Jeudi 14 août. Rue Stephenson à Schaerbeek. Dans la cour de l’ancienne école dans laquelle est installée l’asbl Transit qui existe depuis 35 ans, Sophie attend. Visiblement anxieuse, elle tire nerveusement sur sa cigarette dans l’attente de la réponse qui tombera à la fin de la réunion d’équipe et qui décidera si elle peut prolonger son séjour au centre. Ouvert sept jours sur sept, ce centre de crise à bas seuil[1] comprend un centre de jour, ouvert entre 9h et 16h, où les personnes usagères de drogues peuvent prendre une douche, un repas chaud, un café et y rencontrer un infirmier, un assistant social ou encore un psychologue.
Transit dispose aussi d’un centre d’hébergement d’urgence qui accueille le public pour une durée limitée de treize jours, en principe. Les personnes admises peuvent s’y reposer, remettre de l’ordre dans leur situation socio-administrative ou encore amorcer un projet d’insertion ou de cure. « Il s’agit d’un accueil et d’un hébergement qui permettent une prise en charge des personnes et une pacification de l’espace public, explique Kris Meurant, directeur du pôle psychosocial de Transit. Mais depuis la sortie du Covid, les demandes ne cessent d’augmenter, les personnes précaires de plus en plus fragilisées recourent davantage aux drogues, notamment pour tenir le coup en rue, ce qui génère des difficultés de plus en plus visibles dans l’espace public. Les demandes d’aide vers les services de première ligne sont toujours plus fortes et ceux-ci sont débordés, doivent refuser des prises en charge. C’est aussi le cas à Transit. Dans le cadre d’un travail plus approfondi, les délais pour obtenir une cure par exemple sont de plus en plus longs : il y a vingt ans, on pouvait espérer une réponse en quinze jours ; aujourd’hui il faut quatre mois pour être intégré dans un programme. Comment espérer qu’une personne complètement désinsérée attende un tel délai pour une prise en charge ? ».
La réduction des risques en point de mire
Autre service proposé par Transit : le comptoir LAIRR pour Lieu d’Accueil, d’Information et de Réduction des Risques. Egalement accessible sept jours sur sept et cette fois 24 heures sur 24, ce service vise à réduire les risques liés à la consommation de drogues, en distribuant du matériel stérile d’injection, du matériel d’inhalation ou de sniff, ainsi que des préservatifs, mais aussi des conseils et des brochures. Ce type de dispositif a pour objectif de minimiser les conséquences négatives liées à la consommation de substances psychoactives, licites ou illicites. Il en existe d’autres dans la capitale, que ce soit chez Dune, au Pilier, dans les antennes du projet Lama ou encore dans le cadre du Médibus, géré par Dune et Médecins du Monde.
Cette démarche de réduction des risques (RdR) a émergé au milieu des années 80, notamment en Suisse, pour répondre à la crise liée à la consommation d’héroïne dans les années 80 et 90, mais aussi dans le contexte de l’épidémie de VIH qui a débuté au cours de la même période. La RdR adopte une approche pragmatique en reconnaissant que l’abstinence n’est pas toujours possible et se concentre sur des actions afin de réduire les risques sanitaires, sociaux et économiques. Elle est aujourd’hui saluée tous les 7 mai par une Journée internationale de la RdR liée à l’usage des drogues
Parmi les mesures et interventions organisées dans cette optique, il y a également les salles de consommation à moindre risque (SCMR). Si ce type de dispositif permettant aux usager·e·s de drogues de consommer dans un endroit sécurisé a fait son apparition en Europe depuis une trentaine d’années et compte près de 100 SCMR , il a fallu attendre mai 2022 qu’une salle de ce type s’ouvre à Bruxelles. Elle avait été précédée d’une première expérience en Belgique, sur la ville de Liège, la salle « Saf ti » ( « Protège-toi » en wallon liégeois), qui a connu des difficultés, mais s’est vue refinancée par le gouvernement wallon pour l’année 2025.
Gate et très bientôt LINKup

La SCMR bruxelloise Gate existe donc depuis un peu plus de trois ans. Gérée par l’asbl Transit et la MASS (Maison d’Accueil Socio-sanitaire), elle est située dans le quartier Lemonnier sur le territoire de Bruxelles-ville et offre une alternative à la consommation de rue, en proposant un espace d’accueil, de consommation et d’accompagnement.
Elle a été installée autour des scènes ouvertes de consommation préexistantes, soit la Gare du Midi, Anneessens, Lemonnier, Stalingrad et se situe à la croisée de trois communes, Bruxelles-ville, Saint-Gilles et Anderlecht. « Ce qui a permis que ce projet aboutisse à l’ouverture de cette SCMR, c’est le travail qu’on a fait en amont. On a dû travailler sur l’effet NIMBY (Not in my backyard/Pas dans mon arrière-cour – NDLR) pendant deux années. On a pris du temps pour rencontrer les riverains, entendre leurs plaintes, leurs critiques. Sans l’appui des autorités communales qui ont assumé leur rôle, ce projet n’aurait jamais pu voir le jour, ni en termes de subsidiation, ni auprès de la population et de certains politiques. Le représentant de la police locale a également participé à un apaisement en termes d’acceptation du projet. »