de règles ». Il a envoyé une lettre au centre pour le dire. Le juge a même ordonné de me libérer, mais le Parquet a fait appel… – X, Centre fermé de Steenokkerzeel, 2021
Dans les centres fermés, comme les hommes qui y sont détenus, les femmes présentent divers troubles liés à l’enfermement : anxiété, déprime, perte d’appétit, troubles du sommeil, etc. Elles peuvent également expérimenter des troubles spécifiques comme l’absence de menstruations. A cela s’ajoutent des violences de la part d’autres détenus (violences sexuelles) ou encore de la part du centre où elles sont détenues. Celui-ci peut par exemple ne pas fournir de produits d’hygiène nécessaire ou uniquement les fournir en contrepartie de travaux de nettoyage.