DossierPolitiques de santé
18.03.2024
Numero: 17

Les CSSI, au plus près des bénéficiaires

CSSI pour Centre Social-Santé Intégré. Avec le nouveau décret ambulatoire voté à Bruxelles, c’est un nouveau cadre qui vient inscrire le Social-Santé Intégré à l’échelle la plus locale. Ribaucare, installé sur Molenbeek, est une de ces structures susceptibles d’essaimer. Pour un maillage toujours plus fin du territoire bruxellois.

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C’est le 19 janvier dernier que le Parlement francophone bruxellois a voté la réforme du décret ambulatoire qui régit dix secteurs non-résidentiels de l’aide et des soins, dans les domaines de l’Action sociale, de la Famille et de la Santé. Une réforme attendue qui va venir renforcer les services de santé mentale, ceux actifs en matière de drogues et d’addictions ou encore en médiation de dettes, les centres de planning familial, d’action sociale globale (CASG), les services d’aide à domicile, de soins palliatifs et continués et de coordination de soins et d’aide à domicile, ainsi que les maisons médicales et les centres d’accueil téléphoniques.

Plus de 150 services sont concernés et plus de 2.000 travailleur·euse·s. Avec un budget supplémentaire pour 2024 de 7,5 millions d’euros et des soutiens de plus de six millions dispensés depuis 2019, il s’agit de renforcer et de pérenniser ce secteur, notamment par la création d’emplois pour augmenter l’offre d’aide et de soins, mais également en améliorant les collaborations entre services et en développant des accompagnements Social-Santé intégrés.

Ce texte est lié au décret et ordonnance conjoints « Ambulatoire et première ligne » adopté en décembre 2023 au sein du Parlement francophone bruxellois et de l’Assemblée réunie de la COCOM.

Un onzième type de service ambulatoire

Le décret ambulatoire nouvelle mouture vient également asseoir un nouveau dispositif, mené jusqu’ici dans le cadre de projets-pilotes : celui de Centre Social-Santé Intégré (CSSI), dont l’objectif est de rassembler plusieurs services d’aide et de soins. Il s’agit de proposer aux bénéficiaires d’un quartier une prise en charge globale dans un même lieu, de façon à répondre aux besoins sociaux et de santé individuels, collectifs ou communautaires, exprimés explicitement ou émergeant lors d’une visite dans l’un des services du CSSI. L’intention est également de faire de ces lieux de prises en charge sociale et médicale, des espaces de cohésion sociale et de vie dans les quartiers où ils sont installés.

C’est notamment le cas de Ribaucare, actif sur le quartier Ribaucourt à Molenbeek depuis 2022. Situé sur le Boulevard Léopold II, qui mène du centre de Bruxelles à la Basilique de Koekelberg, le CSSI est installé en intérieur d’ilôt, dans des bâtiments ayant l’objet d’une réhabilitation profonde par le biais de l’asbl Solidarimmo (développeur immobilier solidaire) et grâce à un financement du Fonds européen de développement régional (FEDER) octroyé à Médecins du Monde, autre promoteur à la base du projet.

Depuis deux années maintenant, Ribaucare a trouvé ses marques, associant dans des locaux fonctionnels les activités de la maison médicale au forfait Canal Santé, le Centre d’action sociale globale Solidarité Savoir, le planning familial et le service de médiation de dettes Leman, ainsi qu’une antenne du service d’accompagnement thérapeutique pour toxicomanes Lama. Après une année, 12.000 consultations médicales, sociales, psychologiques et juridiques, prises en charge par 55 travailleur·euse·s étaient déjà enregistrées à l’actif du CSSI et 2023 n’a pas démenti cette activité.

Un mode de fonctionnement collaboratif

Comme le souligne Eric Husson, directeur des projets chez Lama et membre du conseil d’administration de Ribaucare, « le quartier Ribaucourt a pour caractéristique d’héberger des personnes qui ne font souvent que passer dans le quartier et qui sont assez mobiles sur le territoire bruxellois. Donc tout le défi était de capter le public et de le fidéliser et on peut dire que c’est en passe d’être réalisé. La cohabitation des différents usagers se passe plutôt bien. Les services qui ont rallié Ribaucare sont également venus avec leur propre public, patients ou usagers, et d’autres s’ajoutent régulièrement.

Une des autres caractéristiques propres à ce type de structure est de permettre de passer d’un service à l’autre, en fonction des besoins. Là aussi ça fonctionne et cette dynamique se met en place petit à petit, mais sans que rien ne soit imposé. Je pense par exemple aux personnes que l’on reçoit au projet Lama : en plus des problèmes d’addictions, elles ont souvent des problèmes de dettes. Le fait qu’il y ait un service de médiation de dettes au sein du CSSI permet une prise en charge beaucoup plus fluide puisque les services sont dans la même maison. Le bureau d’accueil commun pour l’ensemble de cinq services permet aussi cette mutualisation de l’offre et son accessibilité. Par ailleurs, de plus en plus, le CSSI s’intègre dans le paysage du quartier, avec l’utilisation des locaux par des associations de proximité, comme une école de devoirs, ou l’utilisation de la grande salle commune du rez-de-chaussée pour des activités communautaires. C’est aussi la raison de la présence du Relais Action Quartier de Molenbeek dans les locaux. »

Autre particularité de Ribaucare : le fait que chaque service a conservé sa propre structure, avec des agréments propres pour chaque activité et une structure faîtière qui chapeaute l’ensemble des services. Une gouvernance collaborative a été mise en place, qui regroupe les cinq coordinateurs des services au sein du Collège des coordinateurs, lequel travaille de manière concertée avec le conseil d’administration qui vient en soutien. Selon Eric Husson, « il faut composer avec des mondes professionnels différents, des cultures de travail et organisationnelles différentes, des perceptions de publics non homogènes. Cette dynamique d’apprivoisement et de travail en commun était présente dès avant le début des activités de Ribaucare, mais les gens vont et viennent, les professionnels peuvent bouger, mais certains assurent le fil, la cohérence. La structure du CSSI prévoit aussi une gestion commune de l’administratif, de la gestion des ressources humaines, de la logistique des travaux… »

Ce qui reste sans doute à creuser, c’est la participation et la concertation des publics auxquels Ribaucare s’adresse, en les associant à la vie du CSSI, en créant de la convivialité avec les bénéficiaires, en s’appuyant aussi sur la pair-aidance développée au sein du projet Lama et qui pourrait essaimer dans les autres structures.

Des CSSI déjà actifs ou en devenir

Avec le décret ambulatoire, la formalisation des CSSI comme structures d’aide et de soins proposant une palette d’interventions sociales et médicales devrait monter en puissance. Ribaucare n’a pas attendu le décret pour voir le jour : c’est également le cas de Goujonissimo, autre CSSI qui, lui, est sorti de terre avec un bâtiment neuf et une ouverture effective en juillet dernier. Egalement à la manœuvre de ce projet, Médecins du Monde et l’asbl SolidarImmo, avec la mobilisation des moyens européens du FEDER. Situé cette fois sur la commune d’Anderlecht et plus spécialement aux abords des quartiers de Cureghem et de Biestebroek, cette fois, c’est à partir de la maison médicale Medikuregem comme structure centrale qu’une offre sociale et de santé s’est développée.

Autre structure reconnue comme telle : l’Entr’Aide des Marolles, située comme son nom l’indique en plein cœur du vieux Bruxelles et qui propose déjà depuis de nombreuses années une approche globale de la santé pour les habitants du quartier, avec une maison médicale, un CASG, une antenne de l’ONE, un service d’aide psychologique, ainsi qu’une école de français. Cette structure n’a pas attendu les CSSI pour proposer une offre de services sociaux et de santé plurielle. D’autres structures comme la Free Clinic à Ixelles ou l’espace social Télé services qui se sont développées depuis de longues années sur ce modèle pluridisciplinaire pourraient elles aussi prétendre à cette appellation de CSSI.

Enfin, dans un avenir plus ou moins proche, une structure du même type pourrait également voir le jour, cette fois sur Schaerbeek avec le projet de CSSI Petite colline, du contrat de quartier du même nom et une implantation rue Dupont.

Des objectifs supplémentaires à atteindre

Pour faire le lien avec le Plan Social-Santé Intégré et les autres niveaux, les CSSI, se développant à l’échelle des quartiers, devront s’inscrire dans la dynamique des Contrats Locaux Social-Santé (CLSS) et, par ce biais, entretenir des liens avec les services spécialisés, auxquels les bénéficiaires du CSSI pourraient être référés si besoin.

Concernant la fonction 0.5 pour l’accompagnement des situations de vulnérabilité et des publics les plus fragiles, l’implication des CSSI peut se faire à deux niveaux : d’une part avec des missions obligatoires pour tout service bénéficiant de l’agrément, comme par exemple en ayant des horaires d’accès étendus ou de plages sans rendez-vous, une accessibilité financière maximale ou encore avec la mise en place de pratiques permettant la continuité des soins. D’autre part, si le CSSI souhaite s’inscrire dans une démarche plus approfondie concernant la fonction inclusive, il pourra bénéficier d’une extension de cadre pour entrer dans une démarche d’outreaching, en accueillant un minimum de patients bénéficiant de l’aide médicale urgente ou d’un réquisitoire Fedasil ou encore prévoir une réactivité aux situations d’urgence.

Pour favoriser les démarches pour entrer dans ce dispositif CSSI, un accompagnement est prévu via une collaboration des Fédérations des maisons médicales (FMM) et des services sociaux (FDSS) et une souplesse au niveau administratif est garantie dans les textes.

Tout comme pour l’ensemble du PSSI, la question de la place de la promotion de la santé est aussi questionnée au sein de ces CSSI, avec un vecteur de choix pour atteindre les publics. Mais la nécessité d’intégrer cette préoccupation au cœur des activités et d’y consacrer les budgets nécessaires sera sans doute la condition sine qua non pour que cette dimension figure bien au programme et que le renforcement des publics, même vulnérables, puisse être atteint à travers ces nouvelles structures.

Nathalie Cobbaut

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