Un cycle pour appréhender l’épuisement professionnel
Dans le cadre des trois soirées proposées lors du cycle « Burn out dans le non-marchand », dont l’objectif était d’ouvrir le débat auprès des participant·e·s, ce sont les réalités de l’épuisement professionnel qui ont été mises en lumière. Avec la première soirée, par le biais d’une pièce de théâtre-action, créée et jouée par des personnes qui ont vécu le burn out, et suivie d’un débat. La pièce « Brûlés de l’intérieur »2 retrace ce mal qu’on ne voit pas venir, souvent mal perçu et chargé de préjugés, généralement rattaché à des circonstances personnelles plutôt qu’à des causes sociétales, alors qu’il est de plus en plus fréquent puisqu’entre -2016 et 2020, le nombre de cas de burn out de longue durée a augmenté de 36% en Belgique.
La seconde soirée s’est tenue sous la forme d’une conférence-débat sur le thème : « Secteurs féminisés, secteurs épuisés ? ». Une approche féministe des tâches du care, majoritairement dévolue aux femmes, y a notamment été explicitée par Nathalie Hirtz, chercheuse au Gresea : « La manière dont le travail est organisé est androcentrée. Le travail de reproduction qui englobe notamment le travail du soin est assigné aux femmes, alors que le travail de production dont découle le profit revient aux hommes. La plupart du temps, le travail de reproduction est gratuit et donc invisibilisé. Mais, là où il est devenu une activité professionnelle, il est marchandisé et la logique productiviste lui est désormais appliquée. »
Selon Rachel Carton, coordinatrice et conseillère en prévention aspects psychosociaux auprès de l’ABBET, cette marchandisation du care, notamment dans les maisons de repos de grands groupes comme Orpéa, a un impact très fort sur la santé des travailleur·euse·s(à 80% des femmes) et mène à des burn out. « L’organisation du travail laisse de moins en moins de marge de manœuvre avec des contraintes de temps (15 toilettes en 1h30), une standardisation des procédures, des modes opératoires, le développement de technologies de contrôle et de traçabilité (s’enregistrer dans l’établissement, dans la chambre, en entrant, en sortant…). Tout cela entraîne des dilemmes éthiques, des arbitrages car il n’est plus possible de répondre à tous les objectifs : comment faire les tâches, se préserver et maintenir la relation ? »
Lors de la conférence-débat, Annalisa Casini, chercheuse à l’UCL, a évoqué une enquête menée dans le secteur de l’aide à domicile, pris en charge à 91% par des femmes souvent issues de l’immigration, et au sein duquel le taux de turn over et de burn out est extrêmement élevé. Enfin Malika Roelants, pédiatre, a fait part de son expérience lors de sa spécialisation en pédiatrie et dans son travail au CHU Saint-Pierre où la logique marchande est elle-aussi présente, notamment pour rattraper les pertes liées à l’annulation de consultations en période Covid. En tant que membre du collectif Santé en lutte, elle a également proposé la vision d’une vidéo illustrant le quotidien d’une soignante aux Cliniques Saint-Luc suite à la mise en œuvre d’un nouveau logiciel d’organisation et ses conséquences sur le travail des soignants3.
Troisième soirée du cycle, en mars dernier, avec la projection d’un film éclairant sur l’organisation du travail dans les salles d’opération dans un hôpital public parisien, « Burning out, dans le ventre de l’hôpital » de Jérôme Le Maire, avec là encore le management des interventions réglé comme du travail à la chaîne et la souffrance, la perte de sens et les tensions que ce mode d’organisation a amené dans les équipes soignantes.