Trois points d’attention
Dans le premier chapitre du dernier baromètre, il est ainsi indiqué qu’au fil de la généralisation du taux d’équipement et de connexion, les inégalités d’accès aux technologies numériques se sont transformées et déplacées vers des formes moins visibles. Le niveau de revenu, l’isolement et l’âge restent par exemple des facteurs discriminants prégnants malgré la progression généralisée de la connexion à Internet. Les personnes vivant seules, d’autant plus lorsque celles-ci sont plus âgées ou en situation de précarité, sont des publics plus exposés que d’autres aux conséquences négatives de la non-connexion à Internet sur le plan de la participation sociale, notamment de l’accès aux services essentiels.
Dans le deuxième chapitre consacré à une vulnérabilité numérique persistante face à un environnement numérique exigeant, on peut ainsi voir qu’en 2023, 4 personnes sur 10 de 16 à 74 ans en Belgique (40%) demeurent en situation de vulnérabilité numérique, soit parce qu’elles n’utilisent pas Internet (5%), soit par ce qu’elles possèdent de faibles compétences numériques générales (35%). C’est à Bruxelles que les inégalités face à la vulnérabilité numérique sont les plus élevées : 7 personnes sur 10 (70%) ayant un niveau de diplôme peu élevé sont vulnérables face à l’environnement en ligne, contre 16% seulement de leurs homologues diplômés de l’enseignement supérieur. Le taux de vulnérabilité numérique selon l’âge indiquait, qu’en 2023, près d’un tiers de jeunes de 16 à 24 ans (32%), toutes catégories sociales confondues, demeure en situation de vulnérabilité numérique. L’évolution depuis 2021 est quasi nulle puisque cette proportion n’a baissé que de 1 point de % en 2 ans (33% en 2021).
Dans le troisième et dernier chapitre qui traite de l’usage des services essentiels numériques, les chercheurs se sont intéressés aux publics et ont aussi voulu savoir si les personnes les utilisaient seules ou avec l’aide d’un tiers. Il apparaît ainsi que les taux d’utilisation des services essentiels numérisés sont toujours plus élevés parmi les internautes multiconnectés, comparativement à ceux de la population des internautes en moyenne. En revanche, ces taux bien plus bas parmi les internautes se connectant à Internet par le seul biais du smartphone révèlent, en creux, l’importance du non-recours à ces services pour ce public.
Le baromètre révèle ainsi que près de la moitié (46%) des usagers « monoconnectés » n’utilise pas les services en ligne. C’est près du triple que parmi leurs homologues multiconnectés (16%). De même la part des non-utilisateurs de l’e-banque est quatre fois plus élevée parmi les usagers n’ayant que leur smartphone comme moyen de connexion (40%) que parmi les usagers multiconnectés (10%). Les auteurs du baromètre indiquent aussi que près de 6 usagers sur 10 (56%) n’ayant que leur smartphone comme moyen de connexion n’utilisent pas l’e-santé ; ils sont deux fois plus nombreux à être dans ce cas que leurs homologues multiconnectés. Il importe également de souligner combien la position minoritaire qu’occupent désormais ces usagers « monoconnectés » ne doit pas faire oublier leur grande vulnérabilité face à la norme actuelle de la multiconnexion.
Anoutcha Lualaba Lekede,
avec Le Baromètre de l’inclusion numérique, Fondation Roi Baudouin, édition 2024.