Les ressorts psychologiques des précarités
Pour aborder cette journée, Anissa Tahri (Psybru) a parlé des implications psychologiques de la précarité. « On peut repartir de l’origine du mot Précarité qui vient de Precari, « supplier pour avoir« ». Autre référence, faite à Jean Furtos, psychiatre, qui parle pour sa part de précarités au pluriel. Avec un premier niveau qui porte sur la précarité qui débute à la naissance, avec un besoin de l’autre et une demande d’aide exprimée, entendue et prise en charge par les parents, à la base de la confiance en soi et du lien social. L’autre niveau concerne la précarité actuelle, celle qui met les individus sous pression et qui entraîne une triple perte de confiance : en soi (« Qui suis-je encore aujourd’hui ?»), en l’autre (soit l’étranger qui vole le travail, le chômeur qui vole la société ou encore le malade qui vole la sécurité sociale) et en l’avenir. Ces pertes de confiance s’accompagnent d’une peur de perdre les objets sociaux (le travail, le logement, les revenus) et crée de l’insécurité, avec la peur d’être exclu·e, mais aussi de la honte et de la culpabilité. La précarité est aussi un régime d’attente, quand on ne sait pas ce qu’on va recevoir, ce qui crée de la souffrance psychique et des douleurs physiques.
Selon Anissa Tahri, « Trois types de réactions sont à repérer : certains n’hésitent pas à demander de l’aide et ont la capacité de rebondir; d’autres sont déjà dans l’anticipation de la perte, alors qu’ils n’ont pas encore perdu leur travail ou leur logement. Enfin il y a ceux qui ont éprouvé une perte réelle, qui vont se tourner vers l’Etat pour compenser cette perte et redevenir acteurs et rebondir. S’il n’y a pas cet objet substitutif social, on se situe hors des aides, avec une situation de repli et de désespoir. »
D’où la nécessité d’un tissage de liens, de tuilage autour de ces personnes en difficulté, plutôt que de les soumettre au mécanisme de la patate chaude qui consiste à passer d’un service à l’autre sans y trouver un appui.